Un point sur l'activité des volcans Merapi et Popocatepetl (mis à jour)

Popocatepetl, Mexique, 5426 m

Depuis la fin du mois de janvier l'activité au Popocatepetl est devenue un poil plus soutenue, bien que ce changement n'ait pas été assez important pour justifier un changement du niveau d'alerte: il reste à 2.

Concrètement que se passe-t-il? Dans les grandes lignes, rien de nouveau par rapport à l'habituel. L'activité au Popocatepetl se manifeste depuis des années par la lente émission de magma visqueux, à faible débit. Cette colonne de magma ne semble pas être en permanence en mouvement: il lui arrive de faire des pauses, puis de reprendre son ascension. Le magma est assez riche en gaz* et si la plupart du temps ce dernier*  s'échappe tranquillement, formant le panache continuellement visible, il lui arrive aussi de rester coincé.

Il arrive aussi qu'un magma un peu plus neuf (et donc riche en gaz) arrive et pousse le reste de magma plus vieux, dégazé (et donc moins mobile) qui empli la colonne. Dans les deux cas on se  retrouve avec une accumulation de gaz, une mise en pression du haut du conduit, qui amène à des périodes de quelques heures à plusieurs jours, pendant lesquelles des explosions plus soutenues se produisent, libérant cet excès de pression.

Il semble qu'une de ces phases ait débuté le 22 janvier avec une explosion assez importante pour faire vibrer portes et fenêtres jusqu'à plus de 50 km de distance alentour (production d'une onde de choc).

Forte explosion dans la nuit du 22 au 23 janvier, avec expulsion de blocs sur toute la partie supérieur du Popocatepetl. Image: CENAPRED/SEGURIDAD; via José Luis Rendon,

Depuis lors il y a eu d'autres explosions, visiblement pas aussi forte que celle du 22-23 janvier, car il faut du temps pour évacuer la pression: ça se fait par à-coups.

Mais concernant les deux causes possibles de telles phases explosives, la suite n'est pas forcément la même.

S'il s'avère qu'un peu de magma dans la colonne est trop dégazé et devient trop peu mobile, empêchant momentanément l'évacuation des gaz, ces derniers s'accumulent, font sauter le "bouchon" de magma dégazé, et le dégazage reprend de plus belle dans la foulée.

Si par contre c'est du magma un peu plus riche en gaz qui arrive et pousse le magma trop vieux (dégazé) au-dessus, la pression monte, le bouchon est expulsé (voir photo ci-dessus) mais le magma neuf et riche en gaz sort dans la foulée. Comme il s'agit d'un magma plutôt visqueux, il forme généralement un dôme.

Et assez souvent, au sommet du Popocatepetl, dans le secret du cratère sommital (interdit d'accès pour des raisons évidentes), se forment des dômes de lave, qui sont détruits lors de phases explosives ultérieurs. Car oui! Lorsque le dôme se forme, il se refroidit, se solidifie, colmate ainsi le haut du conduit, empêche la sortie des gaz, ce qui provoque une mise en pression...et se termine, généralement, par une ou plusieurs explosions qui détruisent toute ou partie du tout jeune dôme. Situation assez classique (souvenez-vous de décembre 2018 par exemple).

Or il est clair que depuis que l'activité explosive s'est intensifiée fin janvier, un nouveau dôme de lave est en construction dans le cratère. Alors évidemment ça ne se voit pas aux webcams, mais les signaux sismiques typiques de l'extrusion sont enregistrés, et surtout le nouveau dôme est visible sur les images satellites. Il est nommé sur l'image "n°83" mais j'ai un souci avec le nom: le 81 a été détruit fin novembre, mais je n'ai pas détecté d'autre dôme entre temps sur les images satellites..
Ce "n°83" fait à peu près 100 m de diamètre et mis moins de 5 jours pour se former. Difficile de dire si sa croissance se poursuit par contre.

Quoi qu'il en soit il n'est donc pas impossible, ni improbable, que dans les jours qui viennent des explosions encore assez fortes détruisent ce dôme, suivant le shéma qui a eu lieu précédemment.

Affaire à suivre donc.

Mise à jour, 20 février,  06h50

Le CENAPRED apporte la confirmation qu'un nouveau dôme de lave est bien en formation. Il a été observé directement dans le cratère sommitale lors d'un survol de contrôle. Il est aussi confirmé que ce n'est pas le n°83, mais bien le n°82. Son diamètre au moment du survol a été estimé à 200 m: sa croissance se poursuit.

Sources: CENAPRED; merci à José Luis Rendon!

*"ces derniers" devrais-je dire, mais je simplifie et écrit "gaz" pour parler de l'ensemble des gaz présents dans le magma, ce qu'on appelle la "phase gazeuse" ou la "fraction gazeuse (il y a aussi la fraction liquide et la fraction solide (cristaux, xénoliths etc)).

Merapi, Indonésie, 2968 m

L'éruption reste globalement stable en terme de débit ou d'intensité mais la situation tend à se stabiliser depuis la mi- janvier. Et c'est plutôt logique.

Lors de la première étape de cette éruption, entre août et fin novembre 2018, seule l'extrusion a eu lieu. C'est la phase où le dôme a simplement grandit dans l'enceinte du cratère sommital.

Lors de la seconde étape, entre fin novembre 2018 et mi-janvier, le dôme a poursuivit sa croissance, devenant chaque jour un peu plus volumineux (avec un débit assez stable), mais les avalanches de blocs ont fait leur apparition et leur fréquence, et distance parcourue, ont très progressivement augmenté. Cela signifiait qu'un volume de plus en plus grand du dôme se déstabilisait dans la pente.

La troisième étape de cette éruption extrusive a commencé vers la mi-janvier. Il n'y a pas de date précise mais c'est le moment où le volume du dôme s'est stabilisé semble-t-il: il fait depuis ce moment environ 461000m3. Cela ne signifie pas que l'éruption a cessé, mais simplement que le débit du magma qui arrive et forme le dôme est compensé par le volume de dôme qui s'effondre sous la forme d'avalanches dans la pente. Il y a autant de volume de dôme construit que de volume de dôme détruit.

Toutefois comme le volume des morceaux de dôme qui se décrochent dans pente est un peu plus important que lors de la seconde phase, certaines avalanches sont assez importantes pour se transformer dans la pente, au cours de leur descente, en petits écoulements pyroclastiques.

Un volume un peu trop gros de dôme se détache? L'avalanche se transforme en petit écoulement pyroclastique au cours de sa descente. Image: BNPB

Ces derniers sont peu mobiles et de faible volumes: ils parcourent donc des distances faibles. Mais néanmoins ils peuvent atteindre des distances plus importantes que les simples avalanches: les personnes qui résident au pied du versant sud doivent être très vigilantes quand à l'évolution de la situation.
Car maintenant que le dôme est en surplomb de la ravine sud, il suffirait que le débit augmente un peu rapidement pour que des écoulements pyroclastiques plus importants, plus mobiles, plus chauds, et donc plus dangereux ne se produisent.
Les phases 1 et 2, qui ont duré tout de même plus de 6 mois, ont laissé largement le temps de se préparer. Mais maintenant la marge de manoeuvre par rapport à la mise en place d'écoulements pyroclastiques importants et les évacuations qui devrons avoir lieu dans ce cas de figure, est bien plus réduite.
Il faut donc espérer que le débit de l'extrusion ne varie pas vers la hausse, ou en tout cas pas rapidement, histoire que les autorités et habitants aient le temps de voire venir...

Source: BNPB