2 septembre 2018

Le point sur l'activité des volcans Manam, Etna et Ebeko

Après quelques jours de vacances où la géologie ne fut jamais très loin (des vacances sans géologie, c'est pas des vacances), je reviens pour faire le point de l'activité sur plusieurs édifices, dont j'ai suivi l'évolution ces derniers jours mais sans avoir de temps de faire de mises à jour sur le blog (celles et ceux qui me suivent sur twitter ont eu quelques infos, en l'occurence). On part donc dans le Far East pour commencer.

Ebeko, Russie, 1156 m

Depuis plusieurs semaines déjà l'activité sur l'Ebeko semble connaitre de subtils changements. Pour l'heure ils ne présentent pas d'impact concret mais leur signification reste floue...et le suivi de la situation est important, je m'explique.

Tout commence fin juillet avec la détection par le Suomi NPP de signaux thermiques faibles au sommet de l'Ebeko, au niveau de la zone où se localise l'évent qui est la source, depuis octobre 2016 des émission cendres. Ne retrouvant pas ce signal les jours suivants je pars alors du principe qu'il peut s'agir d'un artefact mais garde en tête qu'une activité anormale se déroule sur l'édifice depuis quasiment 2 ans donc....à surveiller.
L'activité explosive reste alors à priori* plutôt phréatique avec des émissions de cendres d'intensité variable, mais parfois très jolies.



Nouvelle alerte, plus précise cette fois, sur les images produites par la webcam installée à Sevaro-Kurilsk, à quelques kilomètres à l'est de la zone active. Le 25 août, en cours de nuit, une des images montre une explosion formant un petit panache de cendres mais, pour la première fois (à ma connaissance), des températures assez fortes au niveau de l'évent (au moment de l'explosion) pour qu'elles impriment le détecteur de la webcam.

Haute température au niveau de l'évent actif au moment d'une explosion. Image: KB-GS-RAS/KVERT

Enfin**, le 31 août, une image du satellite SENTINEL2 indique clairement elle-aussi que de hautes températures sont, au moins de temps en temps, présentes au niveau de l'évent actif. La question se pose donc de l'origine de ces signaux thermiques: "températures élevées" ne veux pas forcément dire que du magma neuf est émis, mais peut-être qu'il n'est plus très loin.

Signal thermique relativement fort au niveau de l'évent à la source des émissions de cendres. Image: SENTINEL2-ESA/Copernicus


Cela fait quasiment deux ans que le système hydrothermal*** hyper développé de l'Ebeko est instable du fait, vraisemblablement, de la mise en place d'un peu de magma à plus faible profondeur (pas de valeur précise, car pas d'étude spécifique publiée à ce jour à ce qu'il semble).
Ce magma a-t-il enfin réussit à sortir? Pour l'heure les données indirectes telles qu'images satellites ou images webcam ne permettent pas d'avoir de certitudes. On ne peux pas même savoir si ce signal thermique est permanent ou seulement présent de temps en temps (pendant les explosions par exemple).

Quoi qu'il en soit le KVERT maintient le niveau d'alerte aviation à l'orange: même cette activité reste globalement faible et ne produit des chutes de cendres qu'à proximité (les habitants de Severo-Kurilsk le savent tout particulièrement bien), rien n'interdit, dans la situation actuelle, qu'elle puisse devenir plus intense et devenir une menace plus sérieuse pour les avions qui passent dans le secteurs, surtout à basse altitude.

* car pour être sûr il faut analyser les dépôts et vérifier qu'il n'y a aucune trace de magma neuf, sinon c'est du phréatomagmatisme. Les signaux thermiques détectés fin juillet permette alors d'avoir un doute

** je surveillais ça de près depuis fin juillet et il faut savoir être patient avec les images satellites

*** du moins la partie sommitale de ce système car certaines sources hydrothermales du versant nord-ouest semblent fonctionner, au moins en partie, de façon indépendante.

Sources: KVERT; KB-GS-RAS; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Merci à Shérine France d'avoir dégotté la vidéo :)

Etna, Italie, 3330 m

Je reprend ici la suite des mises à jour que j'avais faites entre les 23 et 25 août. L'activité éruptive s'est poursuivie telle que je l'avais laissée à la fin du post précédent, avec des explosions stromboliennes dans la Bocca Nuova et sur le Cône Sud-Est (sur le Saddle Vent), ainsi que la coulée de lave alimentée depuis le 23 août par un faible débit, coulée qui a persisté jusqu'au 27 août.

Ce jour-là, l'activité a un peu changé avec l'arrêt, en cours de journée, de la coulée de lave émise depuis le Saddle Vent, ainsi que l'arrêt de l'activité strombolienne sur cet évent. Tout s'est décalé plus à l'est, sur l'évent "U Puttusiddu" qui a commencé à être le siège de l'activité strombolienne, et d'une nouvelle coulée de lave, elle-aussi alimentée par un faible débit.
Pas de changement de style ou d'intensité donc, mais un changement de site.

L'activité a changé de site en cours de journée le 27 août. Images: Protection Civile de Giarre

Au cours des 2 jours suivants l'activité n'a cessé de décroitre lentement sur le Cône Sud-Est jusqu'à sa cessation le 30 août. Boris Bencke indiquait le 29 août que l'activité se poursuivait dans la Bocca Nuova, mais est-ce encore le cas aujourd'hui? Difficile de le dire. Pendant cette crise l'activité semblait s'être calmée dans le Cône Nord-Est mais le 31 août, un signal thermique y était de nouveau présent: une activité y serait-elle de retour?

L'activité sur les différents évents et les deux coulées récentes, l'une plus alimentée et en cours de refroidissement, l'autre en cours de progression. Image: SENTINEL 2 - SA/Copernicus

Sources: Boris Benhcke/INGV; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Protection Civile de Giarre

Manam, Papouasie Nouvelle-Guinée, 1807 m

Après la phase paroxysmale du 25 août dernier l'activité éruptive ne s'est pas arrêtée, bien qu'elle soit revenue et restée à un niveau plus  habituel.

Les photos et images satellites publiées depuis confirment la présence de coulées de lave et d'importants dépôts chaotiques qui semblent avoir été laissés par des écoulements pyroclastiques. Il faudra peut-être attendre d'avoir des images plus claires du sommet pour savoir si les écoulements pyroclastiques sont seuls à l'origine de ces dépôts ou si d'autres phénomènes géologiques ont participé.
Je pense ici à la situation qu'à connu le Fuego (Guatemala) début juin, où l'instabilité des pentes a visiblement été un phénomène essentiel dans la catastrophe, plus que l'intensité de l'activité éruptive seule. Je serais curieux de savoir si pour le Manam la situation a été ou non comparable, vue la violence des événements et l'extension des dépôts... et la présence d'une gentille effusion tout de suite après.

Ces dépôts d'écoulements pyroclastiques ont affecté exclusivement le secteur nord-est, mais de manière importante. Les dépôts vont jusqu'à la côte, située à 5 km du  sommet environ. Ce sont ces dépôts qui ont été recouverts (en petite partie seulement) par une effusion, qui a du commencer sinon immédiatement, en tout cas très très peu de temps après le paroxysme.
Il semble qu'une coulée de lave unique soit descendue en direction du nord-est puis se soit rapidement divisée en deux lobes, visibles grâces aux données du Suomi NPP le 28 août. Des signaux thermiques encore detectés hier par le Suomi NPP suggèrent que cette effusion est toujours en cours.

La trace thermique laissée par la coulée se divise en deux lobes distincts. Image: MODIS et Suomi-NPP

La coulée de lave principal se sépare en 2 fronts. Au premier plan, le dépôts chaotique (blocs et cendres) laissés par les écoulements pyroclastiques du 25 août. Image: auteur et date non précisés, via Cairns&Friends Photography et Shérine France

Il semble que le paroxysme ait détruit deux villages et posé des problèmes importants pour les insulaires, en particulier pour la gestion des stocks de nourriture et d'eau. Le PNGDF (Papua New Guinea Defense Force) a mis à disposition des bateaux et des hommes pour assurer l'acheminement de vivres et de soins pour les insulaires.

Sources: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; MODIS/NASA; Shérine France; Suomi NPP; Presse Papoue

5 commentaires:

  1. Incroyable que le Manam soit ignoré de la sorte par les scientifiques. Malheureusement les insulaires ne veulent pas quitter l'ile car aucune solution proposée de la part des autorités: manque de terres agricoles. Pourquoi un pays comme l Australie n'installe t'il pas du matériel de surveillance ? population trop faible aux alentours ?

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  2. Bonsoir. "Ignoré" est un mot qui ne convient pas. Les volcanologues s'interessent au Manam depuis les années 50 même si un certain nombre d'études manquent je pense; en pétrologie-géochimie probablement et, surtout, une surveillance en temps réèlle en effet, mais c'est le cas pour la majeure partie des volcans du monde. Donc Manam n'est en rien un cas exceptionnel et, comme souvent, la localisation géographique de l'édifice est un frein logique: éloigné, isolé: il faut une logistique, et donc des moyens financiers importants, pour monter une mission qui permettrait (par exemple) l'installation d'un réseau de surveillance qu'il faudrait, par la suite, entretenir (un cout important aussi).
    Bonne soirée :)

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  3. Bonjour, je suis en Sicile et le niveau de vigilance est passé au Jaune. Nous avons entendu 2 explosions mercredi... voici un lien qui confirme mes dires.
    Bonne journée
    ://www.lematin.ch/monde/fortes-explosions-enregistrees-etna/story/31157989

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    1. Bonjour. Il y a effectivement eu quelques explosions ces derniers jours (j'en ais fait passer une via twitter, le 05 septembre), avec même quelques projetions incandescences au cours de la nuit du 06 au 07 septembre (au moins). Toutefois attention:
      - ces explosions arrivent après la phase éruptive du mois d'août et peuvent être une sorte de "chant du cygne" plus que l'initiation d'une nouvelle phase éruptive. Là il faut attendre pour avoir la réponse.

      - les images publiées dans l'article sont celles (à priori, d'après ce que je vois) de l'éruption du mois d'août et ne représentent donc pas les explosions de ces derniers jours.

      Mais si vous être en Sicile; gardez un oeil sur le géant: on ne sait jamais! :)
      CV

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