18 septembre 2015

Les niveaux d'alerte du volcan Mauna Loa élevés d'un cran

Ça c'est la surprise du matin, celle qui fait que la fatigue s'évapore instantanément: un changement de niveau d'alerte du Mauna Loa ("la longue montagne" en langue Hawaïenne), le plus volumineux volcan du monde (80 000 km3!) et aussi l'un des plus hauts, avec 17 000 m, dont seulement 4170 m au-dessus du niveau de l'océan Pacifique.

Le volcan connait depuis au moins 2004 déjà une activité interne supérieure à la normale, marquée par une sismicité et une déformation de la zone sommitale. Cette activité avait culminé entre juillet et décembre 2004 avec l'enregistrement de seïsmes très profonds (entre 30 et 50 km) sous l'édifice, donc
à priori au niveau de la zone où se localise la source des magmas qui l'alimentent. Cette crise, qui a compté en tout environ 1700 secousses à l'époque, avait été accompagnée de déformations superficielles qui avaient été interprétées par les volcanologues comme un épisode de recharge en magma d'un réservoir superficiel, situé à environ 4000m de profondeur sous la caldera sommitale, Moku`aweoweo.
Puis la sismicité était redescendue jusqu'en 2010 moment pendant lequel l'activité interne est revenue plus normale, ce qui avait incité l'HVO (Hawaïan Volcano Observatory) à abaisser les niveaux d'alerte aux minimums (vert pour l’aviation et "normal" pour l'activité volcanique).

Depuis 2013 l'observatoire enregistre à nouveau une sismicité supérieure à la normale, essentiellement constituée de secousses très peu intenses. D'abord localisées sous le flanc nord-ouest, un site qui avait déjà été le siège d'une crise sismique avant l'éruption de 1975, la zone source des secousses a progressivement migré durant 2014 et 2015 vers deux sites: sous la caldera sommitale et sous la partie amont de la Rift Zone Sud-Ouest, là où elle vient s'ancrer au niveau de la caldera Moku`aweoweo. C'est sous cette dernière que se déroule l'essentiel de la sismicité actuelle.

Le volcan Mauna Loa, sa caldera et ses deux Rift Zones
La caldera Moku`aweoweo et les deux Rift Zones

Sismicité sur le volcan Mauna Loa entre 2014 et 2015
Les trois zones actuellement sujettes à une sismicité sur le volcan Mauna Loa. Sur cette image est représentée la sismicité enregistrée au cours des 12 derniers mois. Image: USGS

Cette sismicité s'accompagne d'une inflation assez régulière depuis 2014 (le volcan avait été en déflation après la crise sismique de 2004 et il n'y avait plus eu de déformation du tout à partir de mi 2013). L'HVO a produit un graphique qui monte l'évolution de la déformation depuis l'éruption de juillet 1975. Je me suis permis de l'annoter afin de bien montrer les éléments que je présente dans le texte.

Déformation sur le volcan Mauna Loa entre 2014 et 2015
La déformation mesurée au niveau de la caldera Moku`aweoweo depuis 1975. Image: HVO, modifiée

Cette nouvelle phase de déformation est traduite par les volcanologues du HVO comme le résultat de la recharge progressive des conduits superficiels en magma. Ils font par ailleurs remarquer que cette crise se déroule de manière similaire à celles qui ont précédé les éruptions de 1975 et 1984 MAIS:
- la crise en cours libère beaucoup moins d'énergie
- une crise similaire avait eu lieu en 2005, sans pour autant conduire à une éruption.

Il ne faut pas oublier comment fonctionne fondamentalement un volcan-bouclier: le volume d'un tel édifice est, pour une part non négligeable, issue d'intrusions*, en particulier au niveau des Rift Zones. C'est-à-dire qu'une part de la croissance des volcans-boucliers vient d'un magma qui ne fait pas éruption. La crise actuelle, comparable à celle de 2005, pourrait donc n'être qu'une de ces phases de "croissance par l'intérieur" et les volcanologues du HVO préviennent clairement: la crise en cours, et le changement de niveau d'alerte qu'elle provoque, ne signifient pas qu'une éruption va démarrer ni même qu'elle se prépare pour un futur proche. 

Le changement d'alerte est automatiquement augmenté lorsqu'au moins un des paramètres  (sismicité, déformation, composition des gaz) atteint un niveau supérieure à sa normale, quel que soit le mécanisme en cause.

Tout cela n'empêche pas de rester vigilant, au contraire!

* 13 % du volume d'un volcan bouclier se ferait par intrusions sous forme de dykes d'après un article de C.Annen et al, 2000,  ce chiffre a pu être revu depuis.

Source : HVO/USGS

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