Un point sur l'activité des volcans Nevado del Ruiz (mis à jour) et Karangetang

Nevado del Ruiz, Colombie, 5321m

L'activité interne de l'édifice reste marquée par une sismicité anormale . Ce volcan est connu pour avoir un système hydrothermal interne extrêmement développé, en particulier à cause d'un système d'alimentation magmatique important, qui fournit la chaleur et un certain nombre de molécules (composés silicatés, gaz etc.), et de la calotte de glace qui coiffe le sommet, et qui pourvoie l'eau necessaire à ce système.

Ce dernier reste donc instable pour le moment et continue de produire de manière relativement

fréquente des bouffées de cendres. Au début du mois les volcanologues du SGC avaient relevé quelque chose d'un peu nouveau: une explosion nocturne, le 04 septembre, avait été accompagnée de projections incandescentes. L'activité globale n'a pas changé pour autant dans les jours qui ont suivi et l'événement, quoi qu'important, était resté isolé. En tout cas jusqu'à la nuit du 15 au 16 septembre où la webcam installée du côté du Cerro Azufrado (flanc nord) a permis de constater la présence d'une incandescence permanente dans le cratère, associée au dégazage. Ce dernier n'a pas montré de caractéristiques particulières décelables à l'oeil nu: il ne semble ni plus ni moins important que les jours/semaines/mois précédents. Une telle incandescence n'avait, d'après mes souvenirs (et donc sujet à oubli), jamais été observé au cours de la crise en cours, débutée en 2010.

Lueur d'incandescence dans le cratère Arenas du volcan Nevado del Ruiz. Image: SGC-Rio Azufrado

Que peut-on penser de cela? Tout d'abord il ne faut pas directement faire un lien entre incandescence et présence de lave dans le cratère. Tout comme au Copahue (Chili) en ce moment, ou au Poàs (Costa Rica) cette lueur est avant tout le signe d'une haute température et peut-être produite par des gaz. Le point commun entre les deux volcans sus-cités et celui visé par ce post étant qu'ils ont tous trois un système hydrothermal très développé et relativement instable.

L'absence de lave dans le cratère est par ailleurs confirmée par l'absence de signaux thermiques forts et constants dans le cratère Arenas. D'une manière plus générale il manque l'information sur la composition des cendres émises lors des explosions: s'agit-il uniquement de particules de lave anciennes, auquel cas l'activité est strictement phréatique, ou y a-t-il des particules de magma juvénil?

Il est envisageable que l'activité explosive, même modeste, que connait le volcan depuis plusieurs mois maintenant, ait finit par exposer au fond du cratère une zone à très haute température du système hydrothermal.

En tout cas cette situation reste à suivre car cette année marque le 30ème anniversaire de la catastrophe du 13 novembre 1985, qui fut probablement un tournant dans l'évolution de la volcanologie mondiale, de la perception des risques volcaniques et de leur gestion.

Mise à jour, 16h17

Le SGC vient tout juste de publier un bulletin extraordinaire (ouch, il est même encore chaud) qui indique qu'un signal sismique de type trémor, le plus fort de ces 10 derniers mois, a été enregistré à 02h28 heure locale. Il faisait donc nuit au moment de l'événement mais une légère lueur est visible dans le cratère à 02h30 heure locale, bien qu'il ait fallu que je retouche l'image pour qu'elle soit clairement visible (l'incandescence a pu être forte mais masquée par des nuages).

Lueur dans le cratère Arenas 2 minutes après le signal de l'explosion. Image : SGC, retouchée

Et pour bien montrer que le volcan est toujours dans un état d'agitation ("unrest" pour les anglosaxons), un nouvelle explosion a eu lieu en cours de matinée, cette fois bien visible depuis les deux webcams placées sur le massif lui-même.

Le panache de cendres d'une explosion à 07h44 (heure locale), vu depuis le Cerro Azufrado (flanc nord). image: SGC

Le même panache de cendres vu depuis le Cerro Guali (flanc ouest). image: SGC

Il est possible que des chutes de cendres se soient produites sur le versant ouest suite à l'explosion de nuit.

Source: SGC

Karangetang, Indonésie, 1784 m

Les phénomènes (aléas)

L'activité éruptive est restée importante sur le volcan après le post que j'avais rédigé début septembre. Nous avions alors vu ensemble qu'une activité alimentait une galette de lave (dôme surbaissé) dans le cratère sommital qui, débordant sur le flanc sud, donnait au moins une, peut-être deux, coulées qui, en s'effritant, alimentait des avalanches de blocs. Cette activité semble générer, depuis hier, quelques écoulements pyroclastiques.

Certains panache de cendres issus de cette activité ont été décrit comme s'élevant à une hauteur d'environ 1000m.

Un panache qui semble issu d'un écoulement pyroclastique. Image: IST/disarter.co.id

Un rapport mis en ligne par le PVMBG hier indique que l'activité ne connait pas de modification particulière, en tout cas au niveau de la sismicité: elle reste importante mais n'a pas montré d'évolution particulière avant la mise en place des écoulements. Ces derniers semblent donc d'avantage issus de causes superficielles (instabilité plus grande d'une des coulées) que de causes interne comme, par exemple, une augmentation de la quantité de magma arrivant à la surface. En conséquence le niveau d'alerte reste à 3 (sur une échelle de 1 à 4).
Des panaches de ce type, et situés à peu près au même endroit que celui de la photo ci-dessus, avaient été photographiés le 08 septembre dernier mais ils étaient alors de bien plus modeste taille.

Les conséquences

Cette activité est devenue dangereuse pour certains résidents, dont les maisons sont trop proches. Ainsi 113 personnes ont du quitter leur domicile hier pour être relogées temporairement dans leur famille ou des centre d'hébergement improvisés.

Sources : PVMBG; Presse Indonésienne; Merci à Shérine France