Préambule
Le Lac Nyos est installé dans le cratère d'un édifice qui fait partie du très vaste champs volcanique d'Oku, situé dans le prolongement de la cordillère volcanique camerounaise (Mont Cameroun- Tombel Graben-Manengouba). Ce champs volcanique est essentiellement composé de maars, de quelques cônes et dômes et visiblement d'un stratocône déjà bien érodé. Le Lac Monoun, qui avait lui aussi fait des victimes lors d'une phase de dégazage en 1984, n'est pas d'origine volcanique mais se trouve aussi dans les limites du champs volcanique d'Oku.
A part deux phases de dégazage brutal, dont celle de 1986, aucune activité historique n'a été recensée dans ce champs volcanique mais la fraicheur de certaines morphologies laisse penser que des éruptions ont peut -être eu lieu il y a quelques milliers d'années.
A part deux phases de dégazage brutal, dont celle de 1986, aucune activité historique n'a été recensée dans ce champs volcanique mais la fraicheur de certaines morphologies laisse penser que des éruptions ont peut -être eu lieu il y a quelques milliers d'années.
J'ai préparé une carte, non exhaustive, où se localisent quelques-uns des édifices (les plus faciles à repérer en fait) de la zone volcanique d'Oku, dont le Nyos.
Afficher Champs volcanic d'Oku sur une carte plus grande
Code couleur pour la carte :
- en blanc: maars
- en bleu: les dômes
- en vert: les cônes
21 août 1986.
D'après l'hypothèse la plus largement admise actuellement, en pleine nuit les eaux du lac Nyos (Lac Lwi), saturées en CO2, se soulèvent et se retournent en quelques minutes, probablement suite à l'effondrement d'une partie de la paroi du cratère qui accueille le lac et provoque son brutal dégazage. C'est ce que les spécialistes appellent une "éruption limnique".
Le CO2, plus lourd que l'air, se répand alors autour de l'édifice et tue, en majorité dans leurs sommeil, presque 1800 personnes et plus de 3500 têtes de bétail, instantanément asphyxiées.
Pour les survivants c'est un véritable cauchemar, qui attise les croyances de démons habitants les lacs. D'une certaine manière, on ne peut guère leur donner tord, car le CO2, inodore et incolore, ne peut être détecté par nos seuls sens: il est véritablement démoniaque!
1°- Côté survivants
Suite à cette catastrophe, ce sont 4500 personnes qui ont été évacuées et relogées dans 7 camps différents, où les conditions de vies sont restées très précaires depuis 27 ans. Or l'annonce a été faite en juin 2013 par le responsable du Comité pour la gestion de la catastrophe du Lac Nyos (Lake Nyos Disaster Management Comitee) et le gouverneur de la région nord-ouest que les personnes évacuées à l'époque pourraient, à une date qu'il reste à déterminer, retourner dans leurs habitations.
Le Ministère de l'Administration Territoriale et la Protection Civile Camerounaise ont annoncé, de leur côté, que des infrastructures étaient en train d'être mises en place (ou allaient l'être) vers le lac Nyos, afin de recevoir les habitants dans de bonnes conditions.
"Bonne nouvelle", dirait-on. Mais visiblement, cela soulève quelques problèmes, que pointent aussi bien les survivants de certains des camps (Upkwa, Kumfutu) que des ONG.
Le premier problème est simple: 4500 personnes sont parties, mais aujourd'hui ce sont 12 000 personnes qui habitent les camps, la nature ayant fait son oeuvre. Comment alors reloger sur la même surface une population 3 fois plus importante aujourd'hui qu'il y a 27 ans sans créer des conflits liés à la propriété ou la gestion agricole des terres (cultures vs pâtures)? Sans compter que plusieurs centaines de personnes se sont installées suite aux évacuations, dans la zone du Nyos, occupant et gérant des terres qui, à l'époque, ne leur appartenaient pas.
Le second problème concerne la gestion des survivants par le gouvernement depuis 27 ans. Nombreux semblent ceux qui ne croient pas qu'ils seront mieux traités à côté de Nyos qu'ils ne l'ont été dans les camps d'accueil. Il dénoncent en effet des manquements assez grave:
* le manque de terre, avec un maximum de 50 m² par famille pour cultiver et être auto suffisant en nourriture. Une surface largement insuffisante aussi pour le pâturage.
* des infrastructures de base inexistantes: pas d’hôpital, pas d'eau potable.
Mais si de nombreux évacués préfèrent vivre mal dans les camps, que mal à côté du Lac Nyos, d'autres attendent aussi avec impatience le "retour au pays".
Dans certains camps, où les cultivateurs sont majoritaires, le manque de place pour pratiquer est tout aussi critique. Mais c'est ce qui motive leur impatience à retourner à côté de Nyos: la terre y est plus riche et ils espèrent avoir plus de surface pour cultiver. Et puis il y a eu des conflits avec des ethnies locales dont la tradition est tournée vers l'élevage, et qui regardent ces cultivateurs comme des étrangers.
2°- Côté Lac Nyos
Si cette décision d'autoriser le retour des survivants et de leur famille a été prise, c'est que la stratégie de dégazage du lac qui est en cours depuis 2001 porte ses fruits.
En effet des mesures effectuées en 2012 par le projet Japo-Camerouno-Américain SATREPS (Science and Technology Research Partnership for Sustainable Development) intitulé "Project on Safety, Rehabilitation, and Development of the Lakes Nyos and Monoun areas in Northwest Cameroon" indiquent que le contenu en CO2 a très favorablement évolué depuis 2001.
Sur le graphique ci-dessus ont note en particulier qu'entre 160 m de profondeur et le fond du lac, si la pression en CO2 dissout a augmenté entre 1992 et 2001, elle n'a ensuite cessé de diminuer.
Or 2001 est l'année où ont été installés, par une équipe française, les "orgues du Lac Nyos". Ces tuyaux servent à évacuer les eaux riches en CO2 du fond du lac. Ce dispositif a été complété en 2011 avec l'installation de deux autres tuyaux (suite à une recommandation du SATREPS éditée en 2006).
Ainsi dans son rapport préliminaire rédigé suite à ses investigations de 2012, l'équipe du SATREPS indique que le volume total de CO2 aujourd'hui dissout dans le lac est 40% inférieur à ce qu'il était en 2001, au moment du pic, soit presque la moitié du CO2 évacué en un peu plus de 10 ans. Ceci rend le risque d'une nouvelle éruption limnique très faible et montre par ailleurs l’efficacité des plate-formes de dégazage.
L'autre problème majeur lié au lac se situe à son extrémité nord, au niveau de son déversoir. A cet endroit la paroi du cratère est très fine et une profonde vallée s'ouvre juste de l'autre côté. Ce "barrage naturel", s'il venait à céder, créerait un véritable torrent qui, d'après les estimations du SATREPS, pourrait faire entre 5 et 10000 victimes, jusqu'au Nigeria voisin.
Ce problème, soulevé en 2006, est maintenant pris en charge, en partie grâce à des financements européens, et un système de consolidation de cette fragile paroi est en cours de réalisation.
Sources :
- Rapport de l'IRIN
- Rapport préliminaire du SATREPS
- Wikipedia
Liens supplémentaires:
- une expérience facile à réaliser en classe pour montrer aux enfants que le CO2 est plus lourd que l'air, et pourquoi il est dangereux à haute dose.
- le lien vers la page personnelle du professeur Halbwachs, qui est à l’origine du système des orgues.
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