9 août 2021

Volcan Ambae: un calme relatif au cours du premier semestre 2021

J'aime bien aller chiner des petits détails sur les images satellites: je trouve certaines d'entre elles très esthétiques et puis, évidemment, il s'agit d'une source importante d'informations, en particulier sur des secteurs éloignés, plus ou moins isolés. Aussi, le 13 mars dernier, je flânais du côté du volcan Ambae, dont la dernière activité éruptive (2018), intense, avait causé beaucoup de problèmes aux insulaires et modifié notablement la topographie du sommet. 

Je me demandais alors comment la végétation reprenait le dessus au niveau de la zone sommitale mais, dans mon tweet du 13 mars, je notais surtout que la couleur du lac central avait changé entre novembre 2020 et mars 2021, partant d'un bleu sombre à un marron foncé en passant par un vert assez sombre aussi. Cette teinte marron foncé  n'avait plus été vue (en tout cas sur les images satellites) depuis janvier 2019, moment où le le lac était encore très brassé par le dégazage post-éruptif (fin de l'éruption vers fin juillet 2018).


 

Changement de couleur du lac central au sommet d'Ambae entre novembre 2020 et février 2021. Images : SENTINEL 2-ESA/Copernicus

Et puis le temps a passé et il y a eu de nombreux événements dont l'évolution constante de la situation sur la péninsule Islandaise, la crise à la Soufriere de Saint Vincent et les Grenadines etc... Plus récemment, en allant jeter un oeil sur les données MIROVA, j'ai remarqué que début mai 2021 il y avait eu un petit groupement de signaux thermiques, certes pas très importants, mais qui semblaient significatifs justement en raison de leur groupement serré, qui ne ressemble pas à ce qu'un artefact peu produire par exemple. 

Petit groupe de faibles signaux thermiques dans un graphe essentiellement vide: de quoi attirer la curiosité. Image : MIROVA


Du coup, forcément, je suis allé jeter un oeil sur les images satellites!! Au cas où....et j'ai pas été déçu.

Tout d'abord, SENTINEL 2 qui, le 03 mai, produisait une image qui a attisé ma curiosité....mais dont la lecture n'est pas très simple. Si elle a attisé ma curiosité c'est parce que la surface du lac ouest semblait être sujette à une évaporation intense. "Semblait" parce que la résolution de l'image ne permet pas d'être sûr et, surtout, parce qu'une partie du lac est couvert par un nuage.

Et comme le dit "nuage" a une forme allongée avec une extrémité au-dessus du lac, ça ressemble à un panache! Ce qui, avec la surface du lac qui "semble s'évaporer",induit que de garder cette image en tête vaut peut-être le coup, au cas où, même si c'est pas clair. Je vous met l'image en question, pour que vous vous en fassiez votre propre interprétation.

Simple nuage qui se forme au sommet d'Ambae ou panache riche en eau produit par l'évaporation du lac? Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Par contre, quelques jours plus tard, une image LANDSAT 8 laisse moins de doute parce qu'au milieu des nuages qui couvrent littéralement l'édifice, on peut noter la présence de nuages...bruns. Un peu de cendres donc (mais pas fraîche, plutôt de la roche altérée) ce qui confirme bien qu'au début du moi de mai le système volcanique était particulièrement instable.

Émissions de cendres le 11 mai 2021. Image : LANDSAT 8 - NASA/USGS

Et la question suivante arrive toute seule: ça a duré combien de temps? Et bien visiblement un moment. Déjà fin mai le lac continuait d'être brassé par des mouvements de convection qui maintenaient en suspension des particules, lui donnant une teinte grise.

Une teinte bleuté tirant sur le gris en raison de particules en suspension dans le lac ouest. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

En regardant des images plus anciennes, il semble que ce brassage avait débuté plusieurs mois avant, entre décembre 2020 et janvier 2021, à peu près à la même période que le changement de couleur du lac central. Début juillet 2021, une image satellite montre clairement une activité dans le lac, marquée par une zone décolorée (zone de dégazage sous-lacustre) entouré d'un anneau. 

Début juillet un anneau de particules est visible autour de l'évent actif. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus
 

Pour autant il ne s'agit pas d'une activité éruptive, qui n'aurait pas manqué de générer une activité explosive plus intense. Mais il peut s'agit d'une activité hydrothermale ou phréatique modérée, le pic de cette activité ayant eu lieu début mai (images plus haut), ce qui  pourrait éventuellement s'expliquer par la mise en place d'une petite intrusion magmatique (pour l'activité phréatique) ou par une infiltration d'eau plus importante à proximité du dyke de l'éruption de 2018 toujours encours de refroidissement (pour l'activité hydrothermale).

Toutefois il est nécessaire de confirmer (ou infirmer) cette hypothèse, par exemple en incluant dans la réflexion les informations que peuvent fournir des données radar, qui peuvent détecter une éventuelle intrusion.

Pour l'heure l'anneau est toujours présent, bien que l'activité de dégazage, elle, semble s'être atténuée (en tout cas c'était la situation au 01 août 2021), ce qui est cohérent avec le dernier bulletin du Geohazard (29 juillet) qui notait une baisse de la sismicité.

La situation semble calme au 01 août, même si un léger dégazage persiste. Notez que le lac central est vert alors qu'il était bleu profond au 28 mai (image plus haut). Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Enfin, si en premier lieu j'ai commencé à penser que le brassage produit par cette potentielle activité phréatique avait été suffisamment vigoureux pour provoquer une accumulation de matière (anneau de boue) assez haute pour qu'elle émerge de la surface du lac, un dernier changement, visible surtout si l'on compare des images prisent à plusieurs mois d’intervalle, m'a brusquement fait jeter cette idée à la poubelle : le niveau des lacs a sensiblement diminué (probablement quelques mètres) avec le temps.

Baisse marquée du niveau des lacs entre novembre 2020 et fin juillet 2021. Images : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

De fait, il me semble maintenant plus logique de penser que le brassage a effectivement créé un anneau de boue autour de l'évent mais que celui-ci s'est formé entièrement sous l'eau, puis qu'il a finit par émerger en raison de la baisse du niveau des lacs. Reste à savoir si cette baisse est uniquement due à une évaporation en lien avec l'activité phréatique ou si un déficit de pluie est intervenu, car le niveau des lacs (très bas en janvier 2020) était remonté au cours de l'année 2020 avant que cette nouvelle baisse ne soit entamée à partir d'octobre 2021 (le lac central n'est devenu brun qu'en février 2021).

Variations du niveau des lacs entre janvier 2020 et juillet 2021. Elle est particulièrement visible sur le lac Est en raison de la faible pente de son versant Ouest, mais semble équivalente dans tous les lacs. Images : SENTINEL 1 - ESA/Copernicus


Cette réflexion sur les variations du niveau du lac fait écho à celle développée dans les commentaires du post de septembre 2017 .

Sources : SENTINEL 1 & 2 - ESA/Copernicus; MIROVA; Geohazard

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