21 mai 2021

Ecoulement pyroclastique au volcan Stromboli : on fait le point

Depuis le 20 avril l'activité au Stromboli devient progressivement plus intense et et même devenue soutenue depuis le 12 mai. Une activité explosive fréquente (toujours belle) se déroule aussi bien avec un dynamisme classique (activité strombolienne typique) qu'avec des phases de spattering.

Mais c'est pour l’épisode du 19 mai que j'ai souhaité faire un rapide point sur la situation. 

C'est à partir d'environ 7h50 TU que l'on voit apparaitre de manière récurrente sur les webcams des nuages de poussières relativement denses. La formation de petits nuages de poussières est surtout dû auxs blocs projetés par les explosions stromboliennes, qui frappent la pente de la Sciara del Fuoco puis roulent, soulevant la poussière. Mais les nuages formés par ce biais sont plutôt  de taille réduite et se dispersent rapidement. Les images ont, au contraire, commencé à montrer de la poussière soulevée en bien plus grande quantité, suggérant que la quantité de blocs roulants dans la pente pouvait être bien supérieure à ce que produit généralement l'activité strombolienne.

Beaucoup de poussières soulevées à plusieurs reprises dans la Sciara del Fuoco le matin du 19 mai. Image : INGV

Ces quantités importantes de poussière suggèrent que les explosions stromboliennes n'en sont pas seules à l'origine, et il est possible que des zones instables du sommet de la Sciara (qui constitue la pente externe de la plate-forme cratèrique, où les explosions ont lieu) s'effritent petit à petit et de plus en plus au cours de cette matinée. Cette instabilité qui se met en place pourrait être en lien avec une déformation de la zone sommitale, ou tout simplement à une sismicité accrue qui secoue le sommet.

Peut-être vous souvenez-vous qu'une importante déformation ("bulging") avait été observée juste avant une phase explosive intense en novembre 2020? Bien que ça ne soit pas très clair et donc pas totalement significatif, on peut déceler sur la webcam thermique installée à la Punta dei Corvi (côté Ginostra, côte sud-ouest de l'île), et en regardant de près car la résolution de la dite caméra est assez faible, ce qui ressemble à un bombement d'une petite zone du cratère nord à partir de 12h40 TU environ.

 

 

Peu après l'apparition de ce (potentiel) bombement, la même caméra montre un signal thermique intense à son sommet, indiquant que du gaz à très haute température (peu probable vue la distance de la webcam) ou de la  roche en fusion (plus probable) est en train de percer à la surface de la Terre.

 

Puis, à 14h51 (heure locale, 12h51 TU)....



 

Un écoulement pyroclastique assez volumineux dévale rapidement la Sciara del Fuoco, atteint la mer et poursuit sa route à sa surface sur environ 1 km. Il est suivi par d'autres écoulements plus modestes durant une cinquantaine de minutes.



Il faut préciser que, à tord comme souvent, l'événement a été repris dans les médias (qu'il s'agisse de médias classiques ou des vidéos sur youtube) avec l'idée, dans le titrage, d'"explosion forte" à Stromboli.

Or il n'y a pas eu d'activité explosive intense pour cet événement. Rien qui ressemble ni de près ni de loin aux phases explosive impressionnantes de juillet 2020 ou juillet et août 2019 par exemple et l'on voit très bien que la séquence filmée qu'il n'y a pas de panache vertical au-dessus du sommet. Juste le panache de l'écoulement.

Pour résumer la situation, voilà donc les grandes lignes d'un scénario possible et au moins en partie probable.

La cause de la séquence d'écoulements pyroclastiques est une nouvelle instabilité de la Sciara del Fuoco, probablement en lien avec une intrusion de magma qui déforme la zone sommitale. Cette intrusion est, en tout cas on peut le supposer, à l'origine de la hausse d'activité explosive (mais qui reste gentiment strombolienne, pas d'énormes pétées et gros panache de cendres comme l'imaginent les médias) constatée depuis fin avril. Peu avant qu'une portion de la plate-forme sommitale ne se décroche et ne produise la séquence d'écoulements pyroclastiques, une portion de l'intrusion est arrivée juste sous la surface de la plate-forme (constituée essentiellement d'une accumulation des fragments projetés par l'activité strombolienne) et a soulevé une portion de ce dépôt friable, formant le (potentiel) bombement vu sur la caméra thermique de la Punta dei Corvi. Et juste juste avant que la portion de plate-forme ne se décroche, on a pu voir apparaitre sur la même caméra thermique la chaleur de cette intrusion qui perce au sommet du Stromboli.

L'instabilité étant trop grande, le morceau se décroche et donne la séquence d'écoulements pyroclastiques, et l'on voit très bien d'ailleurs qu'il manque, ensuite, un morceau du sommet.



Le magma en cause dans toute cette affaire est fluide. Probablement de manière simultanée au décrochement et à l'écoulement pyroclastique, ce magma a donc commencé à s'écouler dans la pente, formant une coulée de lave qui est rapidement arrivée jusqu'à la côte et reste alimentée aujourd'hui, bien que le débit soit modeste. Le point d'émission de cette coulée est la cicatrice laissée par le décrochement.

La courte coulée de lave au soir du 20 mai. Image: INGV

 

L'instrusion magmatique a donc eu deux conséquences, simultanées par ailleurs:

- la mise en place d'écoulements pyroclastiques

- la formation d'une coulée de lave

Sources : INGV; LGS; Youtube

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