22 février 2021

Nouvelle éruption au volcan Klyuchevskoy !! (Mis à jour x2)

Et voilà un autre surprise en ce moi  de février, après les paroxysmes à répétition sur l'Etna et l’activité exceptionnelle au Pacaya (notamment), c'est le retour d'une activité éruptive au Klyuchevskoy qui prend le devant. Et si elle mérite d'être mentionnée, ce n'est pas parce qu'elle a lieu à peine 3 semaines après la fin de la précédente...
Et non c'est parce que d'habitude les éruptions sur ce système volcanique se déroulent au sommet, visiblement la voie la plus simple que le magma peut parcourir jusqu'à la surface. Or, quelle surprise lorsqu'en allant regarder à quoi correspondait ce signal thermique intense (signe d'une activité éruptive à cette intensité) détecté par le MIROVA, l'imagerie satellitaire indiquant une localisation loin du sommet, à 3500 m sur le bas versant nord-ouest. Un versant qui n'a plus été touché depuis l'éruption d'août 1985-janvier 1986.

 

Cette fois le magma a pu percer non loin de la base du versant Nord-ouest, et pas du tout au sommet comme c'est le plus souvent le cas. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

 

Une éruption latérale!!! Ça c'est une belle surprise! Par contre la visibilité est réduite et malheureusement aucune des webcams existantes ne permettra d'avoir une observation de qualité. On peut toutefois apercevoir la zone éruptive sur l'une d'entre elles, située à Klyuchi.

La zone éruptive est visible sur cette webcam, mais trop mal située et zoomée pour que les détails nous soient perceptibles. Image : IVS-KVERT-Weathernews

Pour le moment les conditions n'ont pas été favorables pour l’obtention de détails vraiment précis sur cette activité éruptive mais toutefois l'image satellite permet de constater la présence d’une coulée de lave,  d'où on déduit que le magma est fluide voire très fluide, ce qui est cohérent avec ce qui est connu sur ce système volcanique à ce jour.

La coulée de lave bien visible. Image : SENTINEL 2 - ESA/Coperniucus

 L'idéal serait un échantillonnage pour analyse de la composition, qui pourrait donner des clés de compréhension sur cette éruption : le fait qu'elle soit latérale traduit-il une voie d'alimentation sensiblement différente (avec un stockage intermédiaire propre par exemple) de celle qui mène au sommet, ou est-ce la même mais avec un magma qui a changé de cap au dernier moment? Je vous ais vite fait un petit schéma (sur le pouce, à la bonne franquette : je suis pas graphiste vous allez voir!) histoire de bien comprendre ce que je veux dire.

Deux possibilités à priori pour cette éruption latérale, et l'analyse de la composition du magma émis pourrait aider à y voir plus clair. Image : Perso, avec The Gimp 2.10

 Par ailleurs, il semble qu'il n'y a pas un mais au moins deux évents, séparés d'environ 500 m. La couverture nuageuse ne permet pas de savoir si il y en a plus et si une autre coulée part du second évent.

Deux évents pour cette éruption latérale. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Le KVERT maintient le niveau d'alerte au jaune et précise que l'éruption aurait débuté le 17 février. Le MIROVA, quand à lui, ne comence à détecter de signal thermique qu'à partir du 20 ou 21 février, mais la présence de nuages a pu masquer le départ de l'éruption.


La situation est à suivre de près, bien entendu!

Mise à jour 23 février, 18h34

L'activité éruptive latérale se poursuit en ce moment, à priori sans changer d'intensité : l'activité est toujours strombolienne et reste focalisée sur deux évents d’où sont émis deux champs de coulées de lave qui interagissent avec la couverture de neige/glace (il y a une belle lange glaciaire qui descend du volcan Ushkovsky, voisin). C'est l'une des principales source de panache visible sur les webcams.

Et sur les photos aussi, misent en ligne aujourd'hui par Alexey et Yuri Demyanchuk, qui sont visiblement allé faire quelques observations sur place.

Les deux évents éruptifs et l'interaction coulées de lave-neige qui génère le panache de droite. Image : Alexey Demyanchuk

Cette interaction glace-lave, qui n'est pas si simple qu'on peut l'imaginer (voir ce post pour mémoire) n'est évidemment pas sans conséquence. L’eau de fonte fait non seulement gonfler (légèrement pour l'instant à priori)  le débit de la rivière Krutenkaya, alimentée par cette petite zone glaciaire, mais la rend aussi plus turbide, riche en particules. 

Le comportement de la rivière légèrement modifié par l'activité éruptive. Image : Alexey Demyanchuk
 

Les volcanologues Russes, dans leur rapide compte-rendu, utilisent le terme "lahar". Il se trouve que, par chance, Klyuchi n'a pas été fondée sur la rivière mais à quelques kilomètres à l'ouest. La ville ne semble donc pas particulièrement menacée, même si une "route" (peut-être que le mot "piste" est plus approprié) coupe la zone de sédimentation de la rivière et qu'on perçoit sur les images satellites deux infrastructures circulaires dont j'ignore le rôle...

Il serait aussi intéressant d'étudier comment le système biologique de cette rivière réagit aux éventuels changements de compositions chimique dus à l'éruption, mais je ne sais pas si l'équipe embarquait des biologistes écologues spécialistes de ce type de biotope.


Mise à jour x2; 28 février, 20h43

L'éruption latérale se poursuit et si elle n'a pas changé de dynamise, puisqu'il s'agit toujours d'une activité strombolienne modérée, elle a changé d'intensité dans le sens où au cours des dernières 48 heures, l'activité éruptive a cessé sur l'évent le plus à l'ouest, zone où elle était la plus faible depuis le départ.

Shérine France a partagé, et merci à elle, via twitter des images de cette activité strombolienne dont les projections produisent une nouveau cône de scories, très beau, égueulé puisque dès le départ une partie de la roche en fusion a été émise sous forme de coulée, empêchant ainsi l'accumulation des scories emportées par cette dernière.

La coulée continue d’interagir visiblement avec la couche de glace qui recouvre le secteur et la mauvaise météo des derniers jours a probablement rajouté une couche de neige par ailleurs.

Sources : MIROVA; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; IVS-KVERT-Weathernews; Volkstat; Instagram via Shérine France

3 commentaires:

  1. Excellent ! Peut être deux échelons d'une même fissure ?

    Sinon, ton schéma me surprend. Pourquoi ne pas faire un réservoir superficiel qui alimente les éruptions sommitales quand le réservoir plus profond pourrait alimenter les éruptions latérales (les deux étant plutôt axés sous le sommet) ? A moins que tu aies des données sur la profondeur du réservoir pour ce volcan, ce que je n'ai pas ! ;)
    Ceci dit, l'explosivité ne semble pas très importante pour cette éruption, ce qui laisse penser que cette éruption n'est pas alimentée par un "magma profond" !

    Bonne journée,



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    1. Bonjour Ludovic. Mon schéma à pour but de permettre de visualiser les deux concepts (la même alimentation pour les éruptions sommitales et cette latérale OU une voie plus complexe, un poil individualisée pour la latérale), pas d'être précis ni exhaustif évidemment (le schéma n'a même pas d'échelle, c'est dire l'exhaustivité! :) ). Mais de ce que je sais, il n'y a pas vraiment de réservoir superficiel connu. Il y a un stockage important entre 20-30 km de profondeur, bien imagé et où se trouve une concentration de signaux sismiques, et visiblement une zone très sismique aussi à environ 0 m d'altitude (4500 m sous le sommet environ) qui pourrait correspondre éventuellement à un hypothétique stockage moins profond. Mais je crois que le problème avec la modélisation de la "plomberie" c'est qu'il ne faut pas l'analyser à l'échelle du Klyuchevskoy, mais à celle de tout le groupe (jusqu'au Tolbachik à peu près). Je suis en outre d'accord avec ta remarque concernant l'activité explosive : elle est très modeste (pour le moment, on va voir pour la suite, on sait jamais) et suggère un magma pauvre en gaz...donc à priori moins apte à sortir et se pose donc la question du mécanisme de l'éruption :
      1- un magma profond qui "pousse" un magma plus ancien stocké sous le versant NO?
      2- Une cause structurale? Comme des réajustements mécaniques de l'édifice suite aux dernières éruptions (ou via le champ de contrainte tectonique régionale peut-être?), qui brusquement favorise la sortie d'un peu de magma stocké sous le versant NO sans qu'il soit poussé par ailleurs?
      3- autre :)
      Tant qu'il n'y a pas d'analyses de données de déformations, corrélées avec la sismicité et une bonne analyse pétro (et l'idée serait échantillonner régulièrement), on restera dans le pur exercice de pensée, la divagation.
      Bonne journée!
      CV

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    2. Le but de mon commentaire n'était pas du tout d'être critique (désolé si tu l'as interprété comme cela), je m'interrogeais simplement sur le fait de dessiner un réservoir "superficiel désaxé"...

      Merci pour les données concernant la plomberie. Et oui, il paraît assez évident que la plomberie concerne tout le groupe, ce qui en fait d'ailleurs une spécificité très intéressante !

      A+,

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