7 décembre 2020

Éruption numéro 3 au Piton de la Fournaise (mis à jour)

Après la fin de l'éruption d'avril 2020, le calme a perduré, en tout cas jusqu'en juillet où une intrusion magmatique a eu lieu, mais n'est pas parvenue à la surface de l'édifice. Plus récemment, le 21 septembre, une importante secousse sismique, d'origine tectonique (fracturation de roches profondes, sous contrainte) d'une magnitude supérieure à 4, a été fortement ressentie par la population Réunionnaise, sans faire de dégâts à priori. Il est pourtant difficile de savoir si un lien (direct ou non) est possible avec l'éruption qui vient de débuter.

Celle-ci a démarré vers  (heure) après une intense crise sismique qui a débuté à 12h04 (heure locale) le 28 septembre. Les déformations associées à cette crise sismique ont permis aux volcanologues de confirmer que sa cause était une intrusion de magma et de préciser qu'elle semblait se diriger vers le flanc est du Dolomieu. La directrice de l'OVPF, Aline Pelletier, a dû tout de même rappeler le 29 septembre qu'une crise sismique de plus de 24 h (avant arrêt ou éruption) est très peu fréquente et que sur les 5 cas connus depuis que l'OVPF existe (1979), 3 avaient conduit à des éruptions à faible altitude (loin du Dolomieu donc). 

Localisation des épicentres (vue de dessus, localisation géographique) et hypocentres (vues en coupe, localisation en profondeur) des secousses décrites comme localisables dans le bulletin des volcanologues, entre le 28 septembre et le 02 octobre. Image : OVPF
 

Cette crise sismique a commencé à faiblir dans les jours qui ont suivi mais entre temps cette intrusion magmatique avait provoqué un glissement de plus de 70 cm vers l'Est du flanc Est du Dolomieu, ce qui est une valeur assez importante. Je serais d'ailleurs curieux de savoir si, en surface, de telles déformations ont donné ou non lieu à quelques fracturations.  Sous l'effet de la sismicité par contre il y a eu une recrudescence des éboulements au niveau du Dolomieu, dont les parois restent en partie friables suite à l'éruption de 2007.

Les signaux enregistrés alors étaient compatibles avec une arrivée de magma depuis la zone profonde, probablement depuis le manteau terrestre mais, à partir du 02 octobre, les volcanologues notent un changement dans cette dynamique : une déformation est à nouveau enregistrée sous le sommet, au niveau du réservoir le plus superficiel, alors qu'en parallèle la sismicité se poursuit sous le flanc Est. 

Puis, cette situation se calme et courant novembre, peu de choses sont signalées. Ce n'est qu'à partir du 04 décembre qu'une nouvelle crise sismique est enregistrée, pendant 45 min rappelant que le magma sous pression continue d'exercer une contrainte mécanique sur les roches qui l'entourent. Les volcanologues l'OVPF rappelaient à ce moment-là que le magma pouvait rapidement se frayer un passage vers la surface dans ce genre de situation. Il aura donc fallu attendre le matin du 07 décembre, 02h28 pour qu'une nouvelle crise sismique indique une nouvelle émigration du magma qui, cette fois, est avenu à atteindre la surface de la Terre, un peu avant 05h00 du matin, et pour une fois sans les nuages!!!! 

 

La coulée de lave issue de la première fissure éruptive, au petit matin (vers 05h30, heure locale). Image :  IRT-OVPF

La première fracture éruptive, la plus active depuis, s'est ouverte vers 2268 m sur le versant sud-ouest du Dolomieu, produisant une belle coulée, bien alimentée (image ci-dessus). La seconde s'ouvre une demie-heure plus tard, en contrebas vers 2200 m d'altitude et produit une coulée qui rejoint la précédente.

Enfin une troisième fracture, moins active, s'ouvre entre les deux mais, hors champ des webcams du l'OVPF, difficile de préciser le moment de son ouverture.  En tout cas elle était déjà présente vers 07h00 heure locale, au moment du passage de l'hélicoptère transportant les volcanologues de l'OVPF, qui sont venus récolter des échantillons et faire des observations. Bien que ce ne soit pas très clair, il semble qu'elle soit présente sur cette image (mais masquée par le panache de gaz de la seconde fissure), prise vers 06h00 du matin (heure locale).

L'activité vers 06h00 du matin. Image : IRT-OVPF

Au niveau de l'activité éruptive, elle est évidemment mixte (explosive et effusive) mais majoritairement effusive (coulée de lave) et très faiblement explosive avec des fontaines de lave d'un quinzaine de mètres de hauteur, des projections assez grosses (lapillis, bombes) qui indiquent une explosivité faible (VEI entre 0 et 1), caractéristiques de la plupart (= pas toutes) des éruptions de magmas fluides. L'accumulation de ces projections édifice une série de cônes alignés, qu'on voit bien sur les premières images publiées par l'OVPF d'ailleurs. Le débit de l'effusion a été estimé, à partir de données satellites, entre 5 et 30 m3/s.

Les trois fractures éruptives en tout début de matinée et les accumulations de fragments (cônes) alignés sur chaque fracture. Image : OVPF

Ces trois fractures éruptives ont la même orientation (nord-est sud-ouest) mais ne sont pas parfaitement alignées : elles sont placées "en échelon", c'est-à-dire décalées, ce qui est tout à fait normal lorsqu'une fracturation (lors d'une éruption ou non) se produit. Cela se voit particulièrement bien sur l'image satellite prise par SENTINEL 2 aujourd'hui. La fracture 3 étant quasiment dans le prolongement de la fracture 1, on peut même se demander s'il ne s'agit pas, tout simplement, de la fracture 1 qui a poursuivie son développement vers l'aval.

Organisation "en échelon" des fractures éruptives. Le numéro indique l'ordre d'apparition. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Avec une composition n'utilisant que des infrarouges thermiques, on peut mieux voir le développement du champ de lave au moment du passage du satellite.

Le champ de lave en plein développement. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Au cours de la journée les volcanologues ont décrit une baisse de régime éruptif au niveau des évents 2 et 3, mais un maintient au niveau de l'évent1 ce qui, côté instruments de surveillance, s'est traduit par une baisse puis une stabilisation du trémor : un schéma classique. Globalement l'éruption n'est pas exceptionnelle au sens où son développement est tout à fait comparable à la grande majorité des éruptions qui l'ont précédée. Il n'en reste pas moins que, comme d'habitude, le spectacle est somptueux!

En début de nuit, la fracture numéro 1 était toujours très active et le champ de lave continuait se tranquille extension vers le sud, avec un front à quelques centaines de mètres du rempart de l'Enclos Fouqué, mais dont la progression est bien ralentie.


L'activité en début de nuit. Image :  IRT-OVPF

Mise à jour, 08 décembre, 07h28

L'intensité de l'éruption a fortement décru en cours de nuit pour ne cesser totalement que vers 07h15 du matin (heure locale) d'après le bulletin publié par l'OVPF. Les images de la webcam panoramique permettent de constater la très faible activité qui régnait déjà vers 05h du matin avec un front de coulée très peu actif et encore une incandescence sur la partie la plus aval de la fracture 1.

Le dernier souffle de l'éruption, vers 05h00 du matin (heure locale). Image : IRT/OVPF


Sources : OVPF; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; IRT-OVPF

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