Comme d'habitude, il n'y a pas vraiment de surprise quand à la survenue de cette éruption, car l'Observatoire Volcanologique du Piton de la Fournaise, parmi les meilleurs au monde, avait commencé à enregistrer une instabilité du système d'alimentation dès la fin décembre 2019. Une sismicité au-dessus de la normale, avec un pic le 07 janvier, couplée à une déformation interprétée comme la mise en pression du réservoir magmatique le moins profond.
Mais bien sûr, détecter les signes précurseurs ne permet pas d’identifier par avance la date de survenue de l'éruption : la volcanologie de surveillance fait de la prévision et pas de la prédiction. Cette instabilité s'est accentuée rapidement au matin du 10 février avec une crise sismique importante qui a débuté à 10h27 (Heure locale), signe d'une forte fracturation des roches sous la pression exercée par le magma. La fracture pleine de magma ( = le dyke) a atteint la surface le 10 février vers 10h50 (heure locale) sur le versant est du cône Dolomieu.
Les premiers instants de l'éruption ont pu être vus quelques instants par Mr Bertrand Sinama, qui a fait une photo avant que les nuages ne couvrent la scène, puis qui a informé ImazPress. Il n'est pas du tout fréquent de pouvoir observer les premières seconde d'une activité éruptive!
Les nuages empêchent de voir clairement l'éruption, mais on l'aperçoit de temps en temps sur la webcam du Piton des Cascades.
L'activité éruptive dans les premières minutes, voire premières secondes: des fontaines de lave assez soutenues. La coulée n'a pas encore commencé sa formation. Image: Bertrand Sinama, via Imaz Press |
Les nuages empêchent de voir clairement l'éruption, mais on l'aperçoit de temps en temps sur la webcam du Piton des Cascades.
Les volcanologues et ImazPress ont pu faire des survol, offrant quelques images des coulées et des fontaines. Vous trouverez plus d'images en cliquant sur ce lien.
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Les volcanologues ont donc pu avoir une vue assez claire de la situation : production de coulées de lave à surface "a'a", plusieurs fractures en échelon qui se succèdent sur environ 100m de long, dans la pente (fractures radiales par rapport au Dolomieu donc).
L'activité explosive sur les fractures est faible : il s'agit d'une activité de "spattering" (saptter = éclaboussures en Anglais) modeste, qui projette des lambeaux de roches fondues jusqu'à une dizaine de mètres de hauteur. Ces derniers agglutinent et se soudent à chaud, formant des petits cônes ("spatter-cone") sur les fractures. La majeure partie de l'éruption est effusive (production de coulées de lave), comme très souvent au Piton de la Fournaise.
Les volcanologues décrivent aussi dans leur bulletin un front de coulée qui est rapidement descendu (pente forte au point d'éruption) jusqu'à 1700 m d'altitude mais qui fortement ralenti ensuite du fait d'un replat topographique. De con côté le trémor, intense au départ de l'éruption, a fortement décliné après le démarrage de l'activité puis s'est relativement stabilisé pendant environ 1 heure avant de décliner progressivement.
Le trémor produit par l'éruption. Image : OVPF/IPGP |
L'activité semble se poursuivre pour le moment, nous y verrons peut-être plus clair à la nuit tombé (paradoxalement...) car les nuages se seront peut-être estompés.
À suivre!
Sources : OVPF/IPGP ; ImazPress
Février plutôt que janvier dans vos commentaires. Il est vrai que le temps passe vite !
RépondreSupprimerUne dégradation météo est en cours sur l'île et il pleut actuellement dans le sud donc la visibilité risque d'être très réduite cette nuit.
Bonjour Arno974. Oui le temps passe vite..ou c'est mon cerveau qui est trop lent :). Merci pour la correction, c'est fait! Uniquement pour le 10, car pour le pic de sismicité c'était bien le 07 janvier (TU, car c'était après minuit le 08 janvier heure locale, en fait).
SupprimerBonne fin de journée :)
CV
Salut CV,
RépondreSupprimerLa crise sismique n'a pas vraiment été importante. Elle n'a duré que 22 minutes, ce qui est très court et un argument en faveur d'une poche source assez haut en altitude (mise en place en janvier ?).
Quelques précisions sur la fissure : elle fait 500 m de long quand même, entre 2350 et 2100 m d'altitude, à 20 m de celle de juin 2019 ! A noter d'ailleurs que depuis 2019 (six éruptions), les éruptions ont lieu dans des secteurs moins courants (sans être inhabituels). Cela fait suite à la période 2014-2018 où les éruptions alternaient flanc nord / flanc sud et étaient presque toutes proximales... Nul doute que ces éruptions ont colmaté les deux rift-zones principales !
Bonne journée,
Ludovic LEDUC
Bonjour,
SupprimerC'est également le même secteur que les fissures de Février 2019 (voir bulletin de l'OVPF, 12/02 8h45). Je trouve surprenant que les fissures parviennent à s'ouvrir si haut sur le Dolomieu, sur ses flancs, et que l'intrusion parviennt à "éviter" le cratère. Si elle est globalement verticale, elle ne doit pas passer loin de la paroi du cratère, voir la longer?
Mais avoir des éruptions proches des rebords d'un cratère n'est peut-être pas si rare que ça (cf éruptions du San Fernandina?). Et j'ai du mal à me rendre compte des dimensions de l'intrusion : parle-ton d'un conduit de quelques centimètres de dimètres? quelques dizaines de centimètres? Et a-t-on une idée de l'ordre de grandeur des contraintes exercées lors de la formation du dyke?
Bonne journée à vous,
Marc P
Bonjour Marc,
SupprimerJe me permets de répondre.
Les conduits sur la Fournaise font grossièrement 2 km de haut (source aux environs du niveau marin), pour plusieurs centaines de mètres jusqu'à plusieurs kilomètres parfois (ici, 1300 m minimum semble t-il avec les nouvelles données de l'OVPF ce matin) et une largeur - et c'est le plus étonnant - de seulement quelques dizaines de centimètres (entre 40 cm et 1.20 m en gros) !
Même si cette éruption est proche de celle de février, elle est calquée sur l'éruption de juin 2019. Il se pourrait que le dyke ait "glissé" sur le précédent, ce qui expliquerait la rapidité de la crise.
Pour ce qui est de la fracturation, l'OVPF explique ce matin qu'une coulée a eu lieu sur le bord sud-est du Dolomieu, sous la plateforme d'observation du cratère. Je pense donc que la fracturation fut d'abord circonférentielle (parallèle au bord du cratère) pour devenir radiale en aval..
Bonne journée,
Ludovic
Bonjour,
SupprimerMerci pour ces précisions!
Marc