26 juin 2019

Très puissante éruption explosive sur le volcan Ulawun

Après la phase paroxysmale qui s'est déroulée la semaine dernière dans les Kouriles, c'est au tour de l'île de Nouvelle Bretagne, l'une des îles principales de Papouasie Nouvelle Guinée, d'être touchée par un paroxysme intense, très spectaculaire. Mais avec, cette fois, des risques pour des populations et activités humaines qui sont très présentes à proximité et, surtout, il semble y avoir des différences notables avec celle du Raikoke.
Il est difficile, sans les détails géophysiques (sismicité, déformation etc) que peut détenir le Rabaul Volcano Observatory (RVO), de décrire les précurseurs de ce paroxysme mais, en tout cas, il semble assez clair que la veille, 25 juin 2019, un puissant dégazage, bien plus soutenu que l'habituel, était déjà présent au sommet de l'édifice.


Il semble donc que le paroxysme d'aujourd'hui ait été précédé par une hausse significative de l'activité, peut-être (et même vraisemblablement) géophysique (les signaux en profondeur détectés par des instruments en surface) mais en tout cas volcanique (activité que l'on peut observer directement à la surface).

On peut lire dans le journal Papoue Loop, qu'une activité éruptive avait débuté au levé du jour, avec quelles projections et des grondements. La compagnie Air Nuigini avait, par précaution, suspendu des vols au départ de, et à l'arrivée à, l'aéroport d'Hoskins (100 km plus à l'ouest mais dont les vols passent près de l'édifice) lorsque l'activité à continué de monter en puissance, en cours de matinée. Du côté du VAAC de Darwin l'alerte aviation a été élevée au rouge, évidemment.

La première phase très intense a débuté vers 00h45 TU (10h45 heure locale) par une forte activité explosive qui s'est manifestée sous la forme de fontaines de lave, toujours très spectaculaires. Cela indique déjà qu'il faut aller chercher le magma du côté des compositions fluides (basalte, andésite basique, compositions assez fréquentes sur cet édifice visiblement). Cette activité a généré un premier panache de cendres et gaz qui a rapidement été dispersé vers le sud.
Les projections des fontaines de lave ont, quand à elle, couvert toute la zone sommitale et peut-être déclenché quelques incendies, car le signal thermique produit a été très intense, assez étendu, et semble avoir duré dans le temps. Les températures étaient assez élevée pour que des longueurs d'onde rouge ("incandescence"), plus énergiques (longueur d'onde plus courte) que les infrarouges thermiques aient pu être facilement visibles sur les images satellites.

Il semble que cette image soit montre bien l'activité d'Ulawun ce matin (j'ai eu un doute et ais fait une recherche mais je ne l'ai pas trouvée ailleurs pour le moment): fontaine de lave, panache de cendres et avalanches de blocs et cendres (à droite) probablement en raison d'importantes retombées depuis les fontaine et peut-être aussi de coulées de lave (à confirmer). Image: Sophie Guett

La première phase intense de l'activité se caractérise par une forte incandescence (lumière visible), due aux fontaines de lave et à leur retombées sur la zone sommitale de l'édifice. Image: Himawari 8

Spectaculaire colonne éruptive lors de la phase paroxysmale: le panache commence tout juste à s'étaler à la base de la stratosphère (tropopause). Image: Eroli Tamara, via facebook
 
Mais c'est vers 15h06 (heure locale) que l'activité prend une toute autre ampleur avec la formation d'un immense panache de cendres, alimenté par le paroxysme éruptif, dont le sommet va s'écraser sur la tropopause et s'élargir jusqu’à dépasser, au coucher du soleil, un diamètre de 100 km (sa bordure ouest passe au-dessus de l'aéroport Hoskins à ce moment-là. Le VAAC de Darwin indique une altitude atteinte proche des 20 km, dans la basse stratosphère donc.
Extension du panache de cendres au couché du soleil (j'ai retravaillé un peu (beaucoup) l'histogramme de l'image pour le voir correctement). Image: Himawari 8
Les villages alentours ont évacué rapidement plus de 500 personnes déplacées semble-t-il) mais pour l'heure l'activité ne semble pas avoir fait de victimes. Par contre il n'est pas impossible que les chutes de cendres aient fait des dégâts aux cultures, très présentes à proximité: les chutes de cendres ont été importantes jusqu'à 140 km de distance au moins, sous le vent.

Chutes de cendres dans la nuit à Kimbe, à 140 km à l'ouest de l'éruption. Image: Freddie Kumai

LA différence la plus importante avec l'éruption du Raikoke est la présence d'une forte émission infrarouge, en raison des fontaines de lave. La dynamique de l'éruption d'Ulawun est plus proche de ce que l'on a pu voir sur l'Etna et même, plus proche, du Manam. Si aucune information concernant la composition des cendres du Raikoke n'est encore arrivée, je ne serait pas étonné que la composition tombe plutôt dans des magmas visqueux (type andésite, dacite ou quelque chose dans cette zone là). Alors que pour Ulawun, c'est clairement un magma plus fluide. La dynamique des deux panaches est aussi très différente: sur le gif ci-dessous, produit avec les images fausse couleur d'Himawari 8, on voit nettement qu' après s'être largement étendu dans l'atmosphère tant qu'il était alimenté, il s'est très rapidement dispersé après la fin du paroxysme, qui intervient vers 17h45  (heure locale) environ (pas de précision sur ce point).
A contrario, le panache du Raikoke a persisté dans l'atmosphère longtemps après la phase du paroxysme, entrainé et déchiré dans un vortex dépressionnaire, à des centaines de kilomètres de sa source, dans le Pacifique nord.

Dispersion rapide du panache après la fin du paroxysme. Images: Himawari 8
Cela peut refléter le niveau de fragmentation. Car les paroxysmes à fontaines de lave génèrent des cendres certes, mais qui peuvent être en partie grossières (juste un peu moins de 2 mm) et des lappili (entre 2 et 64 mm). Leu taille ne permet pa de les maintenir très longtemps en suspension, contrairement aux cendres extrêmement fines des paroxysmes de magmas plus visqueux qui, elles, peuvent rester en suspensions dans l'atmosphère plus longtemps.
Toutefois la dynamique d'un panache de cendres n'est pas régie que par la taille des particules qui le constituent, d'autres paramètres interviennent évidemment.

Bien que le calme soit revenu sur la zone, la situaiton reste à surveiller, évidemment.

Sources: Himawari 8; VAAC de Darwin; Freddie Kumai; Sophie Guett; Eroli Tamara; merci à Szabolcs Harangi!

4 commentaires:

  1. En tout cas, avec ces deux activités à quelques jours d'intervalle, on se régale !!!

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    1. Ah ben: pas le temps de s'ennuyer! Pas moyen de profiter de cette belle canicule :)

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  2. On connaît l'indice d'explosivité concernant cette éruption?

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  3. Bonjour. Non, pas encore, mais avec un panache qui approche les 20 km d'altitude, on doit être à 3 ou 4 (il faudrait avoir le volume de magma émis pour aller vers plus de précision). Peut-être une catégorisation en activité sub-plinienne?
    We'll see :)
    CV

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