21 juin 2018

Un point sur l'activité des volcans Tengger-Bromo, Kilauea, Puyehue-Cordòn Caulle et Great Sitkin

Kilauea, Etats-Unis, 1222 m

La situation reste globalement stable et l'éruption suit son cours, sans changement notable. L'activité reste mixte, avec la fontaine de lave au niveau de la fissure n°8 et la coulée qui s'en échappe. Toutefois, bien que mixte, la dominance de l'activité reste l'effusion, dont le débit est impressionnant. La vitesse de la coulée a été estimée à près de 27 km/h, ce qui est assez élevé.
Le chenal qu'a formé la coulée et dans lequel elle reste enfermée pour le moment a une morphologie globalement stable. Les bordures du chenal, appelées "levées", se renforcent progressivement: il arrive parfois qu'une petite partie de la lave déborde en effet du chenal, formant de courtes coulées secondaire, qui s'accumulent et épaississent les levées. Bien emprisonnée dans les levées, la lave coule tranquillement et seule sa surface parvient à se refroidir légèrement, formant les plaques noires et molles que l'on distingue sur les images.


Le chenal principal de la coulée, ses levées et quelques débordements. Image: HVO/USGS
La coulée continue d'entrer avec vigueur dans l'océan Pacifique et accroit ainsi la surface de l'île. Celle-ci a ainsi gagné environ 500 000 m² au cours de la semaine écoulée.


June 18, 2018 Crystal Clear Lava from Mick Kalber on Vimeo.

Une faible effusion a été observée entre le 17 juin et le 20 juin sur les fissures 6 et 15, situées non loin de la station géothermale, juste à l'est de Leilani Estates, ainsi que sur la fissure 16, située plus vers l’extrémité est de la zone fracturée formée au cours des 15 premiers jours de mai. Une petite carte pour s'y retrouver, c'est mieux. Elles ne présentent plus maintenant que du dégazage.
La carte de localisation des coulées et des différentes points de sortie du magma ("évents"), inactifs en gris, actifs en rouge, le 19 juin. Image: HVO/USGS
Au sommet, la caldera d'Halema'uma'u continue de s'affaisser progressivement, phénomène progressif appelé "subsidence", en raison du drainage rapide, vers Leilani Estates, du magma qui emplissait les conduits.

Sources: HVO/USGS; Paradise Helicopters

Bromo-Tengger, Indonésie, 2329 m

Pour le moment rien n'est très précis dans ce qui se passe au fond du majestueux cône Bromo, niché dans l'immense caldera du Tengger, sur l'île de Java. Mais il semble clair que "quelque chose" se passe malgré tout car depuis début mai une anomalie thermique, pas très intense mais persistante, a fait son apparition.


Mais que penser de ce changement? Ce n'est pas simple d'être sûr mais à la lecture des informations transmises par le PVMBG il semble que de faibles émissions de cendres soient observées ce qui, mis en parallèle avec l'apparition des signaux thermiques, pourrait indiquer qu'une petite activité éruptive soit en cours. Cela reste toutefois à confirmer par des images plus précises mais le niveau d'alerte volcanique reste, en tout cas, au jaune depuis le 20 octobre 2016 et il est interdit d'approcher à moins d'un kilomètre du cratère.

Affaire à suivre.

Sources: SENTINEL2-ESA/Copernicus; PVMBG

Puyehue-Cordòn Caulle, Chili, 2236 m

Le SERNAGEOMIN a publié le 20 juin un communiqué dans lequel il indique que le niveau d'alerte volcanique est élevé au jaune, ce qui est la première fois depuis la fin de la crise qui, en 2011, avait culminé par une éruption paroxysmale très intense, spectaculaire, magnifique...



Pour le moment le taux de SO2 émis, estimé par satellite donc avec une précision moins bonne que des mesures à la source, n'a pas montré de variations significatives et aucun signal thermique particulier n'est produit. Mais la sismicité montre quelques évolutions avec en particulier l'apparition de secousses dites "hybrides" (fracturation+circulation de fluides) en plus d'une inflation (gonflement du sol) présente depuis plusieurs mois et qui évolue à la vitesse d'environ 0,7 cm/mois en moyenne (verticalement et horizontalement). Il n'est pas précisé dans les rapports où se localise précisément cette zone en déformation (probablement vers le site de l'éruption de 2011 mais où précisément?).

Ce n'est pas tant la faible déformation qui inquiète les volcanologues et ont motivé le passage en alerte jaune, mais la combinaison de la déformation avec l'apparition des secousses hybrides: il s'agit pour eux d'indicateurs d'un certain degré d'instabilité du système volcanique dont on ne peut pas savoir à l'avance si il est précurseur ou non d'une future activité éruptive. c'est donc plus par précaution, et afin de maintenir une vigilance accrue pour mieux anticiper la suite, que la décision du passage en alerte jaune a été prise.

Source: SERNAGEOMIN

Great Sitkin, Etats-Unis, 1740 m

Cela fait maintenant de nombreux mois que l'Alaska Volcano Observatory suit la situation du Great Sitkin, édifice volcanique de l'archipel des Aléoutiennes, isolé à près de 2000 km à l'ouest d'Anchorage. Depuis la fin 2016 en effet la sismicité est au-dessus de la normale et lors d'une visite de contrôle en novembre 2017, un dégazage important avait été observé ce qui avait conduit les volcanologues a élever le niveau d'alerte aviation au jaune.

Au cours des mois suivant la sismicité avait décliné et le niveau d'alerte aviation était repassé au vert en janvier 2018 mais les volcanologues l'ont réévalué au jaune le 10 juin 2018 suite à une nouvelle hausse de la sismicité depuis le début du mois et surtout à la survenue d'une petite activité explosive, soit phréatique soit hydrothermale (vue les circonstances, la barre irait plutôt du côté de la première possibilité) le 10 juin. La trace du dépôts de cendres sur la calotte de neige et glace qui couvre le sommet était bien visible sur les images satellites dès le 11 juin.

Le dépôt laissé par la petite explosion du 10 juin 2018. Image: David Schneider, AVO/USGS
Pour l'heure la situation n'a pas évolué plus que ça (pas de signaux thermiques, pas d'autres explosions pour le moment) mais il n'est pas impossible qu'une activité plus intense n'arrive dans les semaines ou mois qui viennent car l'instabilité du système volcanique depuis fin 2016 et la survenue de l'explosion plaident pour une potentielle intrusion magmatique. Le traitement de données radar permettrait peut-être d'identifier si, par ailleurs, une déformation de l'édifice existe ou non.

Une situation à suivre là-aussi

Source: AVO/USGS

3 commentaires:

  1. Salut CV !

    L'éruption du Kilauea est quand même vraiment impressionnante ! Certes, rien d'inhabituel mais :
    - l'utilisation des noms de rues pour localiser des fissures éruptives
    - la déformation du flanc sud
    - les nombreuses fissures et leurs réactivations
    - l'importante effusion jusqu'à Kapoho, qui selon la localisation de la fissure, n'était pas l'endroit le plus proche pour atteindre la mer
    - la vitesse de la coulée principale
    - la disparition de l'Overlook et les panaches de cendres importants
    - la subsidence sommitale
    Tout ça fait qu'en ce moment je rêve d'Hawaï plus que de tout autres volcans !!!

    Le débit semble assez stable car j'ai l'impression que les débordements du chenal sont peu fréquents, ou du moins de faible ampleur. Cela a tendance a construire une coulée "unique" plutôt qu'un champ de lave si l'on considère uniquement l'effusion relative à cette fissure. Intéressant de remarquer que sur ces grosses coulées, le tunnel met du temps à se construire...

    Sinon, la subsidence progressive et non brutale est assez intéressante en terme de mécanisme, notamment en comparaison du Dolomieu 2007 ! J'ai hâte de voir si l'activité éruptive y reprendra place !

    En tout cas, un grand merci pour le suivi ! J'ai passé une après-midi à rattraper mon retard, avec grand plaisir ! :)

    Bonne journée,

    RépondreSupprimer
  2. La 1ère photo est juste impressionnante.
    Vu la taille des arbres et de la route, la coulée est au moins 20-30m au dessus de la plaine.
    En prenant de l'altitude, les conduits se remettent en pression, favorisant peut-être la réapparition d'activité sur les autres fissures?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Julien,

      Je ne pense pas que la "prise d'altitude" du dyke joue beaucoup. Deux paramètres me semblent plus importants :
      - la formation du spatter, qui réduit la surface des évents (expression du dyke en surface). Cela augmente localement le débit à ce niveau et, par conséquent, la pression dans le dyke. Cela doit pouvoir se voir sur le trémor d'ailleurs...
      - l'alimentation magmatique de la rift-zone n'est probablement pas non plus à débit constant, ce qui influe probablement également sur la pression dans le dyke dans le secteur de Leilani Estates.

      Personnellement, je vois plus ces réactivations comme des fuites...

      Supprimer