8 juin 2018

Nouveaux écoulements pyroclastiques sur le volcan Fuego

Alors que le bilan s'alourdit après le paroxysme du 03 juin, avec un décompte non définitif de 109 victimes (décompte du CONRED), la situation au Fuego n'est toujours pas stable et le risque pour les personnes et infrastructures situés aux abords de la ravine Las Lajas-El Jute (versant est) sont toujours dans une zone à très haut risque volcanique.
Les 05, 07 et 08 juin  ont ainsi été marqués par la mise en place de nouveaux écoulements pyroclastiques, alors que les secours sont toujours en train de fouiller les dépôts de cendres et blocs laissés par le paroxysme. Je n'ai pour l'instant pas trouvé d'images de ces événements mais l'INSIVUMEH a fait passer, dans les bulletins spéciaux, un graphique qui montre les pics de sismicité liés à ces écoulements.
 
Les pics de sismicité liés au déplacement des écoulements pyroclastiques sur le sol. Image: INSIVUMEH

Il est important de comprendre que ces écoulements se font hors de toute nouvelle phase paroxysmale et il faut alors se poser la question de leur origine. Les bulletins quotidiens décrivent pour l'heure des explosions faibles à modérées au sommet, capables parfois de produire des ondes de choc qui font un peu vibrer les fenêtre alentours. C'est une situation habituelle concernant l'activité au Fuego, ce qui traduit une activité éruptive dans les normes, c'est-à-dire probablement pas la source des écoulements.

Il faut peut-être regarder du côté du flanc Est du stratovolcan car une cicatrice laissée par le paroxysme a été décrite par divers observateurs (dont Matthiew Watson de l'Université de Bristol, leader du Volcanic Emissions Group) et dont l'origine reste en discussion. Il y possible qu'une partie du haut versant Est se soit décrochée, participant à la formation de l'écoulement (ou la série d'écoulements) pyroclastique meurtrier du 03 juin. Cette zone était en effet constituée d'un empilement de dépôts cendreux, de lapillis, de coulées de lave, un millefeuille qui, dans ce secteur où la pente est vraiment raide, est d'une stabilité probablement relative.  Si c'est bien cela qui s'est produit alors ce n'est techniquement pas l'éruption (c'est à dire la sortie du magma) qui a produit directement l'écoulement* , mais ce dernier serait une conséquence de l'accumulation rapide, au cours des dernières années, des dépôts instables évoqués plus haut. Ces derniers auraient pu être déstabilisés par le paroxysme (vibrations, accumulation rapide de matériaux supplémentaires etc...) par exemple.

Quoi qu'il en soit, et tant qu'on est au rayon des hypothèses, il n'est pas impossible que les rebords de cette cicatrice (quelle que soit son origine), instables, se délitent parfois formant les écoulements pyroclastiques, hors de toute activité éruptive sommitale intense.
J'aimerai toutefois avoir plus d'images de cette cicatrice pour me faire une idée plus précise de sa morphologie, et en particulier pouvoir comparer sa forme anté et post 03 juin. Mais malheureusement la météo ne semble pas très bonne et les photos qui circulent concernent avant tout (et c'est normal et logique) l'action des secours.

La situation est à suivre en tout cas.

* ce que je veux dire c'est que c'est pas un écoulement qui résulte d'un effondrement de panache, ou d'un effondrement de dôme ou d'une coulée qui se délite brusquement dans la pente, qui sont des écoulements pyroclastiques directement produits par l'éruption.

Sources: CONRED; INSIVUMEH

7 commentaires:

  1. Bonjour CV Je ne comprend pas! si l'écoulement est du au décrochement d'une partie de la paroi , comment se fait t'il que celui-ci ai été si chaud.Quand j'ai vue sur les vidéo cette écoulement j'ai pensé à l'Agun ou la famille Kraft ont laissé leurs vie. Mais llà c'est sûre c'était un écoulement chaud.

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    1. Bonjour Dom67. Partons du départ: l'écoulement était chaud, vue la position et l'état des corps, la quantité de vapeur qui s'échappe des lahars formés à partir du dépôt et qui s'écoulent actuellement et les brûlures subies par les secouristes et journalistes qui ont du passer à travers le dépôts pour rejoindre les victimes et les secourir.
      La question est donc: comment est-ce possible?
      Si l'écoulement se révélait bien du à un décrochement du haut versant sud-est, ça signifierais que les dépôts liés aux éruptions précédentes, qui sont situés au sommet, sont (à quelques mètres de profondeur) encore à très haute température, tout simplement. Ce qui, personnellement, ne m'étonnerait pas vraiment vue que la colonne de magma (la cheminée) est toujours présente à quelques dizaines de mètres seulement.
      Il faut encore attendre la confirmation (ou non) que la série d’écoulements est bien due à un décrochement, au moins en partie.
      Si ce n'est pas du à un décrochement, les écoulements auront alors forcément été produits par l'activité éruptive directement. J'espère qu'il y aura des papiers sur cet événements dans les mois qui vont arriver....
      CV

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    2. Merci beaucoup pour cette explication.A voir par la suite après enquête LOL.
      j'ai fait une erreur les Kraft sont décédés sue un écoulement de l'Unzen et pas de l'Agun ... :)

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  2. Bonjour,
    Mon impression est que les coulée pyroclastiques ont cette fois été principalement causés par un éfondrement de colonne éruptive.
    Avant que ne se forme l'écoulement prinicipal qui a eu lieu vers 13h, des écoulements important et répétés se mettaient déja en place dans les barrancas Seca, El Mineral, Taniluya et Santa Teresa, sur les flancs Ouest et Sud. Ce n'est qu'en fin d'éruption, peut etre sous l'effet d'un leger changement d'inclinaison du jet de la colonne, que le pulse le plus important de coulées pyroclastiques ont eu lieu vers le SE dans la barranca las lajas. Et lá aussi il semble qu'il y ait eu plusieurs pulses successifs qui ont progressivement rempli la barranca et augmenté la distance totale parcourue. Je pense donc que la cicatrice s'est donc faite inicialement plutôt par érosion que par un effondrement massif. Mais il est certain que l'apport supplémentaire de matériel inclus dans les écoulement a contribué a augmenté leur distance parcourue (vu que la distance parcourue parcourue par un écoulement pyroclastique dépend de la pente, de la dénivelée totale et du volume de matériel impliqué).

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    1. Bonjour Robin,

      Merci pour ton avis. Mais sur quel(s) argument(s) te bases-tu pour dire que ces écoulements sont dus à l'effondrement d'une colonne éruptive ? Les écoulements précédents celui de 13h étaient-ils eux aussi liés à l'effondrement de la colonne ? As-tu des images pour appuyer cela ? Car jusqu'alors les écoulements pyroclastiques des paroxysmes du Fuego sont liés à l'effritement des coulées de lave dans la pente...

      Merci d'avance pour ta réponse,

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  3. Bonjour Ludovic
    D'abord parce qu'aucune coulée de lave ni aucun dépot de coulée n'a été observé
    Ensuite parce que l'éruption a été très explosive, la colonne est montée a 15km de haut, beaucoup plus que les paroxysmes précédents, avec des émissions de SO2 beaucoup plus élevées que les paroxysmes précédents
    Et enfin que tous les flancs supérieurs ont été couverts par un épais manteau de téphra.
    Je pense d'ailleurs que beaucoup (mais certainement pas toutes) des "coulées de lave" du Fuego sont en réalité plutôt des coulées rhéomorphiques, c'est a dire formées a partir de ce qui retombe de la fontaine. A partir de là la distinction entre la coulée rhéomorphique et la coulee pyroclastique devient ténue et dépend de la faculté des fragments qui retombent a se ressouder, ou au contraire a se fragmenter a l'impact sous l'effet d'une haute teneur en gaz résiduels.
    Y a surement de quoi écrire un bon papier la dessus...

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    1. Merci pour ta réponse Robin.

      Oui, en effet, un événement de ce type doit être étudié de près afin d’essayer de trouver des précurseurs. Car si le magma en jeu est différent (au moins en ce qui concerne sa richesse en gaz) de celui habituellement émis lors des paroxysmes, cela pourrait peut-être se remarquer au niveau de la déformation et/ou de la sismicité... si ces réseaux de surveillance existent en tout cas ! Quoiqu'il en soit, une étude comparative avec les magmas impliqués dans les explosions majeurs et paroxysmes de Stromboli pourraient être intéressant !

      Sinon, une petite remarque concernant les coulées de lave du Fuego. Pour les paroxysmes récents, elles apparaissent régulièrement avant la phase de fontaine, certes pendant une phase où l'activité explosive est en hausse, tant en intensité qu'en fréquence (8-10 explosions/heure). Donc oui, les coulées aux abords du cratère sont probablement rhéomorphiques, et les images le montrent clairement d'ailleurs, mais je ne pense pas que ce soit le cas des coulées les plus importantes...
      L'augmentation de l'activité explosive pendant les paroxysmes "normaux" est la conséquence de la hausse de la teneur en gaz du magma qui doit être corrélée à une hausse du débit. La colonne magmatique déborde alors et forme ces coulées dont la dynamique est tout de même assez importante (elles atteignent plusieurs kilomètres en quelques jours).

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