14 mai 2018

Nouvelle explosion sur le volcan Kirishima

Si vous suivez le blog vous savez déjà qu'actuellement 3 zones distincts du massif du Kirishima, édifice volcanique situé au nord-est de Kagoshima (près d'une ville appelée...Kirishima, tient donc), sont en alerte: le plateau d'Ebino au nord-ouest, le cône Shinmoedake plutôt au sud-est mais près du centre du massif; et le cône Ohachi, situé vers la pointe sud-est du massif.
Je dois donc préciser pour les éventuel(le)s nouve(elles)aux lecteurs(trices)* que ce qui va suivre concerne le cône Shinmoedake, où se localise l'activité la plus fréquente et la plus importante depuis plusieurs centaines d'années déjà.
Après l'activité éruptive, assez spectaculaire et jolie je dois dire, qui a illuminé le cône Shinmoedake en mars, la situation a globalement été au calme, bien qu'il y ait eu fin mars et début avril de courtes mais intenses phases explosives. C'est une phase similaire qui a eu lieu aujourd'hui, entre 14h45 (heure locale) et 15h30 environ (heure locale), formant un joli panache.

L'explosion et son panache de cendres vus depuis le nord-ouest. Images: JMA; animation: CultureVolcan

Ce dernier, assez riche en cendres, s'est élevé jusqu'à une altitude estimée à environ 5000m par le VAAC de Tokyo. Il s'est rapidement dispersé en direction du sud-est, au-dessus des eaux de la Mer des Philippines et sa trajectoire a pu être suivie par le satellite Himawari 8, grâce à une météo parfaite au moment de l'explosion.Notez sur l'animation ci-dessous qu'on voit aussi très bien le fin panache de gaz (et un peu de cendres de temps en temps) produit au niveau du stratocône Sakurajima (volcan Aira).

Formation et dispersion du panache de cendres,vue depuis l'espace. Images: Hiwamari 8
Je trouve toujours fascinant de voir la différence du ressenti qui se manifeste lorsqu'on regardes des images prisent au sol, donc de près, qui évoquent un événement plutôt intense, plutôt soutenu, et celui qui se manifeste devant les images du même événement prisent depuis l'espace, qui redonnent à l'événement une dimension très différente, de bien moindre ampleur.

Bref, si je devais faire un doublage par onomatopée du son de l'explosion sur l'avant-dernier gif animé , ça serait "BOOOOOOOOM!!!!", et sur le gif ci-dessus, plutôt "puffff!".
Le contexte est toujours un élément des plus importants: il permet de dimensionner l'événement dont on parle et, de fait, de le comparer de manière plus objective à d'autres. 

Les causes de la survenue de cette explosion, plus d'un mois après la dernière, et près de deux mois après la fin de l'activité éruptive stricto sensu, ne sont pour le moment pas connues. La récolte de cendres pour analyses, l'analyse des signaux géophysiques  (sismicité, déformation) et géochimiques (composition du mélange des gaz magmatiques dans le dégazage pré-explosion) permettrait probablement d'avoir un nombre limité de solutions possibles. 
Il n'est pas rare en tout cas que ce type d'événement soit le fruit de l'accumulation de gaz dans la partie supérieure du conduit de la dernière éruption, un peu comme ce qui a été proposé par Robin Campion, volcanologue à l'UNAM, dans les commentaires du post concernant l'explosion sur le Merapi.
 
L'un des mécanismes possibles pour que du gaz s'accumule et génère des explosions, plus ou moins longtemps après la fin de l'éruption, est la cristallisation (solidification) progressive du magma dans le conduit lors de son très lent refroidissement. Car lorsque les cristaux se forment, par la combinaison de diverses molécules présentes dans le magma, une très faible quantités de gaz est intégrée dans ces cristaux.
Plus la cristallisation avance, plus les gaz se concentrent dans la partie du magma non encore cristallisée (= toujours liquide). Et pour peu que l'état de la partie supérieure du conduit ne permette pas une évacuation correcte de ces gaz au fur et à mesure qu'ils sont "triés" par la cristallisation, par exemple parce que la perméabilité des conduits est faible (peu de fractures par exemple), la pression augmente jusqu'à ce qu'elle soit assez forte pour vaincre la résistance mécanique des roches du conduit: c'est l'explosion.

Je ne saurais dire si ce mécanisme et/ou un autre est à l'origine de l'explosion d'aujourd'hui mais une chose reste sûre: il ne faudra pas approcher du Shinmoedake pendant un bon moment afin de ne pas être surpris par une nouvelle phase similaire. 


* ouaip: pas facile de lire lorsque je met les deux genres mais bon, je veux oublier personne

Sources: JMA; Himawari 8

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