10 janvier 2018

Un dôme de lave se forme au Nevados de Chillàn (mis à jour x2)

C'est un bulletin spécial du SERNAGEOMIN qui nous l'apprend, suite à des observations faites lors d'un survol effectué hier. Il est donc temps de faire un point sur l'activité de ces dernières semaines et son évolution.
Via twitter j'ai fais passer depuis fin décembre plusieurs tweets concernant le Nevados de Chillàn, indiquant que, non seulement l'activité explosive débutée en 2016 se poursuit, mais qu'elle a évolué courant décembre. Ce post vise dont à développer et préciser le contenu, par nature court voir lapidaire, des tweets.

Deux changements importants sont à noter:

1- depuis janvier 2016 l'activité explosive, phréatique d'abords puis phréatomagmatique, se faisait par phases d'une durée de quelques jours et espacées de plusieurs jours ou semaines parfois. Or la phase en cours, qui a commencé le 01 décembre au matin, se poursuit toujours actuellement: c'est la plus longue depuis le début de la crise. Par ailleurs les émissions de cendres, fortes et espacées au début de cette phase, sont devenues plus faibles mais bien plus fréquentes courant décembre: c'est toujours le cas actuellement.

2- A partir du 20 décembre, une "lueur" (beaucoup d'infrarouges thermiques) quasi continue est apparue dans le cratère formé par les explosions qui se sont enchainées depuis janvier 2016. Visible à la webcam, elle est apparue au même moment sur les images satellites, par exemple celles de SENTINEL 2.

Présence d'un signal thermique faible dans le nouveau cratère, le 25 décembre 2017. Image: SENTINEL 2-ESA/Copernicus
Il faut aussi savoir que, depuis lors, l'intensité de ce signal thermique n'a cessé d'augmenter, comme on peut le voir avec une autre image SENTINEL 2 prise le 6 janvier, qu'il suffit de comparer avec celle ci-dessus.

Le  signal thermique est plus forte dans le nouveau cratère. Image: SENTINEL 2-ESA/Copernicus

Toujours en décembre, le 21 plus précisément, le SERNAGEOMIN fait état, lors d'un survol de contrôle, de la présence d'une fissure au fond du nouveau cratère. Longue de 40m environ, elle est le siège d'un dégazage modeste: c'est elle la source des rayonnement thermiques perçu par la webcam et les satellites. Ci-dessous une image extraite d'une vidéo faite lors de ce survol.

La fissure et son dégazage. Image: SERNAGEOMIN

L'ensemble de ces modifications ont trouvé leur explication lors d'un autre survol effectué le 09 janvier par le SERNAGEOMIN: les volcanologues ont observé la formation d'un dôme de lave au fond du cratère. Le bulletin spécial qu'ils ont publié pour donner l'information ne précise malheureusement rien le concernant: si son diamètre, ni sa morphologie globale (aplatit ou pas?). Une information simple à déduire toutefois: puisqu'il ne dépasse toujours pas du bord du cratère, alors qu'il a commencé à se former il y a plus de 20 jours, c'est que le taux d'extrusion est très faible. 

On peut supposer aussi que le magma, en sortant, s'est un peu étalé: le dôme doit donc faire plus de 40 m de diamètre, dimensions de la fissure par laquelle le magma sort. Malheureusement les images satellites ne sont pas d'une grande aide: leur résolution est insuffisante pour voir correctement ce dôme.

Quoi qu'il en soit sa présence ne bouleverse pas fondamentalement la donne: l'activité reste faible globalement et le SERNAGEOMIN (Ministère des Mines) tout comme l'ONEMI (gestion des crises, Ministère de l'Intérieur) maintiennent leurs niveaux d'alerte respectifs au jaune. Il est toujours interdit d'approcher à moins de 4km du sommet de l'édifice et cet aspect est devenu plus important maintenant. Le dôme peut en effet bloquer une partie des gaz et être détruit par des explosions inattendues, brèves et plus intenses que les explosions habituelles, un peu sur le principe  de ce qui se passe au Cleveland par exemple. Le SERNAGEOMIN indique que la sismicité produite par cette activité est assez faible et marque une dynamique plutôt "molle" (terme tout à fait personnel) en lien avec une remontée de magma de faible volume.

La situation reste sous surveillance mais on peut maintenant parler à coup sûr d'éruption magmatique puisque le magma est à l'air libre!

Mise à jour, 11 janvier, 07h20

Le SERNAGEOMIN a fait passer une photo prise par caméra thermique du dôme de lave. Il est allongé et, comme prévu, de très petite taille: environ 50 m de long pour 25 m de large (ordre de grandeur). La température de surface a été estimée à 480 °C. Ces faibles dimensions confirment le faible taux d'extrusion.

La petite masse de lave ("dôme") qui se forme au fond du nouveau cratère observée en imagerie thermique. Image: SERNAGEOMIN
La morphologie visiblement très étalée de ce petit "dôme" suggère que le magma est d'une viscosité moyenne: il ne s'agit pas d'un dôme tel qu'on a pu en voir à l'Unzen ou au Saint Helens. Par ailleurs, vue la faiblesse des explosions qui s'y produisent, il semble que le magma en train de sortir soit plutôt dégazé*.

* attention: comme dit précédemment, une faible quantité de gaz dans le magma n'implique pas systématiquement des explosions faible:la présence du dôme peut provoquer une surpression et donc des explosions fortes.


Mise à jour 11 janvier, 16h50

Une nouvelle photo prise pendant le survol permet de voir le nouveau dôme normalement (pas en thermique). C'est la petite tâche gris claire au fond du cratère, allongée et qui me fait penser vaguement à une cochenille (adulte).

Le dôme de lave en formation au fond du cratère. Image: SERNAGEOMIN

Sources: SERNAGEOMIN; SENTINEL 2 -ESA/Copernicus

3 commentaires:

  1. Bonjour,

    C'est clair que ça fait plus pensé à une fuite qu'à une belle activité... L'apparition de la fissure avant celle du dôme est intéressante, probablement en lien avec la morphologie du conduit.
    J'ai deux questions :
    - Sais-tu s'il y a eu des analyses de cendres depuis début décembre ?
    - Sais-tu si depuis l'apparition des signaux thermiques (et donc de la mise en place de cette extrusion), l'activité explosive est-elle toujours présente ? Et dans le cas positif, où a t-elle lieu (depuis la fissure, des évents au pourtour...) ?

    Merci d'avance,
    Bonne journée,

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    1. Bonjour Ludovic. Pour répondre à la première question: je n'ai pas vu passer d'analyses très récentes et je ne connais pas la composition du magma en cours d'émission.
      Pour la seconde: la réponse est dans le post, au n°1 du passage "deux changements importants à noter" :) Le site des explosions est, très probablement, la fissure elle-même: rien dans le cratère ne semble indiquer d'autres évents. C'est un cratère de dimensions modestes et quasiment tout le fond est occupé par le "dôme".

      Bonne journée à toi aussi :)
      CV

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    2. Oups !!! Désolé, je ne sais pas pourquoi l'info est passée à la trappe...

      Merci pour ta réponse !

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