L'activité continue sur l'île-volcan Kadovar

Depuis le début de l'éruption la semaine passée, peu d'informations précises parviennent de cette petite île de Papouasie Nouvelle-Guinée, mais des images intéressantes ont été faites de l'activité.

1-L'activité

Les images satellites MODIS, qui ont l'avantage d'être quotidiennes, montrent que l'activité explosive, au départ assez soutenue, s'est rapidement calmée dans les premiers jours de l'éruption. Les émissions de cendres sont donc maintenant plus modestes même si, vue la taille de l'île, leur impact sur place doit rester important. Par contre il est maintenant clair qu'un autre évent, proche de la côte, a commencé de fonctionner dès les premiers jours de l'éruption*. Il a été le siège d'une activité explosive assez intense, probablement en lien avec son ouverture puis son élargissement.

L'important panache de gauche nait d'un évent proche de la côte et pas au sommet de l'île. Image: Brandon Buser, le 08 janvier

Pour le moment, aucun signal thermique n'a été détecté sur l'île et la première idée qui vient est que le magma n'est pas encore parvenu à la surface de l'édifice. Or cette idée pourrait être battue en brèche par des photos prisent hier par le gouverneur de Sepik Est Allan Bird, en déplacement sur zone. Lors de son passage en avion à proximité de Kadovar, il a pu noter la présence d'un important panache de "vapeur" produit au niveau de la côte sud. Et sur ses images on distingue une "masse" sombre à la base du panache, masse dont la position est clairement dans l'eau et pas sur l'île. Or aucune masse n'était présente sur cette zone avant l'éruption. L'importance du panache de "vapeur" plaide pour une masse à haute température, bien entendu.

Présence d'une masse sombre près de la côte sud de l'île. Image: Allan Bird, 13 janvier

Ma première réaction a été que cela pourrait être une coulée visqueuse arrivant sur la côte. Mais deux choses me font dire qu'il ne s'agit pas de ça:

- l'absence de signal thermique, justement: si la lave coulait sur l'île avant d'arriver dans l'eau, il y aurait probablement un détection de signaux, même faibles.

- aucune trace de fumerolle entre un évent sur l'île et la côte: or la trajectoire d'une coulée en formation est toujours marquée par des fumerolles, le gaz s'échappant de la lave pendant qu'elle progresse.

L'autre possibilité concernant la nature de cette masse est qu'il s'agit d'un nouveau dôme de lave qui émerge de l'eau. Si c'est le cas et si la pente sous l'eau est la même que celle de l'île, alors ce dôme risque de ne pas être très stable. Des effondrements pourraient, en premier lieu, générer des explosions d'une grande puissance, mettant en contact directe l'eau de la Mer de Bismarck avec le coeur à haute température du dôme. Peut-être des vagues importantes seraient générées, mais de là à ce que des tsunamis importants apparaissent, il y a encore une marge. Tout dépendra, en premier lieu, de la stabilité des pentes de l'île sous l'effet de cette intrusion magmatique.

L'autre chose que ces images nous apprennent c'est que la morphologie de l'ancien dôme, point culminant de l'île, a été profondément retouchée. La topographie ci-dessous, réalisée à partir des données ASTER, assez précises, grâce au logiciel libre Generic Mapping Tools, montre que l'ancien dôme, enchâssé dans une petite caldera d'avalanches, avait une forme assez régulière.

Topographie de l'île-volcan Kadovar, le nord est en haut. Image: Culture Volcan; Données ASTER DEM

  

Or si l'on regarde bien la photo prise hier il semble que tout le versant sud de l'ancien dôme est maintenant ouvert d'une cicatrice. La photo n'est malheureusement pas très nette et il faudrait confirmer cette observation mais elle semble bien être réèlle lorsqu'on compare la photo ci-dessous avec celle du post précédent. Elle pourrait-être en lien avec ce qui a été observé le 08 janvier par Brandon Buser (auteur de la première photo de ce post): dans une vidéo qu'il a postée sur facebook, composée de morceaux de vidéos et de photos, on peut voir à plusieurs moments (-18, -15,-3 secondes) des écoulements de cendres qui arrivent jusqu'à la côte. Il ne semblent pas aussi dynamiques que des écoulements pyroclastiques malgré leur ressemblance, ce qui suggèrent qu'il sont "froids" et peu chargés cendres. Ces masses de cendres pourraient avoir été produits par des effondrements à l'origine de la cicatrice, que je vous ais matérialisée d'un trait blanc sur l'image ci-dessous.

La cicatrice sur l'ancien dôme. Image: Allan Bird, 13 janvier

2- Les conséquences

Comme dit précédemment, la totalité de la population insulaire a été évacuée. La gestion de crise est en plein travail et des fonds ont été débloqués par le gouvernement pour venir en aide aux habitants, qui sont maintenant accueillis sur l'île de Blup Blup. Le gouverneur Allan Bird était lui-même en déplacement hier pour réceptionner des sacs de riz et des bouteilles d'eau.
Pour le moment la gestion de crise est toujours dans sa première phase: la prise en charge des besoins immédiats pour cette population. Mais la question se pose déjà de la suite. Il semble que les insulaires ne pourrons pas revenir sur l'île avant un bon moment. Il faudra plusieurs années après la fin de l'éruption pour que la végétation soit de nouveau bien implantée et que l'île redevienne vivable.Quid de leur sort sur le moyen-long terme alors?

* ce qui fait peut être écho au commentaire de Ludovic Leduc, dans le post du 06 janvier, au passage

Sources: Merci à Shérine France pour le partage des photos prisent par Allan Bird et Brandon Buser; ASTER DEM et Generic Mapping Tools