6 juillet 2017

Un lac de lave (ou lac de magma) au Turrialba

C'est le Red Sismologica Nacional qui a fait passer cette information, publié suite à une observation effectuée lors d'un survol en drône de l'édifice. Il s'agissait bien entendu de faire le point sur l'activité en cours, et notamment d'essayer de quantifier les modifications que
l'activité avait produite au cour de l'année écoulée. Un autre objectif était d'identifier la source de l'incandescence visible dans le cratère actif.

Et le moins qu'on puisse dire c'est que les volcanologues n'ont pas été déçus par leur survol. Ils ont tout d'abord pu constater que la mise en place de la colonne de magma a eu pour effet d'élargir progressivement le cratère actif. Ce changement a été produit par la conjonction de deux phénomènes:

- les explosions tout d'abords, qui rejettent plus loin une partie des matériaux qui constituent les bords du cratère actif. Ces fragments projetés se sont progressivement accumulés sur le rebord est et nord-est du cratère.

-  les éboulements des parois, qui permettent de placer dans le fond du cratère un volume rocheux qui, par la suite, est expulsé plus loin par les explosions.

Le sommet de cette colonne de magma affleure maintenant au fond du cratère,sous la forme d'un petit lac de lave, tout à fait similaire par ses dimensions à celui du Masaya (situé à moins de 400 km, à vol d'oiseau), soit une cinquantaine de mètre de long, et un peu moins de large (forme ovale).

Le lac de lave du Turrialba, observé par drône le 29 juin dernier. Image: RSN-LANAMME-UCR
Il n'est pas évident de dire avec précision à quel moment cette masse de magma a commencé à être visible au fond du cratère, mais on peut supposer qu'elle s'est formée progressivement et que cela fait plusieurs mois qu'elle est présente (moins large au départ qu'actuellement, probablement).
Une hypothèse peut toutefois être avancée grâce aux données du MIROVA. En effet l'apparition de la colonne de magma fut obligatoirement accompagnée d'une hausse, ou de l'apparition, d'un rayonnement thermique intense. Et l'on constate grâce à cet outil merveilleux qu'est le MIROVA, qu'en effet juste après le 15 janvier, un signal thermique régulier, inexistant auparavant, a fait son apparition dans le cratère actif. Sa faible intensité est due, au moins en partie, par l’étroitesse du conduit, qui limite la puissante thermique rayonnée.

Apparition du signal thermique mi-janvier 2017. Image: MIROVA

Les données du satellite SENTINEL 2 permettent elles-aussi de constater l'apparition de cette source de chaleur intense, qu'il est envisageable d'associer à l'arrivée de la masse de magma à la surface du globe.

Malgré une activité soutenue en 2016, ce n'est que début 2017 qu'un signal thermique assez fort se manifeste: la formation du lac de magma? Images: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Il est intéressant de constater que sa mise en place s'est finalement déroulée sans grand fracas. Au départ le système hydrothermal a régit de manière explosive à partir de 2014 en recevant le surplus de chaleur apporté par l'intrusion (dyke ou autre), ce qui a provoqué sa déstabilisation via la surchauffe des fluides, qui a causé sa mise en pression.
Mais finalement les roches qui surplombaient cette intrusion ont été évacuées avec une force modérée, et elle s'est mise à l'affleurement, sans déborder pour le moment (pas de coulées). La situation est donc à suivre de près car:

- la survenue d'explosions plus intenses n'est pas impossible si une quantité de gaz plus importante parvient à remonter à travers l'étroit conduit, ou si des effondrements de la paroi se produisent par exemple.

- le débordement de ce lac de magma n'est pas non plus inenvisageable, et l'effusion se dérouleraient alors dans le cratère: un beau spectacle potentiel!

C'est en tout cas une belle surprise de pouvoir observer, même indirectement via un drône, un tel spectacle. Car finalement les lac de magma restent, pour l'essentiel, des objets assez peu fréquemment observés.

Sources: RSN-LANAMME-UCR; MIROVA; SENTINEL 2-ESA/Copernicus

1 commentaire:

  1. Bonjour,

    L'évolution de cette éruption est vraiment très intéressante, particulièrement pédagogique avec l'apparition de la colonne magmatique après une réaction conséquente du système hydrothermal.

    Toutefois, j'ai quelques doutes et réserves sur la description du lac de lave pour plusieurs raisons. Je crois qu'il faut réussir à différencier un lac de lave permanent, qui a une dynamique bien particulière, d'une émergence de la colonne magmatique en surface. C'est d'ailleurs ce qu'on fait entre Stromboli par exemple (toutes proportions gardées en terme de dimensions de la colonne magmatique) et l'Erta Ale ou le Nyiragongo.

    Ici, il est clair que l'on résonne sur une seule image, non animée et de jour qui plus est. Il est donc difficile de se faire une idée de la dynamique de surface de cette "étendue de lave". Ce qui me fait tiquer, c'est que depuis la mi-janvier, les émissions de cendres sont fréquentes et à l'origine d'un panache qui atteint fréquemment 500 mètres de haut. Leur fréquence et leur intensité écartent pour moi la possibilité qu'elles soient dues à des effondrements du cratère. Par ailleurs, les images qui sont passées à la télévision costaricaine montrent la présence d'explosions évacuant des projections incandescentes...

    Toutes ces constatations me font plutôt penser à une activité strombolienne, avec une colonne magmatique qui émerge en surface et où une activité explosive modeste est en cours. Je rapprocherais ainsi cette activité plutôt à ce qui se passe sur le Villarica en ce moment.

    Espérons que de nouvelles images nous donnent du grain à moudre...
    Bonne journée,

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