29 juillet 2017

Les actus du jour: Katla en alerte jaune et quelques changements à l'Erta Ale

Katla, Islande, 1490 m

Ces derniers jours ont été marqués par une activité sismique assez soutenue, qui s'est manifestée par ce que l'on appelle un "essaim", série de secousses rapprochées dans le temps. La plus forte d'entre elle a atteint une magnitude de 4.5 dans la nuit du 26 au 27 juillet.
Cette crise, comme toutes celles qui se produisent quasiment chaque année sur cet édifice, est à mettre en lien avec des perturbations liées au glacier Myrdasjoküll dont la fonte produit des variations dans la charge de glace, et donc des contraintes mécaniques qui "appuient" sur l'édifice ce qui génère des "craquements" (essaims de secousses). Le tout est doublé de secousses liées à la circulation de fluides hydrothermaux car, même si la glace nous masque l'activité volcanique superficielle sur ce volcan, nul doute qu'elle est intense, même si il ne s'agit que d'une activité fumerolienne.

Par ailleurs la fonte annuelle du glacier due à la période printemps-été, associée à sa fonte par en-dessous en raison de l'activité hydrothermale, génèrent des quantités d'eau plus importantes qui finissent par se frayer un chemin sous le glacier jusqu'aux pentes extérieurs de l'édifice. Cela abouti, comme c'est le cas depuis cette nuit, non seulement à une hausse (parfois très très rapide, ce que l'on nomme un Jökulhaulp) du niveau des rivières qui descendent du glacier, mais aussi de leur composition chimique. En effet, enrichis par l'activité fumerolienne en éléments chimiques dissouts, dont des ions, la conductivité électrique de l'eau des rivières change, ce qui permet une surveillance continue des apports en provenance du volcan. Les volcanologues Islandais savent ainsi si de l'eau en provenance de la caldera sommitale, remplie de glace, est présente en grande quantité ou non. C'est un moyen indirecte de surveiller l'activité sommitale.

Parce qu'une crise sismique est en cours, même si elle a tendance à diminuer maintenant, et parce que la rivière Mùlakvisl, qui descend du flanc sud-est, est maintenant en crue, le niveau d'alerte du Katla est passé au jaune.....comme presque à chaque fois que la situation se présente. Pour le moment rien n'indique que la crise en cours puisse avoir un lien avec une future éruption.

Le Katla passé aujourd'hui en alerte aviation jaune. Image: IMO

Une situation à suivre comme toujours malgré tout.

Source: IMO

Erta Ale, Éthiopie, 613 m

L'activité reste plutôt stable au niveau de la manière dont elle se déroule: toujours deux lacs de lave (sommet et rift-zone sud-est), et deux champs de lave qui se développent. Les dernières images satellites, prises les 21, 23 et 28 juillet par SENTINEL 2 et LANDSAT 8, permettent de constater toutefois un léger changement dans la situation.

Dans le post précédent, le champ de lave le plus alimenté restait celui qui se développe depuis début juin sur le bas versant sud-ouest de l'Erta Ale. Mais la situation a commencé à changer visiblement peu de temps après la publication de ce post. En effet sur l'image du 21 juillet on voit que la lave arrive toujours sur ce versant mais le champs de lave semble clairement moins dynamique. Sa surface est globalement moins chaude, même si peut noter des zones relativement dispersées où la température est extrêmement élevée: ce sont des fronts de lave pahoehoe actif sur la surface et au front du champ de lave. A ce moment là, la longueur atteinte par les deux champs de lave est d'environ 5.6 km pour le sud-ouest et 5.8 km pour le nord-est.

L'extension des deux champs de lave pahoehoe, le 21 juillet 2017. Image: LANDSAT 8 - NASA/USGS

Deux jours plus tard, le 23 juillet, une autre image est prise, cette fois par SENTINEL 2. Elle montre deux choses au moins:
- sur le champ Sud-Ouest l'activité n'a pas vraiment changé: l'arrivée de lave forme toujours une multitude de petits front actifs sur la surface du champ de lave. Son front stagne et reste à la même distance de sa source que deux jours plus tôt.
- par contre on peut voir clairement un changement sur le champ nord-est, dont le front rayonne des infrarouges beaucoup plus intensément qu'auparavant. A ce moment là le front de ce champ est déjà à près de 6800 m de sa source, soit un kilomètre de plus que le jour précédent. Quand on voit qu'il avait fallu un peu plus d'un mois et demie pour qu'il dépasse 5000m de long, on peut se demander ce qu'il se passe.

L'évolution des champs de lave pahoehoe, au 23 juillet 2017. Image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Et enfin, moins d'une semaine plus tard, le 28 juillet, la situation précédente s'est largement accentuée avec:
- le champ de lave sud-ouest qui stagne toujours. Sa surface est toujours parcourue de petits suintements de lave pahoehoe mais il n'y en a plus au niveau du front, ce qui traduit le fait que, visiblement, il y a moins de lave dans les tunnels, donc moins de lave en provenance de la source en amont (vers le lac de lave de la Rift-Zone).

- le champ de lave nord-est, au contraire, a énormément progressé puisqu'il atteint désormais une longueur estimée à près de 9500 m!

Progression importante du champ de lave nord-est, due à une arrivée plus importante de lave, et à sa canalisation par une ravine. Image: SENTINEL 2 - ESA/copernicus

Il semble qu'aux alentours du 20 juillet la répartition de la lave émise au niveau de la Rift-Zone ait changé (les causes seraient à étudier). Plutôt que d'alimenter préférentiellement le champ sud-ouest, la lave a commencé à descendre au nord-est en plus grande quantité. Ceci a mis sous pression le front du champ de lave existant qui, en quelque sorte, a "cédé" sous l'arrivée de ce surplus de lave: c'est la rupture observée le 23 juillet. Depuis, ce surplus allonge rapidement le champ de lave, qui a donc pris en moyenne 500 m de plus chaque jour environ. A noter que, vue la morphologie très étroite de ce champ lave, il est clair qu'il est canalisé par une petite ravine. Ceci explique, conjointement avec la hausse du débit de lave, sa vitesse de progression importante.

Exit donc pour le moment la possibilité que les coulées s'approchent du camp de base dans les semaines qui viennent.

Sources : LANDSAT 8 - NASA/USGS ; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

6 commentaires:

  1. Comment expliquer alors la crise sismique qu'il y a eu en même temps sur la péninsule à l'ouest? Il n'y a pas de glacier à cet endroit là.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Guillaume. Sur Reykjanes, la sismicité semble être liée à une petite intrusion en profondeur. Dans le secteur, sur la péninsule même mais aussi au large des côtes (prolongement de la zone de rift)les essaims de ce type sont fréquents et n'aboutisse pas souvent à des éruptions (dans ce secteur, dernières éruption au 14ème siècle!).
      Bonne journée :)

      Supprimer
  2. Bonjour,

    Je ne sais pas si on peut dire que le champ de lave ait vraiment "cédé" le 23 juillet, car justement la lave a atteint le front et donc la sortie du tunnel. Si le réseau de tunnels a réussi à alimenter le surplus de lave jusqu'au front, c'est pour moi une preuve qu'il est assez robuste pour supporter cette variation du débit...

    Toujours est-il que cette éruption n'en finit pas de nous passionner...

    Bon weekend,

    Ludovic

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Ludovic: remarque intéressante, mais j'apporte deux précisions:

      - la lave, et tu le sais bien car tu connais bien ce type de champ de lave, ne sort pas qu'au front. La pression dans les tunnels est partiellement évacuée tout au long du parcours par de multiples petits suintements en surface, que l'on voit bien d'ailleurs sur l’image satellite.

      - lorsque je rédige un post, je ne perd jamais de vue qu'une partie importante de mes lectrices-teurs n'est pas formée à la géologie-volcanologie. J'ai donc utilisé le terme cédé, avec des guillemets puisque évidemment ce n'est pas aussi brutal que la rupture d'un barrage hydraulique, pour imager l'arrivée de ce surplus de lave et indiquer qu'un changement rapide de la dynamique d'effusion au front de lave (un front unique et bien actif en lieu et place de multiples petits fronts pahoehoe se recouvrant les uns les autres).
      Rien qu'à relire la dernière partie de ma phrase, je trouve que le terme cédé est bien approprié: il exprime le principe de ce qui s'est passé et est très synthétique en terme de nombre de caractères. Fragile équilibre, pas toujours facile à trouver, entre l'idée à exprimer et le nombre de mots employés pour le faire.

      Bonne journée à toi, et merci pour tes interventions ici. Je n'ai que peu de temps de répondre (un jour de repos par semaine en ce moment et plein de choses à faire pendant cet unique jour) mais j'apprécie :)
      CV

      Supprimer
    2. Désolé si je t'ai paru chipoteur, je voulais tout simplement exprimer le fait que le réseau de tunnel me semble assez robuste pour pouvoir amener le surplus de lave au front et non créer une résurgence amont de grande ampleur...

      Je ne me permettrait pas de te reprendre sur la manière dont tu vulgarises, car je te trouve vraiment doué pour l'exercice. Pour écrire quelques publications sur facebook de temps à autres, je sais le temps et l'exigence que cela demande. Je ne voulais donc pas te critiquer !

      Bonne journée,

      Ludovic

      Supprimer
    3. Oh mais ne t'inquiètes pas: je ne me suis pas senti offensé du tout :) Comme j'ai le nez dans le guidon lorsque je rédige (ça se voit parfois sur les fautes de frappe et autre d'ailleurs :) ) je ne me rend pas forcément compte de rendu global de ce que je rédige. Mais le mot "cédé", que je n'ai appliqué que pour permettre de visualiser ce qui s'est passé au front du champ de lave, me paraissait exprimer correctement ce que je voulais faire passer comme vision de la situation, et ta remarque (que je n'ai as pris comme une critique négative) m'a fait douter: j'ai donc souhaité te préciser mon intention.
      Le réseau de tunnel est-il robuste? Globalement oui: la lave n'a effectivement pas débordé dès la source (pas de breakout autrement dit).
      Bonne fin de journée à toi aussi :)
      CV

      Supprimer