15 février 2017

Un point sur l'activité du volcan Piton de la Fournaise

Il n'est pas vraiment nécessaire de faire des mies à jours régulières de l'éruption qui a débuté voilà maintenant une quinzaine de jours (déjà!), car elle est stable. Les bulletins quotidiens publiés par l'observatoire volcanologique indiquent tous que le trémor reste élevé et maintenant stable. Il a connu une période de progressive hausse entre les 5 et 10 février mais il s'est stabilisé depuis, signe que l'éruption reste vigoureuse.
Ce qui change donc ce n'est pas tant le style ou l'intensité de l'éruption, mais la morphologie de la zone touchée par cette dernière.
Tout d'abord au niveau même du point de sortie de la lave: avec un seul évent actif, les projections édifice progressivement un très joli cône régulier. Ce dernier était égueulé au cours des premiers jours de l'éruption, car une partie de la lave s'échappait de la partie aval de la fissure éruptive, formant des coulée, qui emportaient à leur tout les projections qui leur retombaient dessus. C'est ce phénomène qui, principalement, empêchait le cône de se fermer. Mais les coulées ont commencer à former des tunnels et, à partir de ce moment-là, les fragments projetés par la fontaine de lave ont pu retomber sur le toit de ces tunnels, et rester en place, ce qui a permis au cône de se fermer.
En retour, la fermeture du cône a provoqué l'arrêt de l'activité type "fontaine de lave". En effet, une fois le cône fermé, les fragments qui retombent sur la lèvre du cratère ou à l’intérieur de celui-ci, ont tendance à rouler vers le fond, formant une masse fondue ou semi-fondue qui n'est plus évacuée par la coulée de lave, ce qui gène l'échappement des gaz volcaniques en créant une forme de "bouchon mou", sorte de petit lac de lave.
Or le régime éruptif de type "fontaine de lave" se définit par l'échappement continu des gaz: en fait une fontaine est un jet de gaz dans lequel il y a des fragments de lave fondue.
L'échappement des gaz étant perturbé il devient discontinu (ou intermittent si vous préférez), ce qui produit des explosions séparées, même si elles sont très très fréquentes. Bref: l'activité éruptive à modifié la forme du cône qui , en retour, a entrainé une modification du style de l'activité éruptive, sans qu'elle ne change d'intensité, puisque le trémor reste stable: c'est ce que l'on appelle une rétroaction.

Pour voir cette différence de style éruptif (qui est pour ainsi dire systématique dans ce genre d'éruption), comparez les deux vidéos ci-dessous, prisent respectivement au tout début de l'éruption (dans les 72 premières heures), et il y a quelques jours seulement.
Dans la première le cône est ouvert (égueulé) et la fontaine est bien active. Dans la seconde le cône est fermé, les coulées sont en tunnels, et on voit bien des bulles de gaz séparées qui explosent au fond du cratère, qui est occupé par un sorte de petit lac de lave.






Pour le moment il n'y a pas de nouvelle cartographie des coulées. Le 10 février dernier, un relevé avait été effectué, qui montrait que le champ de lave avait plutôt tendance à s'élargir dans la zone à faible pente située entre le point de sortie et les Grandes Pentes, plutôt que de se développer dans ces dernières.
Nous verrons bien si cette tendance s'est poursuivie ou non lorsque la prochaine cartographie aura pu être réalisée, ce qui n'est pas évident.

Sources: OVPF/IPGP; Vanilla Islands; Zinfo974

3 commentaires:

  1. Bonjour,

    Hypothèse intéressante que cette rétroaction. Toutefois, selon un observateur sur site à ce moment-là, l'activité de fontaine s'est stoppée brutalement (à 05h08 précisément) le 03 février, à un moment où le cône était encore égueulé. Il a bien insisté sur le fait que le changement fut net.
    Pour moi, cette observation serait plus à mettre en relation, avec un changement dans le régime de gaz. Il est normal qu'une quantité plus importante de gaz s'échappe en début d'éruption et que l'on passe à un moment donné d'un échappement continu à discontinu...
    Peut-être les deux phénomènes se combinent-ils.

    Bonne journée,

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    1. Bonjour Ludovic.
      La transition brève, presque instantanée, que décrit l'observateur est interessante et, je pense, n'est pas incompatible avec l'obstruction de l'évent.
      Le cône pouvait être égueulé mais pour autant l'évent, situé au fond du cratère, pouvait être en cours d'obstruction. Car la paroi interne du cratère subit des phénomènes de fluage qui peuvent être importants (https://youtu.be/Du5t7jo5z80 , joli masse glissée devant le point de sortie à partir de 2'16)).
      Il serait intéressant et important, de savoir si le changement de régime brusque a été observé à travers l'axe de égueulement (vue directe sur l'évent) ou depuis une direction qui ne permettait pas cette vue directe. Cela permettrait d'être sûr que le changement de régime est bien dû à une cause interne (régime du dégazage) et non à une masse qui aurait flué dans le cratère, perturbant brusquement le dégazage (cause externe).
      Et j'en arrive à la même conclusion que la tienne, et je te cite donc: "Peut-être les deux phénomènes se combinent-ils?"
      Bonne journée aussi :)
      CV

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    2. Oui, tu as tout à fait raison d'insister sur le fait que le cône peut encore être égueulé avec un évent en cours d'obstruction... Dans le cas présent, je suis quasiment certain que l'observateur n'a pas vu directement l'évent car l'observation aurait été dangereuse.

      Par ailleurs, j'avais observé le phénomène que tu décris lors de l'éruption du 31 juillet 2015 lorsque qu'une coulée issue d'une fissure en amont avait pénétré dans une fissure en avale, faisant passer le régime de gaz d'une fontaine à un dégazage discontinu (1min17 et 1min58 sur cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=RibAaaeLF0g).

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