22 janvier 2017

Très gros débordement du lac de lave à l'Erta Ale! (Mis à jour)

Ce volcan, l'un des plus actifs de la planète, reste dans la période d'activité intense, débutée en 2015, que j'ai décrite il y a  quelques semaines déjà. Essentiellement effusive (l'activité explosive se résume à priori à du spaterring), elle continue d'alimenter le lac de lave (ou lac de magma), dont le niveau reste très haut, et qui déborde assez souvent, formant alors des coulées de lave.
La surface de ce lac rayonne une énergie thermique très importante, facilement détectée depuis l’espace et c'est d'ailleurs ce qui m'a mis la puce à l'oreille. En effet, le 18 janvier dernier, en regardant les données du MIROVA, j'ai été surpris de voir que l'Erta Ale connaissait un très gros pic d'activité thermique, nettement plus fort que tout ce qui avait été détecté au cours de l'année écoulée. Et ce pic était localisé au sommet de l'édifice: nul doute qu'un événement important avait débuté là-bas et, vue l'activité récente, j'avais peu de doutes quand au fait qu'il s'agissait d'un débordement du lac.

L'intense pic d'activité thermique repéré le 18 janvier. Image: MIROVA

 En effet la puissance thermique rayonnée vers l’espace, et détectée via les capteurs spatiaux, ne dépend pas que de la seule température du matériau chaud (ici la roche fondue), mais aussi de la surface qui rayonne. C'est la raison pour laquelle le lac de lave du Masaya (Nicaragua) ou même de l'Erta Ale (Ethiopie), très actifs, ont une puissance détectée 10 fois inférieure à celle du Nyiragongo en moyenne sur l'année. Or justement le 18 janvier, la puissance détectée à l'Erta Ale est devenue similaire à celle produite par le Nyiragongo: elle a donc augmenté d'un coup d'un facteur  10, ce qui pouvait s'expliquer par une surface à haute température très supérieure à celle du lac. Il n'y avait dès lors que deux solutions:

- soit la surface du lac de lave avait brutalement augmenté, hypothèse très peu probable
- soit le lac était en train de déborder, plus cohérente et probable

Mais avoir un doute, c'est bien, une certitude, c'est mieux. Il a donc fallu attendre et espérer que des données satellites ait capté ce moment. Et c'est encore une fois les données des satellites SENTINEL 2 qui permettent de confirmer qu'un très volumineux débordement à eu lieu. La composition d'une image intégrant l'infrarouge thermique permet de voir nettement une très importante coulée de lave (clairement la plus volumineuse depuis le début de la crise en 2015) d'une longueur qui avoisine (probablement dépasse un peu) 1 km et dont le front s'étire de plus de 230 m (surface estimée: ~200 000 m²). Les données ont été récoltées le 19 janvier or cette coulée rayonne peu: sa surface est en cours de refroidissement et déjà consolidée, c'est pour cette raison que j'en déduit qu'elle a été mise en place la veille, jour où le pic a été détecté.
Le 19 janvier par contre un nouveau débordement est en cours: on voit très bien la coulée qui se forme à partir du lac recouvrir celle de la veille.
Enfin, on peut noter qu'un faible signal thermique reste présent dans le cratère nord, ce qui pourrait indiquer qu'un peu de spattering se poursuit sur les spatter-cones observés en décembre dernier.

L'important débordement du 18 janvier et celui, plus modeste, du 19 janvier, sont bien visibles sur cette composition colorée. Image: données SENTINEL-ESA/Copernicus; composition-annotations: Culture Volcan

Celles et ceux d'entre vous qui auront pris le temps de regarder le graphique du MIROVA auront peut-être noté qu'un signal thermique encore plus fort a été relevé ce matin-même. Il peut s'agir d'un artefact mais cela pourrait aussi signer un nouveau débordement de gros volume: attendons un peu pour nous faire une idée.

En tout cas, l'activité sur l'Erta Ale est vraiment exceptionnelle en ce moment!

Mise à jour, 14h57

J'ai reçu des nouvelles il y a quelques minutes d'Olivier Grunewald, photographe Français (spécialisé dans les photos de nature) sur place actuellement: il m'indique avoir observé l'explosion de très grosses bulles de gaz, avec des projections montant jusqu'à une trentaine de mètres de haut au soir du 20 janvier. Toutefois ce qui est exceptionnel, et confirme que le pic d'activité thermique détecté depuis ce matin n'est pas un artefact, c'est que le sommet de l'édifice a entamé une importante phase d'effondrements. Il semble que ce soit d'abord le mur construit autour du lac de lave qui ait commencé s'effondrer, suivit par la formation, dans le cratère nord, d'un trou oval (par affaissement du plancher je suppose) de 150 m*30m et 20 m de profondeur, en l'espace d'une heure seulement! Juste extraordinaire! Une série d'effondrements s'est visiblement aussi produite au niveau du cratère sud, générant ce matin un panache de 7 à 800 m de hauteur. Olivier me fait savoir que la taille du puit sud a à peu près doublé au cours de ces effondrements successifs. LE tout a été accompagné de la libération d'un volume important de lave sous forme de coulées, qui ont formé à nouveau un champ de lave assez important qui a ennoyé un peu plus la partie sud de la caldera qui accueille les puits nord et sud.

On comprend mieux le nouveau pic d'émission thermique atteint aujourd'hui, classé comme "extrême" par le MIROVA, et d'une puissance 100 fois supérieure à ce que le lac rayonne habituellement.

Le second pic d'émission thermique relevé ce matin par le MIROVA, très très intense. Image: MIROVA

Je remercie évidemment très chaleureusement Olivier pour avoir partagé avec moi presque en temps réèl ces événements, qui sont d'une ampleur très rarement observée sur cet édifice.


Sources: MIROVA; SENTINEL 2 ESA/Copernicus; Olivier Grunewald

5 commentaires:

  1. Spectaculaire ! Olivier était encore une fois là où il fallait être ! J'avais estimé en comparant des photos de février 2015 et décembre 2016 que le niveau du lac était monté de 14 mètres et que son diamètre avait diminué de moitié. D'après ce qu'il décrit, j'en déduit que le lac a retrouvé son niveau de début 2015.

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  2. J'y suis monté le 22 et redescendu le 24, je suis actuellement encore à mekele mais j'ai plusieurs photos des énormes coulées. Le lac est à 80-100 m de la surface, le cratère nord est effondré a 70% environ. Les approches étaient périlleuses. Je te ferai parvenir des photos en début de semaines prochaine

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    1. Bonsoir. Déjà merci pour cette proposition :) . Le spectacle devait être fabuleux: les échos que j'en ai eu font rêver!
      Vivement la semaine prochaine :)
      CV

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  3. Pour ceux qui n'ont pas vu la vidéo sur Vimeo tourné en novembre surement : impressionnant !

    https://vimeo.com/199447118

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  4. Bonsoir

    La preuve en vidéo datant du 17 janvier : c'est incroyable

    https://www.youtube.com/watch?v=UfeCV1vv-1s&list=PL2Lg9O4d67CbAUVwH7dN4MJEZ3WLCbKRh

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