Si l'on regarde déjà les données produites par le MIROVA il semble tout à fait clair qu'une activité éruptive est toujours en cours sur cette île très éloignée, l'une des deux seules zones de volcanisme actif en Australie. Depuis fin septembre en effet l'activité thermique sur le
volcan reste intense mais c'est, comme souvent, le détail de cette éruption qui manque, en raison de l'absence d'observations directes. Dans mon post précédent, je posais toutefois la question de savoir si une coulée de lave n'était pas en cours de mise en placeGroupe de signaux thermiques depuis fin septembre: une éruption est en cours. Image: MIROVA |
Concernant la coulée rien n'est encore certain mais la possibilité de sa présence semble renforcée par un détail apparu récemment.
En effet, les images produites par les satellites MODIS depuis fin octobre montrent la présence d'une longue tâche sombre qui descend depuis le sommet sur le versant sud-ouest.
Chronologiquement elle apparait, très discrète, sur l'image prise le 28 octobre par un temps très clair. Dès le 31 octobre elle apparait beaucoup plus sombre et elle l'est encore plus le 01 novembre: elle est alors parfaitement visible.
Chronologiquement elle apparait, très discrète, sur l'image prise le 28 octobre par un temps très clair. Dès le 31 octobre elle apparait beaucoup plus sombre et elle l'est encore plus le 01 novembre: elle est alors parfaitement visible.
Apparition de la tâche sombre, fin octobre. Images: MODIS/NASA |
En la remarquant j'ai d'abord pensé qu'une activité explosive avait peut-être eu lieu, laissant un dépôt de cendres sur la couverture de glace et neige qui couvre l'édifice en permanence. Mais cela ne tenait pas: pour quelle raison ce dépôt se serait-il arrêté à mi-pente? J'ai alors pensé que cela pourrait être en lien avec la coulée de lave. Était-ce la coulée elle-même? Peu sûr car alors pourquoi, sans globalement changer de morphologie, serait-elle apparue sous la forme d'une tâche discrète qui s’assombrit ensuite?
En effet une coulée de lave :
1- serait apparue très sombre tout de suite sur le manteau neigeux
2- aurait vue sa forme évoluer (plus longue, plus large etc) avec le temps
J'avoue que là, j'étais à cours d'idée pour expliquer cette zone sombre: j'ai donc tenté ma chance vers des images en haute résolution, en espérant que l'une d'entre elles ait été prise par un jour sans (ou avec peu) de nuages.
Et je n'ai pas été déçu, en me tournant en particulier du côté des satellites du réseau SENTINEL.
Les deux images ci-dessous ont été composées par votre serviteur grâce aux données récoltées le 28 octobre, le même jour que l'image de gauche sur le triptyque ci-dessus.
La première inclue des longueurs d'onde visible, correspondant aux couleurs rouge, vert et bleu, qui permettent, en les combinant, de recréer presque toutes les couleurs visibles, d'où l'aspect "naturel" de l'image. L'autre par contre est "construite" à partir de longueurs d'onde invisibles, en particulier les infrarouges.
Sur l'image de gauche on note immédiatement qu'à partir du sommet, et à l'endroit de la tâche sombre de l'image MODIS, on a un dépôt. Sa morphologie est complexe, constituée de "bras", ou chenaux, enchevêtrés. Tous prennent naissance au sommet, où une longue tâche très sombre, et bien rectiligne là où la pente est forte, se ramifie lorsque la pente devient plus faible.
Sa teinte "sale" permet de supposer qu'il y a des particules rocheuses présentes.
On pourrait penser au premier abords qu'il s'agit d'un dépôt d'avalanche car la situation est propice: manteau de glace et neige, journée ensoleillée, plein printemps. Mais ses caractéristiques morphologiques (chenaux enchevêtrés, forte ramification sur la pente faible, largeur des chenaux faibles) indiquent qu'il s'agit plus vraisemblablement d'un dépôt laissé par une eau boueuse plutôt qu'une avalanche de neige. Sa source se trouve vers le sommet de l'édifice, peut-être à l'endroit (ou proche de) la zone où se trouve le signal thermique visible sur l'image de gauche. D'ailleurs, si vous regardez bien, il n'y a pas une mais deux sources distinctes pour ce signal thermique, les mêmes que celles repérées le 18 octobre.
Si l'on accepte l'idée selon laquelle ce dépôt a été formé par l'écoulement d'une eau boueuse, comment, dans le détail, s'est-il mis en place? Difficile à dire, mais il y a très probablement un lien avec l'activité éruptive.
Or si cette dernière ne s'était déroulée que dans le cratère sommital, il n'y aurait eu aucune raison pour que ce dépôt de boue ne se forme. Il n'y a, par exemple, pas d'équivalent au Villarrica, pourtant occupé quasiment en permanence par un lac de lave et un glacier.
J'en reviens donc à la possible présence d'une coulée de lave, soupçonnée dès le 18 octobre (voir post précédent), sur le haut versant ouest.
Elle pourrait expliquer que le manteau neigeux fonde progressivement en sa présence mais des études récentes (2014) sur ce contact entre couverture de neige/glace et coulée de lave ont montré qu'il est plus complexe que ce l'on pourrait croire. Généralement les coulées de lave ne font pas fondre assez de glace/neige pour produire des coulées de boue, car l'eau de fonte est produite, en réalité, à très faible débit (contrairement à ce que l'on pourrait imaginer) et s'évacue donc à peu près au rythme où elle est produite. Les auteurs précisent par contre que si cette eau de fonte trouve une endroit où s'accumuler, le volume d'eau qui peut être relâché augmente la probabilité de voir se former des coulées de boue.
La présence de ce dépôt, dont l'importance semble croitre entre le 28 octobre (il est presque invisible) et le 01 novembre (bien visible), pourrait donc s'expliquer en trois temps:
- la présence d'une petite coulée de lave vers le sommet, produite à faible débit, qui génère un peu d'eau via la fonte de glace et neige
- l'accumulation de cette eau de fonte dans une zone située sous le glacier, soit en raison de la topographie du terrain sous la glace, soit par la morphologie du glacier lui-même, sous lequel peuvent se créer des poches d'eau. En montagne se phénomène est connu et très étudié car il constitue un risque naturel important (voir le cas du glacier de la Tête Rousse par exemple).
- la rupture, en plusieurs fois, du "barrage" qui créé la poche d'eau sous le glacier, et le déversement du mélange eau + débris, qui forme le dépôt.
Ainsi, rien ne permet d'exclure que les débris qui se trouvent dans le dépôt et lui donnent son aspect "sale" soient en réalité des fragments de laves anciennes, arraché au substrat sous le glacier, et pas des morceaux de la coulée elle-même.
Mais là, l'idéal serait encore d'aller directement sur l'île:
- pour voir si, réellement une coulée de lave est présente. Car pour le moment on ne peut soupçonner qu'elle est là que de manière indirecte.
- pour étudier ce dépôt de près, afin de déterminer avec plus de précision le ou les mécanismes de sa mise en place et nature des particules rocheuses qui le compose (lave actuelle ou laves anciennes?).
Quoi qu'il en soit, la tâche sombre visible sur les images MODIS n'était pas liée à une activité explosive: le dépôt est, en cela, très clair. La réponse à la question posée en titre pourrait plutôt être :"les deux".
Sources: MIROVA; SENTINEL/Copernicus
En effet une coulée de lave :
1- serait apparue très sombre tout de suite sur le manteau neigeux
2- aurait vue sa forme évoluer (plus longue, plus large etc) avec le temps
J'avoue que là, j'étais à cours d'idée pour expliquer cette zone sombre: j'ai donc tenté ma chance vers des images en haute résolution, en espérant que l'une d'entre elles ait été prise par un jour sans (ou avec peu) de nuages.
Et je n'ai pas été déçu, en me tournant en particulier du côté des satellites du réseau SENTINEL.
Les deux images ci-dessous ont été composées par votre serviteur grâce aux données récoltées le 28 octobre, le même jour que l'image de gauche sur le triptyque ci-dessus.
La première inclue des longueurs d'onde visible, correspondant aux couleurs rouge, vert et bleu, qui permettent, en les combinant, de recréer presque toutes les couleurs visibles, d'où l'aspect "naturel" de l'image. L'autre par contre est "construite" à partir de longueurs d'onde invisibles, en particulier les infrarouges.
Deux compositions colorées produites par la combinaison de longueurs d'ondes ("bandes") différentes, captée le 28 octobre. Images: Culture Volcan; Données SENTINEL/Copernicus |
Sur l'image de gauche on note immédiatement qu'à partir du sommet, et à l'endroit de la tâche sombre de l'image MODIS, on a un dépôt. Sa morphologie est complexe, constituée de "bras", ou chenaux, enchevêtrés. Tous prennent naissance au sommet, où une longue tâche très sombre, et bien rectiligne là où la pente est forte, se ramifie lorsque la pente devient plus faible.
Sa teinte "sale" permet de supposer qu'il y a des particules rocheuses présentes.
On pourrait penser au premier abords qu'il s'agit d'un dépôt d'avalanche car la situation est propice: manteau de glace et neige, journée ensoleillée, plein printemps. Mais ses caractéristiques morphologiques (chenaux enchevêtrés, forte ramification sur la pente faible, largeur des chenaux faibles) indiquent qu'il s'agit plus vraisemblablement d'un dépôt laissé par une eau boueuse plutôt qu'une avalanche de neige. Sa source se trouve vers le sommet de l'édifice, peut-être à l'endroit (ou proche de) la zone où se trouve le signal thermique visible sur l'image de gauche. D'ailleurs, si vous regardez bien, il n'y a pas une mais deux sources distinctes pour ce signal thermique, les mêmes que celles repérées le 18 octobre.
Si l'on accepte l'idée selon laquelle ce dépôt a été formé par l'écoulement d'une eau boueuse, comment, dans le détail, s'est-il mis en place? Difficile à dire, mais il y a très probablement un lien avec l'activité éruptive.
Or si cette dernière ne s'était déroulée que dans le cratère sommital, il n'y aurait eu aucune raison pour que ce dépôt de boue ne se forme. Il n'y a, par exemple, pas d'équivalent au Villarrica, pourtant occupé quasiment en permanence par un lac de lave et un glacier.
J'en reviens donc à la possible présence d'une coulée de lave, soupçonnée dès le 18 octobre (voir post précédent), sur le haut versant ouest.
Elle pourrait expliquer que le manteau neigeux fonde progressivement en sa présence mais des études récentes (2014) sur ce contact entre couverture de neige/glace et coulée de lave ont montré qu'il est plus complexe que ce l'on pourrait croire. Généralement les coulées de lave ne font pas fondre assez de glace/neige pour produire des coulées de boue, car l'eau de fonte est produite, en réalité, à très faible débit (contrairement à ce que l'on pourrait imaginer) et s'évacue donc à peu près au rythme où elle est produite. Les auteurs précisent par contre que si cette eau de fonte trouve une endroit où s'accumuler, le volume d'eau qui peut être relâché augmente la probabilité de voir se former des coulées de boue.
La présence de ce dépôt, dont l'importance semble croitre entre le 28 octobre (il est presque invisible) et le 01 novembre (bien visible), pourrait donc s'expliquer en trois temps:
- la présence d'une petite coulée de lave vers le sommet, produite à faible débit, qui génère un peu d'eau via la fonte de glace et neige
- l'accumulation de cette eau de fonte dans une zone située sous le glacier, soit en raison de la topographie du terrain sous la glace, soit par la morphologie du glacier lui-même, sous lequel peuvent se créer des poches d'eau. En montagne se phénomène est connu et très étudié car il constitue un risque naturel important (voir le cas du glacier de la Tête Rousse par exemple).
- la rupture, en plusieurs fois, du "barrage" qui créé la poche d'eau sous le glacier, et le déversement du mélange eau + débris, qui forme le dépôt.
Ainsi, rien ne permet d'exclure que les débris qui se trouvent dans le dépôt et lui donnent son aspect "sale" soient en réalité des fragments de laves anciennes, arraché au substrat sous le glacier, et pas des morceaux de la coulée elle-même.
Mais là, l'idéal serait encore d'aller directement sur l'île:
- pour voir si, réellement une coulée de lave est présente. Car pour le moment on ne peut soupçonner qu'elle est là que de manière indirecte.
- pour étudier ce dépôt de près, afin de déterminer avec plus de précision le ou les mécanismes de sa mise en place et nature des particules rocheuses qui le compose (lave actuelle ou laves anciennes?).
Quoi qu'il en soit, la tâche sombre visible sur les images MODIS n'était pas liée à une activité explosive: le dépôt est, en cela, très clair. La réponse à la question posée en titre pourrait plutôt être :"les deux".
Sources: MIROVA; SENTINEL/Copernicus
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