Volcan Colima: les écoulements pyroclastiques font leur apparition (Màj)

C'est vraiment un spectacle magnifique, et très pédagogique dans l'enchainement des phénomènes que nous livre cette éruption. Dans le post précédent et sa mise à jour nous avons vu les premières étapes de cette crise, qui a vu se mettre en place un dôme de lave et son débordement dans la ravine sud-est, le faisant alors passer au statut de dôme-coulée.

Ce qu'il se passe actuellement n'est pas une surprise: la coulée, produite par le fluage du dôme dans la pente, est assez visqueuse, la pente en question est forte ce qui rend le front de ladite coulée très instable. Elle s’effrite en une avalanche continue de blocs au cours de sa progression, phénomène similaire à ce qu'il se passe lors des paroxysmes au Fuego, lors des phases effusives du Semeru, ou même au Klyuchevskoy...partout où de la lave coule sur une pente forte finalement.  La plus part des blocs ainsi détachés roulent sur plusieurs centaines de mètres, la coulée elle-même mesurant (estimation personnelle, à vérifier), environ 400 m actuellement: vous pourrez comparer sa longueur actuelle avec celle de la photo du post précédent pour voir sa progression en l'espace de moins de 24 h.

La coulée de lave visqueuse et ses avalanches de blocs, au soir du 30 septembre. Image: webcamsdemexico.com/Retuit

Mais ce n'est pas tout, car le magma actuellement émis est très riche en gaz: l'imposant panache qui s'échappe du dôme est suffisamment parlant à cet égard. La totalité de ces gaz magmatique ne s'échappe pas pendant l'éruption: une partie reste piégée dans la masse de lave que constitue le dôme-coulée, que le refroidissement rigidifie en surface par ailleurs, piégeant d'autant mieux ces gaz. 

Or lorsque les avalanches se produisent c'est tout un pan de la coulée qui se détache, coulée qui reste encore ductile à l'intérieur. Au moment de l'avalanche, il arrive alors que les gaz puissent s'échapper de la masse de lave qui s'émiette, se disperse en blocs qui se désagrègent sous l'échappement de ces gaz piégés. Ils forment alors des cendres qui, en se mélangeant à ces gaz brusquement libérés, forment de petits écoulements pyroclastiques.

Petit écoulement pyroclastique sur le versant sud, au soir du 30 septembre. Image: webcamsdemexico.com/Retuit

Deux couloirs sont principalement affectés: le sud (face webcam) et un autre en direction du sud-est (à droite). 

Puisque les gaz parviennent à s'échapper plutôt correctement du magma, dont la viscosité est faible, le risque d'une activité explosive puissante (plinienne etc) est limitée *. Par contre les conditions sont en place pour que cette activité d'avalanche-écoulements pyroclastiques atteigne un pic similaire à celui de l'an dernier: les écoulements pourraient alors descendre bas sur le stratocône. Heureusement il n'y a pas ou extrêmement peu d'habitations dans le secteur qui serait affecté. Les risques principaux seront plutôt liés à la mise en place de lahars à partir des dépôts de cette activité, et d'intenses chutes de cendres, avec l'éventualité que les vols soient perturbés.

La Protection Civile a modifié l'étendue de la zone interdite d'accès pour tous jusqu'à 10 km aux abords de la ravine Montegrande, qui peut être empruntée par puissants lahars  notamment. La rivière qui emprunte la ravine Montegrande passe, à environ 12 km du sommet par le village de Queseria même si, les lahars n'arrivent pour ainsi dire jamais jusque là: en effet le dépôt de lahars se fait au pied du massif lorsqu'il entre dans la plaine et que sa vitesse chute brusquement. Regardez cette comparaison d'images satellites prisent avant et après le paroxysme de 2015. La zone se localise au pied du stratovolcan, sur le débouché de la ravine Montegrande.

Extension de la zone de dépôts de lahars au pied du versant sud-est du Colima, au débouché de la ravine Montegrande. Images: Google Earth/Annotations: Culture Volcan

Vous noterez que la zone de dépôts a connu une extension latérale importante, et la ravine elle-même a été en partie comblée en amont par les dépôts. C'est même impressionnant lorsqu'on regarde dans le détail: à certains endroits la largeur du dépôt dans la ravine a doublé! D'innombrables arbres ont été emportés lors de la mise en place de ces lahars.

Évolution des dépôts de lahars dans la ravine Montegrande entre 201 4et 2016. Images: Google Earth/Annotations: Culture Volcan

*toujours possible mais avec une probabilité moindre que si le magma piège les gaz plus efficacement

Mise à jour, 02 octobre 2016, 07h30

L'activité reste très intense au Colima et largement dominée par l'extrusion qui produit le dôme-coulée. Le volume de ce dernier atteint maintenant les 1 200 000 m3 avec la partie "dôme" qui remplit totalement le cratère et déborde sur les versants Sud, où il forme la coulée, maintenant longue de 500m environ, et Est où il est possible qu'un autre lobe se forme prochainement. Le survol effectué  le 30 septembre par la Protection Civile de Jalisco a permis de voir de près cette activité. Un puissant dégazage se manifeste sur de nombreux endroits du dôme, formant un panache essentiellement gazeux haut de plus de 3000m, dont la composition n'est pas encore connue avec précision, mais si la présence de grandes quantités d'eau est incontestable vue la teinte du panache, certaines zones apparaissent sous une teinte marron délavée qui ne m'évoque pas tellement des cendres mais plutôt des gaz très concentrés en soufre. Nul doute que des analyses sont en cours et il nous faudra attendre des informations plus précises de ce côté là. Des émissions de cendres, type "ash venting" (des jets continues de gaz et cendres) s'y produisent aussi, plutôt que de véritables explosions (qui démarrent brutalement).

Ash venting (émission de cendres) sur le bord sud du cratère du Colima. Juste à gauche on devine la masse chaotique de la coulée, et juste à droite  la masse aplatie et chaotique du dôme. Image: auteur inconnu/Protection Civile de Jalisco - 30 septembre

Cette activité a, dès le 30 septembre, fait prendre aux autorités la décision d'évacuer préventivement trois villages très proches de l'édifice, La Yerbabuena  et La Becererra du côté de l'état de Colima, et Juan Barragàn du côté de l'état de Jalisco (la limite passe au sommet du stratovolcan). C'est la SEDENA (SEcretaria de DEfense NAcional) qui a mis à disposition des troupe et des véhicules pour favoriser ces évacuations. 
Le communiqué émis par le Gouvernorat de Colima indique qu'un total de 247 personnes ont été déplacées de La Yerbabuena et La Becerrera, réinstallées provisoirement à Comala, charmante petite ville proche de la ville de Colima, même si plusieurs d'entre elles ont opté pour aller plutôt s'installer chez des amis ou de la famille. Toutefois toute la population n'a pas acceptée d'être déplacées: une soixantaine de personnes sont restées à la Becerrera, et 3 à la Yerbabuena.

Les évacuations de la Yerbabuena et de La Becerrera au soir du 30septembre. Image: Gouvernorat de Colima

La situation reste donc tendue en raison de l'activité du volcan, toujours importante, mais elle semble pour le moment se trouver dans une zone de stabilité. La surveillance ne se relâche toutefois pas.

Source: webcamsdemexico.com/Retuit; Gouvernorat de Colima; Protection Civile