Le point sur l'activité du volcan Nyiragongo

Un nouveau rapport a été rédigé le 12 mars par l'Observatoire Volcanologique de Goma (OVG) et, par ailleurs, de nouvelles images de l'activité en cours ont été publiées: il me semble donc fort à propos de faire une synthèse de tout ça.

Concernant les données de l'OVG, plusieurs points intéressants ont été notés par les volcanologues, qui ont fait l’ascension pour deux jours d'observations les 10 et 11 mars.

Tout d'abord, l'activité éruptive sur le nouvel évent se poursuivait avec un dynamisme strombolien mixte (explosions + effusion). La partie explosive semble soutenue dans le sens ou le rapport d'écrit des phases de fontaines (jets de gaz et de bombes continus), mais  les projections de cette activité ne s'élèvent qu'à une dizaine de mètres de hauteur ce qui est modeste.

L'activité explosive modérée du nouvel évent. image: extrait du rapport de l'OVG

La partie effusion quand à elle semble plus importante. Les images faites le 11 mars montrent ainsi que le champ de lave s'est étendu autour du lac de lave principal. La lèvre de se dernier est en effet en légère surélévation par rapport au reste du plancher (appelé 3ème plate-forme dans le rapport) depuis la construction du spatter ring ("anneau d'éclaboussures") qui s'était édifié il y a quelques années. Le lac de lave, qui était contenu dans cet anneau, débordait parfois sur le plancher et un champ de lave s'est progressivement édifié, formant une surface plutôt lisse et en pente douce. Du coup:

- le point haut de cette pente est au bord du lac

- le point bas se trouve au pied de la petite falaise qui descend de la seconde plate-forme.

C'est donc dans ce creux que, progressivement, les coulées émises par le nouvel évent se sont accumulées. Deux bras principaux ont progressé, l'un contournant le lac par le nord, l'autre par le sud. Et au 11 mars les fronts de ces deux bras n'étaient plus très loin de se rejoindre. Il n'est pas impossible du reste que, depuis la publication de ce rapport (12 mars) cette jonction ait été faite.
Ce rapport précise en outre que c'est le 11 mars que, pour la première fois, les coulées du nouvel évent sont parvenues à entrer dans le lac de lave principal, ce qui donne une date minimum pour l'image présentée dans le post précédent.
Plus intéressant que les images, ce sont les paramètres mesurés qui sont essentiels. Deux sont à retenir à mon sens, qui donnent du grain à moudre quand à l'interprétation de cet événement qu'est l'ouverture impromptue de ce nouvel évent, question qui avait été soulevée dans les commentaires du post du 08 mars:
- il ne semble pas y avoir de déformation notable de l'édifice depuis l'ouverture de l'évent. Seule une mesure montre une extension de 17mm montre début février et début mars mais les mesures ne sont malheureusement pas assez complètes pour avoir une idée de la déformation générale de l'édifice avant l'ouverture du nouvel évent. En tout cas les extensomètres n'ont mesuré que de très légères variations depuis le début de la crise: le volcan ne semble dont pas subir de mouvements particuliers, donc pas de contraintes supplémentaires depuis que le nouvel évent est apparu.
- la température dans certaines des fissures ouvertes  à la surface du volcan ont connu une hausse à partir de mi-décembre 2015, culminant entre les 06 et15 février, puis diminuant par la suite. Depuis lors rien d'anormal n'a été mesuré.

Les volcanologues de l'OVG considèrent donc que l'activité est restreinte au sommet, sans propagation de magma latéralement, dans les fissures de l'édifice. Il s'agit en effet du scénario le plus craint à ce jour pour ce volcan, mais visiblement ce n'est pas lui qui est en train de se réaliser.

Au niveau des nouvelles images, je remercie Shérine France à nouveau, car elle a fait passer aujourd'hui un lien sur lequel un touriste à pu faire des images aériennes de l'activité. Bien que les images aient été publiées hier sur le compte facebook de l’intéressé je pense qu'elles ont été faites avant le 11 mars. En effet aucune des images ne montre de coulée cascadant dans le lac de lave, jonction qui a débuté le 11.

Les nouvelles coulées (en noirs) encerclent progressivement le lac de lave principal et recouvrent le plancher. Au moment de la prise de vue aucune coulée n'avait encore fait la jonction avec ce dernier. Image: Kazi Raihan

Cette activité accrue se voit aussi nettement sur certaines données spatiales. Sur les images du satellite LANDSAT 8 par exemple, qui intègrent le rayonnement thermique, l'anomalie produite par l'éruption du lac  plus les nouvelles coulées a vu sa surface multipliée entre les données acquise le 28 février (veille de l'ouverture du nouvel évent) et le 15 mars. 

Signal thermique détecté les 28 février et 15 mars 2016. La zone qui rayonne le 15 mars est plus étendue que celle du 28 février, conséquence de l'apparition des coulées de lave Images: LANDSAT 8

Sources: OVG; LANDSAT 8 Shérine France; Kazi Rahan