19 décembre 2015

L'éruption du volcan Nishino-Shima est-elle terminée ou juste devenue très faible?

Je ne sais pas si c'est bien le cas mai vous allez voir que la question se pose lorsqu'on regarde les différents indicateurs auxquels on peut avoir accès, à savoir les données satellites.  Et si elle n'est pas complètent arrêtée, on peut supposer qu'elle a perdu en vigueur, en particulier au niveau de l'effusion.

Données thermiques

C'est la première chose qui m'a frappée lorsque j'ai regardé les deux principales sources de données disponibles, le MODVOLC (HIGP; Université d'Hawaï) et le MIROVA (Universités de Turin et Florence) bien entendu.

Le MODVOLC de son côté n'a plus relevé de signaux thermiques depuis la mi-novembre (dernier signal perçu le 14 novembre) alors que la détection avait été plutôt régulière depuis le début de l'éruption, le 23 novembre 2015.
Le MIROVA n'a, lui aussi, jamais cessé de détecter des signaux thermiques, avec une fréquence élevée et une grande régularité depuis le début de la crise. Or il est clair que depuis le début du mois d'octobre la détection met en évidence une perte progressive du signal thermique, qui devient nettement plus faible et disparate aux alentours... de mi-novembre. On sait par ailleurs qu'une activité explosive était toujours en cours le 17 novembre, mais depuis, plus de nouvelles: si un arrêt de l'éruption a bien eu lieu on sait au moins que c'est après cette date.

Évolution de la détection du signal thermique au cours de l'année 2015. Image: MIROVA

Images satellites

Les données ci-dessus proviennent des satellites MODIS (AQUA et TERRA) et sont exploitées par les Université sus-citées. Mais MODIS n'est pas le seul satellite, loin s'en faut, à scruter la surface terrestre. LANDSAT 8 a aussi permis un suivi très interessant de l'évolution de l'île tout au long de cette éruption. Or il se trouve que la toute dernière image, acquise le 14 décembre, montre une île particulièrement calme. Seul une très faible signature thermique est (à peine) visible au pied du flanc nord du cône, là d'où a été émise la lave pendant plusieurs mois: le faible signal thermique pourrait donc n'être que résiduel, libéré par l'importante épaisseur de lave accumulée au pied du cône.
Or à chaque fois, sans coup férir, que LANDSAT 8 est passé au-dessus de l'île et acquis un image il y avait un signal thermique fort lié à au moins une coulée active ET (et c'est le plus important), un panache produit par le cône. Soit un panache de gaz, soit un panache de gaz et cendres, mais un panache.
Or sur cette dernière image du 14 décembre, rien: tout est calme et pour le constater, je vous invite à regarder la comparaison de l'image prise en novembre avec elle.
Chaque "image" est en fait une image double: la même scène est construite en couleurs naturelles à gauche, et en imagerie thermique à droite ce qui permet de voir les zones de haute température.*


Panache et fort signal thermique en novembre sur l'île: l'éruption est toujours en cours! Image: LANDSAT8/USGS/SED

Pas de panache ni de fort signal thermique sur l'île: l'éruption est-elle toujours en cours? Image: LANDSAT8/USGS/SED

Voyez qu'il n'est pas impossible d'envisager que l'éruption soit arrêtée. On ne peut évidemment pas être affirmatif: les différentes données que je présente ici sont d'abord un faisceau d'indices concordants, plus qu'une réalité et il faudra attendre le prochain survol des scientifiques pour avoir plus de précisions sur ce qu'il se passe vraiment.

Mais arrêt ou pas, l'éruption a de toutes façons vu son intensité baisser de manière très sensible depuis le mois d'octobre. Chaque passage du satellite LANDSAT 8  a montré des coulées de lave de moins en moins étendues, signe d'une baisse progressive de leur débit. Il n'est évidemment pas impossible que des explosions aient encore lieu sur l'île, mais si c'est le cas, il est probable qu'elles soient espacées dans le temps sinon, sur le plan statistique, combien de chance y aurait-il eu que LANDSAT 8 passe le 14 décembre dans un des rares moment de complète tranquillité? Un tranquillité comme il n'en avait encore jamais été vue depuis novembre 2013 sur les images satellites...
J'ai préparé le timelapse ci-dessous car il permet de bien voir le calme de la dernière image, qui tranche avec l'ambiance qui règne sur les images précédentes.Il permet en outre de bien visualiser les grandes  étapes de la construction de cette nouvelle île.



Il y a des chances que de nouvelles données soient disponibles sous peu, je vous en ferais évidemment part au moment opportun.

Sources: MODVOLC; MIROVA; LANDSAT 8/USGS/SED

* le satellite peut enregistrer simultanément plusieurs longueurs d'onde différentes. Pour recréer une scène on peut, soit manuellement soit automatiquement, sélectionner plusieurs longueurs d'onde et les mélanger, les associer, pour créer une image. Du coup pour chaque passage on peut créer simultanément plusieurs images de la scène, avec et sans infrarouges thermiques. On peut ainsi avoir différentes image d'un même instant.

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