Piton de la Fournaise, France, 2631 m
Et il semble que nous ne soyons pas au bout de nos surprises avec cette éruption. Alors que début octobre la tendance était plutôt à une légère diminution, il semble que plusieurs des indicateurs surveillés, tant géochimiques (mesures de SO2) que géophysiques (sismicité et plus spécifiquement le trémor) soient actuellement à nouveau en hausse! "Quasi totalité" car la déformation, elle, n'a rien montré de spécial ces derniers
temps: le dernier bulletin de l'OVPF explique tout çà en détails.
Et il semble que nous ne soyons pas au bout de nos surprises avec cette éruption. Alors que début octobre la tendance était plutôt à une légère diminution, il semble que plusieurs des indicateurs surveillés, tant géochimiques (mesures de SO2) que géophysiques (sismicité et plus spécifiquement le trémor) soient actuellement à nouveau en hausse! "Quasi totalité" car la déformation, elle, n'a rien montré de spécial ces derniers
temps: le dernier bulletin de l'OVPF explique tout çà en détails.
Le pic de SO2 en particulier est spectaculaire: de 205 tonnes/jour à plus de 1900 tonnes par jour, ce qui semble confirmer le fait que du magma neuf participe toujours à cette éruption.
Encore une fois il y a des chances pour que cette éruption soit un moment important dans l'histoire récente de cet édifice, de part le volume émis*, la durée de l'éruption, la source du magma, plus profond donc que les magmas des éruptions post-2007 précédentes. Mais aussi, comme je vous en ais parlé précédemment, de part les modalités de mise en place des coulées soit, pour faire court: le champ de coulée pahoehoe.
En parlant de lui justement: sa construction se poursuit à un très bon rythme, ce qui est évidemment cohérent avec le fait que l'activité soit toujours importante (bon débit). On peut constater qu'en plus des innombrables petits fronts de coulées pahoehoe qui s'accumulent en progressant vers l'aval, des percements de tunnels de lave plus importants en amont alimentent parfois de longues coulées, cette fois de type "aa" à ce qu'il semble, qui recouvrent les pahoehoe encore chaudes. C'est marrant de voir que la trajectoire de certaines de ces coulées est maintenant presque rectiligne du fait que les pahoehoe ont nivelé le terrain juste avant. Du coup au levé du jour hier matin l'ensemble donnait un spectacle vraiment superbe (c'était aussi très beau ce matin, mais les nuages gâchaient un peu...).
Les sources de ces coulées aa sont des tunnels, connectés en amont à la zone de l'éruption au niveau du cône actif. Ils s'ouvrent et laissent brusquement se déverser la lave qu'ils contiennent. Certaines de ces ouvertures se font à environ 1000m au sud du cône actif, dans lequel reste brassé un beau lac de lave. Au niveau de l'une des ces ouvertures s'est édifié un hornito** décrit dans le rapport de l'OVPF, mais qu'il est très difficile de voir sur les images de la webcam du Piton de Bert. Pourquoi de tels "éventrements" des tunnels? Très probablement parce que le débit de lave est variable: le magma monte (et de facto sort) par vagues successives et non pas de façon constante***. De fait lorsqu'un afflux de magma arrive, le tunnel s'engorge et les zones plus fragiles de son toit se rompent. Or, semble-t-il, la zone très fragile est le haut du champ de lave pahohoe. Sur l'image ci-dessus, elle se trouve à l'endroit où les coulées "aa" démarrent, à gauche de l'image.
Bref: cette éruption reste fantastique pour toutes les raisons déjà évoquées dans les 3-4 derniers post, et elle semble pouvoir encore ce maintenir quelques temps. Il ne reste plus qu'à attendre pour voir si cette possibilité se réalise.
Je termine en vous montrant cette belle image du satellite LANDSAT prise le 11 octobre. C'est une image qui, comme celle décrite pour le Mont Michael il y a quelques jours, intègre les données infrarouge thermique TIRS produite par le capteur dédié du satellite. Cela permet de voir l'étendue du champ de lave pahoehoe et la présence d'un front très avancé qui lèche littéralement la base de la falaise sous le Piton de Bert. Le point noir qui se trouve au centre du cône actif est simplement un pixel saturé par l'intensité du signal infrarouge: le lac de lave rayonne fort dans ces longueurs d'onde (ce qui explique que le drone dont j'ai parlé dans le post du 12 octobre ait souffert).
Cette image permet d'estimer la taille du champ de lave pahoehoe a environ 0,7-0,8 km² (un peu moins que ce que je pensais dans le post du 10 octobre donc). Nul doute qu'aujourd'hui il a dépassé le km². Il est interessant de noter aussi que le rayonnement thermique de la lave qui circule en tunnel entre le cône et le haut du champ de lave pahoehoe est trop faible pour être repéré par le capteur: une belle démonstration de la bonne isolation thermique que constitue le toit des tunnels, et qui explique que grâce à eux une lave peut couler sur de longues distance.
*Dans un article du journal Clicanoo en date du 13 octobre on peut lire une estimation du volume émis de l'ordre de 22 millions de m3 de lave. Je ne sais pas si cette estimation a été faite par le journal ou par les volcanologues puis transmise par le journal mais j'avais estimé de mon côté un peu plus de 20 millions de m3 au 25 septembre. Aujourd’hui ce volume doit être bien plus grand, vraisemblablement proche des 30 millions de m3 (un rapide calcul avec un débit moyen de 7m3/seconde donne 32 millions, le même calcul avec 6m3/seconde donne 27 millions).
** à ne pas confondre avec le Spatter Cone: ce dernier est un édifice construit au niveau d'un évent éruptif, c'est-à-dire l'endroit où le magma sort pour la première fois du sol, sans avoir eu le temps de dégaze auparavant. Un hornito, à contrario, est un objet géologique qui se construit sur une coulée de lave, généralement enfermée dans un tunnel donc sous un croûte solidifiée. Lorsqu'une variation de débit se produit, l'excès de lave fracture le toit du tunnel et la lave est expulsée. Une petite activité explosive se produit, fragmente une partie de cette lave. Les fragments sont propulsés à faible hauteur et retombent en s'accumulant: ainsi se forme le Hornito ("petit four")
*** j'ai eu l'occasion à de nombreuses reprises de décrire ce phénomène lors des éruptions de l'Etna par exemple
Source : OVPF/IPGP
Aso, Japon, 1592 m
L'activité sur le volcan Aso se maintient, similaire à celle décrite dans le post du 06 octobre. Le cratère Nakadake reste le siège de ce qui semble être une activité explosive faible à modérée qui se manifeste sur les images des webcams par l'émission de cendres. Peut-être s'agit-il plus vraisemblablement de cendres grossières, associées pourquoi pas à des lappilis*.
En effet lorsque les cendres sont fines, elles sont légères et sont donc plus facilement emportées loin de l'édifice. Notamment parce qu'elles sont maintenues par les gaz chauds émis par l'explosion qui les a produit, mais aussi parce qu'elles peuvent être très peu denses (si elles sont riches en bulles par exemple). Plus le mélange gaz+cendres est important (gros panache) plus il faut du temps pour que cette masse se refroidisse et se dilue dans l'atmosphère: les cendres ont alors le temps d'être emportées loin de l'édifice, à cause de leur légèreté, avant de retomber.
A l'inverse, des cendres plus grossières** sont moins faciles à transporter et retombent donc plus vite, plus près du volcan.
De fait on observe dans les dépôts d'une éruption explosive, quelle qu'elle soit, les grains les plus gros et les plus denses plus fréquents à proximité du volcan.
En parlant de lui justement: sa construction se poursuit à un très bon rythme, ce qui est évidemment cohérent avec le fait que l'activité soit toujours importante (bon débit). On peut constater qu'en plus des innombrables petits fronts de coulées pahoehoe qui s'accumulent en progressant vers l'aval, des percements de tunnels de lave plus importants en amont alimentent parfois de longues coulées, cette fois de type "aa" à ce qu'il semble, qui recouvrent les pahoehoe encore chaudes. C'est marrant de voir que la trajectoire de certaines de ces coulées est maintenant presque rectiligne du fait que les pahoehoe ont nivelé le terrain juste avant. Du coup au levé du jour hier matin l'ensemble donnait un spectacle vraiment superbe (c'était aussi très beau ce matin, mais les nuages gâchaient un peu...).
Le champ de lave, constitué à la fois de coulées aa et de pahoehoe: toujours superbe. Image: OVPF/IPGP |
Les sources de ces coulées aa sont des tunnels, connectés en amont à la zone de l'éruption au niveau du cône actif. Ils s'ouvrent et laissent brusquement se déverser la lave qu'ils contiennent. Certaines de ces ouvertures se font à environ 1000m au sud du cône actif, dans lequel reste brassé un beau lac de lave. Au niveau de l'une des ces ouvertures s'est édifié un hornito** décrit dans le rapport de l'OVPF, mais qu'il est très difficile de voir sur les images de la webcam du Piton de Bert. Pourquoi de tels "éventrements" des tunnels? Très probablement parce que le débit de lave est variable: le magma monte (et de facto sort) par vagues successives et non pas de façon constante***. De fait lorsqu'un afflux de magma arrive, le tunnel s'engorge et les zones plus fragiles de son toit se rompent. Or, semble-t-il, la zone très fragile est le haut du champ de lave pahohoe. Sur l'image ci-dessus, elle se trouve à l'endroit où les coulées "aa" démarrent, à gauche de l'image.
Bref: cette éruption reste fantastique pour toutes les raisons déjà évoquées dans les 3-4 derniers post, et elle semble pouvoir encore ce maintenir quelques temps. Il ne reste plus qu'à attendre pour voir si cette possibilité se réalise.
Je termine en vous montrant cette belle image du satellite LANDSAT prise le 11 octobre. C'est une image qui, comme celle décrite pour le Mont Michael il y a quelques jours, intègre les données infrarouge thermique TIRS produite par le capteur dédié du satellite. Cela permet de voir l'étendue du champ de lave pahoehoe et la présence d'un front très avancé qui lèche littéralement la base de la falaise sous le Piton de Bert. Le point noir qui se trouve au centre du cône actif est simplement un pixel saturé par l'intensité du signal infrarouge: le lac de lave rayonne fort dans ces longueurs d'onde (ce qui explique que le drone dont j'ai parlé dans le post du 12 octobre ait souffert).
Cette image permet d'estimer la taille du champ de lave pahoehoe a environ 0,7-0,8 km² (un peu moins que ce que je pensais dans le post du 10 octobre donc). Nul doute qu'aujourd'hui il a dépassé le km². Il est interessant de noter aussi que le rayonnement thermique de la lave qui circule en tunnel entre le cône et le haut du champ de lave pahoehoe est trop faible pour être repéré par le capteur: une belle démonstration de la bonne isolation thermique que constitue le toit des tunnels, et qui explique que grâce à eux une lave peut couler sur de longues distance.
*Dans un article du journal Clicanoo en date du 13 octobre on peut lire une estimation du volume émis de l'ordre de 22 millions de m3 de lave. Je ne sais pas si cette estimation a été faite par le journal ou par les volcanologues puis transmise par le journal mais j'avais estimé de mon côté un peu plus de 20 millions de m3 au 25 septembre. Aujourd’hui ce volume doit être bien plus grand, vraisemblablement proche des 30 millions de m3 (un rapide calcul avec un débit moyen de 7m3/seconde donne 32 millions, le même calcul avec 6m3/seconde donne 27 millions).
** à ne pas confondre avec le Spatter Cone: ce dernier est un édifice construit au niveau d'un évent éruptif, c'est-à-dire l'endroit où le magma sort pour la première fois du sol, sans avoir eu le temps de dégaze auparavant. Un hornito, à contrario, est un objet géologique qui se construit sur une coulée de lave, généralement enfermée dans un tunnel donc sous un croûte solidifiée. Lorsqu'une variation de débit se produit, l'excès de lave fracture le toit du tunnel et la lave est expulsée. Une petite activité explosive se produit, fragmente une partie de cette lave. Les fragments sont propulsés à faible hauteur et retombent en s'accumulant: ainsi se forme le Hornito ("petit four")
*** j'ai eu l'occasion à de nombreuses reprises de décrire ce phénomène lors des éruptions de l'Etna par exemple
Source : OVPF/IPGP
Aso, Japon, 1592 m
L'activité sur le volcan Aso se maintient, similaire à celle décrite dans le post du 06 octobre. Le cratère Nakadake reste le siège de ce qui semble être une activité explosive faible à modérée qui se manifeste sur les images des webcams par l'émission de cendres. Peut-être s'agit-il plus vraisemblablement de cendres grossières, associées pourquoi pas à des lappilis*.
En effet lorsque les cendres sont fines, elles sont légères et sont donc plus facilement emportées loin de l'édifice. Notamment parce qu'elles sont maintenues par les gaz chauds émis par l'explosion qui les a produit, mais aussi parce qu'elles peuvent être très peu denses (si elles sont riches en bulles par exemple). Plus le mélange gaz+cendres est important (gros panache) plus il faut du temps pour que cette masse se refroidisse et se dilue dans l'atmosphère: les cendres ont alors le temps d'être emportées loin de l'édifice, à cause de leur légèreté, avant de retomber.
A l'inverse, des cendres plus grossières** sont moins faciles à transporter et retombent donc plus vite, plus près du volcan.
De fait on observe dans les dépôts d'une éruption explosive, quelle qu'elle soit, les grains les plus gros et les plus denses plus fréquents à proximité du volcan.
Concrètement ce qu'on observe actuellement sur le volcan Aso, ce sont de petits panaches (quelques centaines de mètres de haut en général) qui se dispersent très vite. Parfois on peut apercevoir de joli rideaux de cendres, l'équivalent des rideaux de pluie, c'est-à-dire des concentrations de cendres retombant au sol depuis le panache.
Une exemple de rideau de cendres, hier. Image: Université de Kyoto |
Ce comportement des particules de lave produites par les explosions est cohérent avec le fait qu'elles ont une masse importante, soit parce que leur taille est importante, soit parce que leur densité l'est (ou les deux). Et d'ailleurs on peut remarquer assez régulièrement qu'il y a bien un tri dans le panache, les particules les plus lourdes retombant plus vite que les plus fines. Ces dernières forment une sorte de "brume" qui finit par se disperser ensuite. Exemple avec la séquence en quatre images d'une explosion, toujours hier.
Séquence d'images pour "découper" l'évolution des petits panaches de cendres du volcan Aso. Images: Université de Kyoto |
Je dois quand même préciser, c'est important, que la séquence d’événements ci-dessus (explosion / tri) ne se reproduit pas telle quelle à chaque explosion. L'évolution du panache dépend de l'intensité de l'explosion, de la force et la direction du vent etc. Mais la rapide dispersion des panaches et la présence des rideaux de cendres s'explique par la présence de particules plutôt grossières et/ou denses. Or celles-ci sont le signe d'une activité explosive peu intense, même si les explosions sont fréquentes. Leur présence signifie en effet que la fragmentation est assez peu performante.
C'est donc une activité faible mais continue, dont on peut toujours se poser la question du style (magmatique? Phréatophréatique?Phréatique? Hydrothermale?). La dernière solution est la moins probable selon moi: entre les explosions le panache de gaz est certes blanc mais pas très dense comme dans le cas d'une activité hydrothermale. Par ailleurs il n'y a pas ou très peu de vapeur d'eau qui se condense au moment des explosions or un système hydrothermale, comme son nom l'indique, est gorgé d'eau.
Donc là je vois plutôt bien le cas n°2 ou n°3 et ais plutôt tendance à ne pas trop croire l'idée n°1 car sur les images de nuit de la webcam du JMA, sensible au basses voire très basses lumières, il n'y a aucune lueur incandescente. C'est le signe de températures faibles au niveau du ou des évents qui produisent les panaches, peu compatible avec l'émission de lave neuve, à haute température.
Mais tout cela n'est que mon avis et ce qu'il faudra pour avoir le coeur net concernant le style de cette éruption, c'est un résultat d'analyse des cendres: on saurait alors si, oui ou non, elles sont faites de lave jeune ou pas, si l'eau joue un rôle dans cette activité et, si oui, lequel, etc.
Mais tout cela n'est que mon avis et ce qu'il faudra pour avoir le coeur net concernant le style de cette éruption, c'est un résultat d'analyse des cendres: on saurait alors si, oui ou non, elles sont faites de lave jeune ou pas, si l'eau joue un rôle dans cette activité et, si oui, lequel, etc.
* pour rappel: cendres: particules de lave inférieures à 2mm ; lappilis, particules de lave comprises entre 2 et 64 mm.
** plus petites mais proche des 2 mm donc
Source: Université de Kyoto
Ubinas, Pérou, 5672 m
Le volcan a de nouveau commencé d'émettre des cendres hier, et continue donc l'activité cyclique que j'avais décrite dans le post du 29 septembre dernier. Le dernier rapport, publié le 13 octobre par l'Institut Géophysique Péruvien, indique que le volcan montrait à nouveau des signes d'une mise en mouvement de magma. Les secousses de type LP et Hybride en particulier, liées à ces mouvements, et VolcanoTectonique (fracturation des roches due à une mise sous pression) ont connu une hausse au cours des jours précédents le rapport, c'est-à-dire la semaine passée. Il est donc logique de voir s'exprimer en surface, par une activité explosive, cette nouvelle mise en pression du système volcanique de l'Ubinas. Les émissions de cendres ont été modérées et, comme à l'accoutumée l'Institut de Géophysique a émis dans la foulée un bulletin d'alerte aux chutes de cendres potentielles. Le sud de l'édifice était concerné.
L'un des panaches de cendres d'hier observé via la webcam de l'OVI. Image: INGEMMET |
Bref: l'activité sur ce volcan reste plutôt modeste et discontinue, mais bien présente.
Sources: OVS/IGP; OVI/INGEMMET
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