21 octobre 2015

L'éruption du Nishino-Shima continue

Elle n'a pas montré de grand changements depuis le post précédent mais laisse, à ce qui semble, émerger de nouvelles craintes de potentiels tsunamis.

Les gardes-côtes Japonais ont réalisé récemment deux nouvelles campagnes de survol de l'île afin de faire le point sur son évolution, et une campagne maritime, la première depuis que l'éruption a débuté.


Entre temps, début octobre, je faisais part via twitter du changement de direction des coulées observé grâce aux données du satellite LANDSAT 8. Au lieu de progresser vers l'est et le sud, elle avaient
commencé, mi ou fin septembre, à couler en direction du nord-ouest (à comparer, si vous le voulez, avec les images du post du 21 septembre).



Les survols

Ils ont été effectués les 13 et 18 octobre et ont permis de constater que le cône principal reste le siège d'une activité explosive. On peut toutefois supposer qu'elle est montée d'un cran par rapport à août et septembre. En effet, le petit cône emboité dont je vous parlais dans le post précédent a maintenant disparu, et seul reste un cratère à nouveau béant.

Disparition du cône emboité du volcan Nishino Shima; octobre 2015
Disparition du petit cône emboité dans le cratère du cône principal entre fin septembre et mi octobre. Images: Gardes Côtes Japonais

Les modalités de cette disparition ne sont pas connues mais cela a pu être:
- rapide: quelques explosions un peu fortes détruisent le petit cône...
- ou progressif : l'activité explosive devient un peu plus importante et chaque explosion érode un peu le petit cône jusqu'à sa disparition complète

En tout cas il est clair que l'activité explosive, classée comme strombolienne, est encore bien présente et même relativement soutenue actuellement. Au moment des survols les observateurs ont pu constater une moyenne d'une explosion par tranche de 3 à 5 minutes. Les panaches formés était bien chargés en cendres et s'élevaient sur 150 à 200m de hauteur avant d'être dispersés par le vent.

Activité explosive du volcan Nishino Shima, 13 octobre 2015
Deux panaches successifs: au centre celui qui se forme, en haut à droite, le précédent en train de se disperser. Image: Garde-Côtes Japonais

L'autre modification, plus progressive encore, est liée à l'émission régulière de lave sous forme de coulées à partir de l'évent situé au pied du cône principal. L'activité à cet endroit avait édifié à partir de janvier de cette année, un joli petit spatter-cone, tout à fait caractéristique, qui a progressivement disparu sous un amas de coulées de lave devenu très épais.

Disparition d'un petit spatter cone sur le volcan Nishino Shima, octobre 2015
Disparition du spatter cone situé au pied du cône principal. Images: Gardes Côtes Japonais
Ces survols ont enfin permis de constater que les côtes n'ont subi aucune modification particulière depuis le précédent survol: aucune coulée n'est donc arrivée au niveau des côtes depuis début ou mi septembre.

La campagne océanographique

Elle a eu lieu entre fin juin et début juillet et avait pour objectifs de déterminer l'impact de l'éruption sur la topographie générale de l'édifice, y compris sa partie sous-marine. Les relevés effectués grâce à l'utilisation de sondeurs multifaisceaux (envoie d'une onde acoustique puis enregistrement de son écho) ont ainsi permis de constater que l'éruption a avant tout affecté la partie sous-marine située entre le sud et l'ouest du cône principal, en y ajoutant une plate-forme, invisible car sous l'eau.

Coupe du volcan Nishino-Shima, juillet 2015
Première coupe du volcan Nishino-Shima qui permet d'illustrer la quantité de lave ajoutée à l'ancienne île. A droite (à l'est ici) de la coupe on note la plate-forme sous-marine de lave ajoutée par l'éruption.

Les mesures de topographie et de bathymétrique qui ont été effectuées lors de cette mission ont permis d'estimer le volume de lave ajoutée à la partie émergée de l'île à 85 millions de m3, ce qui est déjà important. Mais la partie sous-marine n'est pas en reste: 74 millions de m3 de lave libérés par cette éruption y ont été ajoutées. Au total, ce sont donc 160 millions de m3 de lave qui ont été libérés depuis novembre 2013.
Ci-dessous un reportage (en japonais) de la mission, dans lequel on peut voir (à partir de la 30ème seconde) une belle modélisation 3D du volcan entier , donc sa partie sous-marine y compris.




C'est la construction de cet amas de lave sous-martin qui, à priori pose la question de potentiels tsunamis. C'est une question qui, déjà, avait été soulevée en 2014 si vous vous souvenez, en raisons de la forme particulière de la partie sous-marine de l'île (un plateau bordé de pentes très raides).
Or il se trouve qu'en plus des données acquises lors de la mission de juin-juillet, et qui fait état de la présence sous l'eau d'une masse de lave dont on peut supposer que la stabilité est précaire, les observations faites d'avion en octobre font état de fissures parallèles aux côtes de l'île. Malheureusement cet point du rapport est imprécis: il n'y a ni photos d'illustration, ni localisation des fissures. On peut toutefois raisonabblement penser que si elles existent effectivement, elles se situent entre la côtes est et la côte sud ou sud-ouest, endroit où les coulées sont arrivée au niveau des pentes raides de la partie sous-marine du volcan.

Bref: c'est une observation sérieuse car elle fait courir un risque non négligeable aux îles proches situées à l'est (Chishijima) qui sont habitées.

Au cours de cette mission les données sismiques enregistrées ont aussi permis de constater qu'à faible profondeur sous le cône actif, une zone où les ondes sismiques étaient fortement atténuées: cela est classiquement interprété comme la présence de magma. Il pourrait s'agir d'une petit chambre magmatique superficielle mais il faudra attendre que les données soient analysées plus en détail pour qu'une interprétation plus solide soit faite.

Affaire à suivre donc.

Sources: Merci à Shérine France d'avoir partagé le lien vers le rapport de la mission bathymétrique; JGC; Youtube.

2 commentaires:

  1. Merci pour ces mises à jour. Ce volcan est intriguant. Croyez-vous plausible, au regard du peu d'information disponible, qu'une activité explosive forte (style Krakatoa) y ait lieu dans un avenir relativement proche? Si oui, quel niveau de danger cela représenterait?

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    1. Bonjour Frédéric.
      "Intriguant", pas tant que ça: c'est une éruption tout à ait classique dans un environnement (plein océan) auquel on est peu habitué ce qui lui donne un a priori un peu plus exotique. Pour ce qui est d'une activité type Krakatau (1883 je suppose), clairement non je n'y crois pas. Encore une fois il s'agit d'une activité éruptive normale, tout à fait classique, qui ne laisse rien présager d'une activité éruptive plus forte,en tout cas pas aussi intense que pour l'éruption du Krakatau.

      La position des coulées, arrivées pour une part au bord d'une forte pente (invisible car sous l'eau) peut conduire à des effondrements d'une partie d'entre elles, accumulées sous l'aspect d'une plaste-forme en partie sous-marine..
      Si cela se produit il y aura mécaniquement des vagues relativement importantes (tsnuamis) et probablement une activité phréatique, ou phréatomagmatique, car il y a fort à parier que l'intérieur des coulées est encore à haute température. En cas d'effondrement l'intérieur des coulées sera mis en contact directe avec l'eau du pacifique. Cela pourra générer un peu de cendres, mais il s'agirait alors d'une activité explosive secondaire, absolument pas associée à un changement dans l'éruption elle-même.
      Même si ce scénario se réalise (on ne sais pas si cela sera le cas), les tsunamis n'auront absolument pas l'ampleur de ceux qui ont été décrit pour le Krakatau. On peut s'attendre à un phénomène de l'ampleur de Stromboli 2002 par exemple, du moins de cet ordre de grandeur ou un peu plus peut-être, cela dépendra du volume qui se décrochera d'un coup.

      Cet effondrement de plate-forme est le seul risque sérieux qui a une probabilité non négligeable de se produire à court terme. Une éruption de type Krakatau, avec effondrement de caldera a une probabilité quasi nulle à court-moyen et long terme (à très long terme on ne peut jamais rien exclure).

      Bonne journée à vous :-)

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