La décision a été prise aujourd'hui par le PVMBG (les volcanologues) d'élever à nouveau le niveau d'alerte à 4 en raison des risques estimés en hausse notable.
Revenons un peu en arrière:
- le volcan entre en éruption, explosive, en septembre 2013 et le niveau d'alerte est passé à 3
- en octobre 2013 l'activité diminue un peu et le niveau d'alerte est abaissé à 2
- en novembre 2013 le niveau d'alerte est réévalué à 3
- le 24 novembre, le niveau d'alerte passe à 4 après des explosions particulièrement importantes.
Ce niveau reste à 4 jusqu'en avril 2014, moment où il repasse à 3: à ce moment-là, les écoulements
pyroclastiques, qui ont débuté fin décembre 2013, se sont stabilisés et deviennent très peu fréquents et très peu importants. Depuis lors, malgré les décrochements plus ou moins importants du dômes et les écoulements pyroclastiques associés, ce niveau est resté à 3...jusqu'à aujourd'hui.
Question est: qu'est-ce qui a changé?
Depuis la précédente phase d'extrusion-effondrement, le 28 avril dernier, la lente extrusion de lave au sommet du Sinabung n'a pas cessé. Elle a, tout comme les précédentes fois, produit un lobe qui s'est allongé dans la pente mais qui, à l'inverse, est resté plus stable.
Croissance du nouveau dôme de lave photographié au cours du mois de mai. Images: Sadrah Peranginangin (30 avril) et Endro Lewa (15 et 27 mai) |
Il semble qu'il n'ait fait preuve d'une instabilité qu'à partir du 21 mai, date à partir de laquelle de petits décrochements, donnant soit des avalanches soit de courts écoulements pyroclastiques ont été observés.
Si l'on regarde le dernier rapport du PVMBG, qui notifie le changement d'alerte, on se rend compte que les paramètres géophysiques (sismicité et déformation en particulier) n'ont pas varié de manière significative depuis des mois. Le RSAM, une mesure des variations de l'amplitude du trémor, donc de son énergie, en particulier ne montre une assez grande stabilité dans le temps (il fait le yoyo mais autour d'une moyenne qui, elle, reste stable). Les données montrent aussi assez bien la cyclicité de la sismicité produite par les avalanches de blocs ("Guguran"), liées à l'instabilité chronique de l'extrusion. A chaque fois que le lobe grandit le nombre d’avalanches augmente, puis une chute rapide de leur nombre débute au moment d'une phase d'effondrement importante, qui fait disparaitre presque complètement l'extrusion.
Variations du nombre d'avalanches: on note le côté cyclique, qui correspond aux phase d'extrusion/effondrment du lobe. Image : PVMBG |
La quantité de SO2 émis elle aussi diminue progressivement mais les valeurs enregistrée la semaine dernière semblent particulièrement basses: cela peut peut-être s'expliquer par la présence du dôme lui-même, qui empêche le dégazage de la colonne de magma située dans la cheminée, plus que par une véritable baisse de la quantité de SO2 dans le magma.
Donc, si on fait le point: le niveau d'alerte augmente alors que l'éruption ne semble pas plus intense...Ceci peut paraitre à priori paradoxal mais si vous avez suivi mes posts concernant cette éruption, vous vous souviendrez peut-être qu'à plusieurs reprises j'ai tenté d'expliquer que le risque volcanique n'est pas forcément en lien direct avec l'intensité de l'éruption. Il est parfois simplement lié à la manière dont une éruption, même peu intense, peut générer des aléas (phénomènes) violents, donc des risques importants. Pour cela cette éruption reste d'ailleurs, pour moi, une véritable référence, très pédagogique.
En fait, et c'est là qu'est le paradoxe, c'est la plus grande stabilité de cette extrusion qui, finalement, pose un problème car, plus le dôme est stable, plus il devient volumineux. Or les volcanologues indonésiens estiment que le volume de l'extrusion actuelle, qui a fait son apparition dans les derniers jours d'avril, est 2 fois supérieur au volume de l'extrusion précédente (qui a existé de fin mars à fin avril) et atteint environ 3 millions de m3 (9 piscines olympiques). Et plus le volume de matériau extrudé est grand....plus le potentiel d'effondrements, et donc d'écoulements pyroclastiques, de très gros volume est grand aussi : c'est donc là qu'il faut chercher la motivation du changement d'alerte, et non pas dans une augmentation de l'activité éruptive elle-même.
Cette extrusion, qui occupe la partie haute de la ravine qui longe la première coulée de lave par le sud-est, est même devenue suffisamment importante pour passer par dessus et déborder sur le versant est-nord-est du volcan. Un secteur qui n'a pas été touché depuis des mois.
En conséquence les autorités ont commencé à évacuer plus de 1800 personnes de plusieurs villages (Jeraya, Mardinding, Sukanalu, Kutagugung, Lau Kawar) et interdit l'accès dans un rayon de 7 km, à partir du sommet, dans le quart sud-est du volcan, la zone la plus soumise au risque. Il est prévu que les routes situées dans ce secteur soient fermées afin d’empêcher les intrusion. Les autorités gardent évidemment en mémoire la tragédie du 01 février 2014.
Éruption pédagogique + pédagogue = Bravo !
RépondreSupprimerLudovic
Bonjour Ludovic, et merci du compliment :-)
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