27 mai 2015

Volcans Telica et Wolf : le point (mis à jour)

Telica, Nicaragua, 1061 m

Une nouvelle phase d'activité explosive s'est produite hier sur le Telica, peu après 12h00 (heure locale). L'émission de cendres s'est faite quelques bouffées successives dont la première fut la plus importante: le panache formé est monté à environ 4000 m d'altitude (un peu moins de 3000 m de
hauteur) d'après le VAAC de Washington. Un rapport du SINAPRED (organisme Nicaraguayen en charge de la gestion des risques) indique, de son côté, que ce sont pas moins de 55 signaux d’explosions qui ont été enregistrés entre 11h  et 14h43 mais seules 4 ont produit des cendres (probablement les bouffées ci-dessus citées car sur les webcam rien de particulier ne se passe en dehors de la phase d'émission de cendres).

Panache de cendres sur le volcan Telica, 26 mai 2015
Le panache de cendres vu par la webcam INETER installée à Léon. Image : INETER

Explosion sur le volcan Telica, 26 mai 2015
Le panache photographié depuis Léon: le champ plus large permet d'avoir une idée de sa taille. Image : La Prensa/Eddy López

Activité explosive sur le volcan Telica, 26 mai 2015
L'explosion et son panache vus par la webcam INETER installée sur le volcan, au sud-est du cratère actif. Image : INETER

Des chutes de cendres ont été décrites à une quinzaine de kilomètres au sud-ouest du volcan, dans les communes de Posolega et Quezalguaque.

Cela faisait une semaine que le volcan était resté calme, sans manifestations superficielles notables. mais il reste clair que le système volcanique de l'édifice n'est pas stable pour le moment. Or ce que l'on ne sais pas c'est la cause de cette instabilité:
- est-ce uniquement superficiel: un système hydrothermal perturbé qui se réorganise en libérant un excès de pression?
- ou la cause est-elle pplus profonde, liée à une mise en place de magma?

L'impression qui se dégage est la suivante, mais elle ne reste qu'une impression: les bulletins de l'INETER ne font pas particulièrement part d'une sismicité profonde, mais plutôt de secousses très superficielles (quelques centaines de mètres à 2-3 km) à proximité de l'édifice et en nombre restreint, et l'absence de magma neuf dans les dépôts de ces explosions: cela ressemble pour le moment plutôt à ce que l'on trouve dans le premier cas.

Nous verrons bien comment cela évolue.

Mise à jour 28 mai, 07h56

De nouvelles explosions ont été produites hier au sommet du Telica. L'INETER en a recensé 8 au total mais une seule fut vraiment importante, à 07h54. Elle a commencé progressivement, et non brutalement, par une émission diluée de cendres qui s'est rapidement accentuée pour former un panache dense. Elle a été suivie par la suite d'autres émissions plus petites, qui se poursuivent encore (l'une a eu lieu il y a moins de 2h).




Des chutes de cendres ont été recensées dans plusieurs secteurs habités, jusqu'à la côte, à presque 40 km de l'édifice (La Virgen, Linda Vista, Divino Niño, El Bosque, Posoltega,etc.), mais aucun problème particulier n'a été recensé. L'accès au cône actif est toujours interdit à moins de 1500 m de la lèvre.

Sources : INETER ; VAAC de Washington ; La Prensa

Wolf, Equateur, 1710m

L'éruption se poursuivait hier sur le volcan bouclier mais les détails la concernant sont extrêmement rares car personne n'accède à la zone de l'éruption. Le rideau de fontaines s'est tari probablement assez vite après le départ de l'éruption mais, hier soir, quelques fontaines éparses subsistaient sur la fissure, alimentant plusieurs coulées. Aucune n'est finalement parvenu à l'océan. L'activité semblait donc toujours relativement soutenue mais bien plus faible que dans ses premières heures.

Fontaines et coulées de lave ur le volcan Wolf, 26 mai 2015
Les fontaines et coulées de lave toujours actives hier, mais moins abondemment alimentées. Image : Xavier Garcia, via le Parc National des Galapagos
 
Cette baisse d'activité est visible sur les données récoltées par les satellites MODIS (AQUA et TERRA) sous la forme d'un signal thermique relativement réduit et concentré au niveau de la fissure éruptive et le hauts versant sud-est. La position de la fissure éruptive, proche de la lèvre de la caldera permet de ne pas exclure qu'une partie des coulées soit partie à l'intérieur de cette dernière dès le départ de l'éruption, mais soient restées invisibles car il semble que toutes les photos qui passent sur le net ont été faites depuis l'océan. Toutefois l'une des images prises hier par le MODIS semblent indiquer que la lave y coule encore. Il faudra, malgré tout, des images plus précises pour valider ou non cette supposition.


Signal thermique sur le volcan Wolf, 26 mai 2015
Position du signal thermique relevé hier par le satellite MODIS-AQUA, à cheval sur le rebord de la caldera. Image : MODIS/NASA

Mise à jour 28 mai, 06h39

Comme quoi il ne faut jamais dire jamais: malgré la baisse de régime qui a marqué le premier jour de l'éruption,une partie de la lave est finalement parvenue à entrer dans les eaux du Pacifique.

Les coulées de lave entrent dans l'océan Pacifique. Image : Jinsop Barzola, via le Parc Naturel des Galapagos

Il semble que cela se soit produit hier soir avec un front unique. La localisation précise de ce contact n'est pas facile à déterminer (les images sont de nuit), mais on peut supposer que cela se passe sur la côte est-sud-est, ou au sud-est. C'est du moins ce que permet de suggérer l'image prise hier par le MODIS, mais de futures images nous en apprendrons plus.

Le signal thermique lié à l'éruption hier, 27 mai. Il s'allonge en direction du sud-est. Image : MODIS/NASA
Il est possible que cela soit dû à un regain d'activité car hier encore le Parc des Galapagos relayait des observations de leurs techniciens qui estimaient que les fronts de coulées étaient à 3 km de la côte.

Sources: Parc national des Galapagos ; MODIS/NASA

3 commentaires:

  1. Bonjour!

    Je me demandais quel était le contexte géologique de l'archipel des Galapagos. Est-ce que l'archipel est né de la collision entre la plaque de Nazca et la plaque de Cocos? Ou alors c'est un point chaud un peu inhabituel?
    Je suis aussi intrigué par votre explication sur l'origine des laves du volcan Wolf. Pourriez vous nous expliquer un peu plus cette origine du magma?

    Autre question concernant l'Amérique du Sud. Peut-on relier une activité volcanique plus intense sur la cordillère des Andes à une subduction un peu plus importante? Le tout à des échelles géologiques bien sûr. C'est à dire, si on remarque que depuis 50 000 ou 100 000 ans il y a plus d'éruptions volcaniques, peut-on l'expliquer comme ça?

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  2. Bonsoir. Ca, ce n'est pas une mince question ! :-)

    Pour faire simple: c'est très complexe. La limite Nazca-Cocos (appelée Galápagos Spreading Center, GSC) est plutôt une limite de divergence des deux plaques, pas de convergence/collision. Mais, contrairement au modèle "standard" des zones de divergences, où les deux plaques s'éloignent gentiment l'une de l'autre dans deux directions tout à fait opposées, la plaque Coco part au nord-est tandis que la plaque Nazca part plein est...

    L'origine des Galapagos n'est pas très claire: l'archipel se trouve sur la plaque Nazca, mais à très faible distance du GSC. On soupçonne l'existence d'un point chaud mais pas similaire à celui qui donne naissance à l'archipel d'Hawaï. Pour ce dernier, le point chaud est d'origine profonde (mésosphère, = manteau inférieur, qui commence à 670 km de profondeur). Pour les Galapagos en revanche l’analyse des laves émises, la répartition des âges des îles mais aussi la manière même dont s'est constitué l'archipel, fait penser que la source du volcanisme est plus proche de la surface, dans le manteau supérieur. Par exemple, la "signature" ("composition" si vous voulez) des laves de l'archipel en certains éléments chimiques est très proche de celle que l'on trouve au niveau de la Ride Est-Pacifique (zone d'écartement des plaque Pacifique avec les plaques Coco, Nazca, Amérique du Nord, Antarctique et Rivera) dont la source est l'asthénosphère, donc le manteau supérieur: bref, il y a une vraie ressemblance au niveau composition entre les magmas du "point chaud" des Galapagos et une zone d'écartement des plaques qui est toute proche, comme si les magmas provenaient du même manteau, et pas d'un manteau plus profond, qui a une composition tout à fait différente.

    Plus particulièrement pour Wolf: sa position dans l'archipel fait de lui à la fois le volcan actif des Galapagos le plus proche de la limite Coco-Nazca, et le plus éloigné de la zone de plus forte production du "point-chaud" des Galapagos. Une hypothèse avancé à l'égard de son magmatisme est que cette position intermédiaire fait qu'il serait installé sur une lithosphère (croute océanique+ manteau "froid") plus épaisse ce qui rend la fusion du manteau situé sous cette lithosphère plus difficile, d'où moins de magmas, mais aussi une composition particulière.

    Enfin, pour l'amérique du sud, question intéressante mais là je n'ai pas d'infos précise : la période de 50000 - 100 000 ans me parait courte pour que des modifications de la subduction deviennent importantes et que ces changements se manifestent en surface par des variations significatives de l'activité sur des volcans identifiés, mais ce n'est qu'une impression.... Après tout dépend aussi de ce qu'on appèle "plus important": vitesse plus grande? Pente de la plaque plongeante ("slab") plus forte?
    Quantité de fluides dans la plaque plongeant plus importante? Tous ces paramètres peuvent modifier le volcanisme à terre mais savoir comment, alors là c'est une affaire vraiment complexe.

    J'espère que j'ai répondu avec assez de clareté à vos questions: il y a forcément un côté un peu technique mais là j'ai fais, je pense, presque au plus simple possible dans le temps (et la place en commentaire) qui m'étaient impartis.

    Bonne soirée :-)

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  3. Merci beaucoup pour les réponses (qui sont toujours très complètes, chose que j'apprécie énormément!). J'ai mes réponses, pour plus de détails je continuerais mes études en géol! ^^

    Bonne fin de week-end à vous! =)

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