Crise sismique au Piton de la Fournaise (mis à jour 06 février)

Un nouvel essaim de séismes à débuté ce matin à partir de 04h (heure locale) au Piton de la Fournaise. Le bulletin de l'Observatoire indique qu'il n'y a aucune déformation ni d'émission de gaz ce qui semble indiquer qu'aucune éruption n'a débuté. Les volcanologues de l'OVPF suggèrent aux autorités de

déclencher le niveau "Vigilance" du PSS* "Volcan".
Évidemment la situation sera suivie du plus près que possible car il est très probable que la vigilance soit décrétée aujourd'hui c'est à dire que les différents services concernés seront mis en alerte, et que certains accès au Cône Dolomieu soient interdits.

Le Dolomieu ce matin: rien de spécial pour le moment. Image: OVPF/IPGP

Cette crise ne signifie pas qu'une éruption va obligatoirement débuter , mais le potentiel pour que cela se produise a augmenté. Nous aurons l'occasion de voir ce qu'il en est dans les heures/jours qui arrivent

Merci à Ludovic Leduc pour l'information!


Mise à jour 08h46

Une activité éruptive a  débuté à 11h10 (heure locale, soit 1 minute après la publication du post ci-dessus, quel coquin) sur le flanc sud du Dolomieu et, évidemment, les nuages masquent la scène. Argl!

Quelques instants avant le départ de l'éruption le Préfet à signé le décret de passage en vigilance qui interdit tout accès au Dolomieu, à pied ou par Hélicoptère (sauf secours).

Pour l'instant aucun détail sur ce qui se passe puisque l'éruption est masquée. La précédente s'était déroulée en juin 2014 et n'avait duré que quelques heures.


Mise à jour 10h35

Le dernier bulletin de l'OVPF indique que d'après les données sismiques les volcanologues pensent que le site de l'éruption se situe ente les cratères Bory, Dolomieu et Rivals (triangle blanc sur l'image ci-dessous). Les images de la webcam de Bert confirment la localisation. Une coulée de lave, ou peut-être même plusieurs bras de coulées, descendent en effet en direction du sud-sud-ouest depuis un site situé non loin de la crête qui limite les cratères Bory et Dolomieu. Il semble que le front de la coulée le plus avancé soit déjà parvenu vers la base du Dolomieu, soit environ 1000m de parcourus, dans la zone du Cratère Rivals justement.

La coulée sur les images webcams et la localisation approximative de la source de l'éruption. Images Google Earth et OVPF/IPGP; Montage et annotations: Culture Volcan

Il est toujours incroyable de voir avec quelle précision le réseau de sismomètres de l'OVPF permet de localiser le site de l'éruption: la marge d'erreur est vraiment faible. Des volcanologues de l'observatoire sont en chemin pour reconnaissance de visu et, peut-être de l’échantillonnage si les conditions sont favorables.

Mise à jour 16h59

Les images délivrées par les webcams deviennent enfin intéressantes avec la couche nuageuses qui s'est dissipée, et une activité idéalement positionnée pour la webcam du Piton de Bert (au sud du Dolomieu). On y voit un champ de lave, association de plusieurs bras de coulées dont le front du plus important est actuellement à une distance d'environ 2km de sa source. A la base du Dolomieu on peut voir que la lave s'est largement étalée en un éventail large de quelques centaines de mètres, dans lequel plusieurs fronts de coulés avancent en simultané. Le débit a l'air important. L'éruption est aussi visible sur les images de la webcam du Piton Basaltes, située à l'ouest du Dolomieu.

Les bras de coulée qui descendent sur le flanc sud du Dolomieu. Image: OVPF/IPGP

L'éruption visible depuis le Piton Basaltes à l'ouest du Dolomieu. Image: OVPF/IPGP

A noter aussi que, côté satellites, le signal thermique de l'éruption  a pu commencé d'être détecté par le service HOTVOLC de l'Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand, depuis que la couverture nuageuse laisse partir de rayonnement infrarouge vers l'espace.

La tâche rouge est le signa thermique produit par l'éruption en ours. Image: HOTVOLC/OPGC-LMV

En tout cas le site de l'observatoire (OVPF) semble connaitre une forte affluence: impossible pour l'heure de s'y connecter.


Mise à jour 17h57

Les images faites par les volcanologues commencent à circuler.

Eruption 2 par Reunion1ere

Il semble qu'une fissure éruptive avec 7 bouches actives ait été décrite au moment de la visite ce matin. Impossible de dire comment cette situation a évolué entre temps. Il n'est en effet pas rare que dans les heures qui suivent le départ d'une éruption, l'activité se concentre sur un nombre plus restreint de bouches éruptives.


Mise à jour 05 février (09h16)

Le dernier bulletin de l'OVPF confirme la localisation et la trajectoire de la coulée et donne des précisions. En particulier il indique que la fissure éruptive qui s'est ouverte faisait environ 500 m de long et que, rapidement, l'activité s'est concentrée sur sa partie basse (avale) vers 2500m d'altitude. Important: le trémor a baissé tout au long de la journée mais l'activité à passé la nuit et se poursuit actuellement.

Vue aérienne du Piton de la Fournaise en éruption par Reunion1ere

Mise à jour 06 février

L'activité sur le Piton décline tranquillement depuis le jour même de son entrée en éruption. La lave continue actuellement de couler depuis la fissure ouverte sur le flanc sud du Dolomieu et des projections avaient toujours lieu sur au moins un évent. Le trémor est décrit comme très faible.

Photos de la Fournaise prises hier soir par @LionelGhighi ! #LaReunion #gotoreunion #volcan @VanillaIslands2 pic.twitter.com/OQM7CT1uDp
— Réunion Tourisme (@ReunionTourisme) 6 Février 2015

La coulée est bien moins alimentée. Sur les images de nuit, on ne voit plus d'incandescence forte au pied du Dolomieu donc:

- soit les coulées progressent dans des tunnels

- soit le débit est très faible et les coulées s'accumulent un peu plus bas sur le cône, en parcourant que de très faibles distances. Les tunnels sont fréquents sur les éruptions à lave fluide comme celles que produisent le Piton ou le Kilauea. 

- soi un peu des deux.

On peut noter sur l’enchainement d'images ci-dessous, prisent les 4,5 et 6 février, que la coulée a légèrement changé de direction aujourd'hui. Cela s'est produit ce matin peu avant le levé du jour.

Évolution de la coulée depuis le 04 février. On voit nettement la baisse de débit. Images: OVPF/IPGP

Ludovic Leduc, Médiateur de Science à la Cité du Volcan, lecteur et commentateur de ce blog, a pu, avec plusieurs de ses collègues, suivre les événements et accéder à des échantillons de l'éruption. Je vous transmet ici, avec son autorisation, une partie du compte-rendu, détaillé, qu'il m'a fait. Je lui laisse le clavier.

"Quelques données récapitulatives de l’éruption issues notamment de l’observatoire, dans l’ordre chronologique :

1/. Depuis dimanche 01 février, enregistrement d’un dégazage marqué en SO2.

2/. Le 04 février, entre 4h et 9h, enregistrement de 180 séismes dont 5 de magnitude supérieure à 2 (moyenne d’un séisme toutes les deux minutes).

3/. A partir de 9h10, le rythme des séismes s’enchaîne avec une moyenne de 6 séismes à la minute jusqu’au trémor, à tel point qu’en fin de crise ils étaient tellement rapprochés qu’ils ne pouvaient plus les compter ! De plus, à certains moments, ils ont aussi remarqués quelques pauses dans la sismicité, pauses d’une dizaine de minutes qui pourraient selon l’observatoire correspondre à des « haltes » dans la remontée du magma à travers l’édifice, ce qui lui permettait de libérer une partie de sa pression, probablement dans des zones fracturées.

4/. Le trémor démarre à 10h50 et conduit à l’éruption vers 11h.

Pendant toute la crise, j’étais en visite guidée avec des enfants dans le musée. C’était un moment exceptionnel de commenter les faits et gestes du volcan en direct…pour eux, c’est sûr, ils savent maintenant ce qu’est une crise sismique et un trémor ! Super moment, remplit d’excitation !!! Par contre au moment où une collègue nous annonce le début de l’éruption, dur dur de garder son calme…

5/. Le trémor a rapidement diminué pour ensuite se stabiliser autour de 17h30.

6/. Le trémor a repris son déclin dans la nuit du 04 au 05 jusqu’à un niveau faible ce matin. Cela correspond bien à une baisse parallèle de l’activité avec un seul évent qui reste actif (fontaines d’une dizaine de mètres de haut) et un petit filet de lave.


Hier matin, on a regardé des morceaux de gratons à la bino** : c’est du vieux ! On y trouve pas mal de plagios*** et quelques olivines. Donc on est visiblement dans quelque chose d’assez similaire à ce qu’il se passe depuis 2007, avec une petite poche magmatique déstabilisée, probablement par la recharge magmatique (par du magma primitif ou des gaz, à voir). La poche fait éruption jusqu’à son épuisement quelques temps plus tard. En comparaison, les gratons du 21 juin 2014 sont bien plus cristallisés. Je me risque alors à un lien rapide :

· 2014 : éruption de faible volume donc petite poche magmatique donc refroidissement important donc cristallisation importante.

· 2015 : éruption d’un volume un peu plus important (c’est indéniable) donc plus grosse poche magmatique donc refroidissement moins important donc cristallisation moins importante.

Ça va d’ailleurs dans le sens de Nicolas Villeneuve, directeur de l’OVPF, qui pense que cette poche a été activée par les gaz profond en provenance de la recharge magmatique enregistrée depuis la fin de l’année 2014, avec la possibilité d’une « influence du système hydrothermal ». Il évoque aussi les pluies importantes en janvier qui aurait pu mettre sous pression la partie haute de l’édifice…

Affaire à suivre ! En tous les cas, je suis persuadé que les éruptions depuis 2007 et la vidange (partielle ?) du réservoir, vont permettent de mieux comprendre la géométrie, la disposition et le fonctionnement de la plomberie superficiel de la Fournaise."

Je remercie chaleureusement Ludovic d'avoir accepter cette publication. Je joins un photo qu'il a pu faire depuis le bord de l'Enclos.

Une coulée au claire de lune. Image: Ludovic Leduc Maëlle Mesny

 * Plan de Secours Spécialisé (ORSEC)

** Binoculaire: une loupe à deux oculaires utilisée pour faire les premières observations d'échantillons.
*** plagioclases: cristaux de la famille des feldspaths, caractérisé par la présence de Sodium (Na) et Calcium (Ca) dans sa structure.

Sources: Ludovic Leduc ; OVPF/IPGP; OPGC-LMV; Réunion 1ère; Le Quotidien de La Réunion et de l’océan indien.