C'est ce que l'on peut supposer depuis quelques heures car visiblement de nombreux vols en provenance de Nouvelle-Zélande et des Fiji ont été annulés en raison de la présence de cendres dans l’atmosphère. Des cendres dont la présence a été établie hier par le VAAC de Wellington a une altitude d'environ 10 000 m!
VAA Wellington: Hunga Haapi #volcano eruption in #Tonga prompts flight diversion advisory. pic.twitter.com/mxEBzVBgEi
— Steve Herman (@W7VOA) 12 Janvier 2015
On peut le supposer, mais faut-il en être convaincu?
Mon problème avec ça c'est qu'il devrait y en avoir des traces de ces cendres, or ce n'est pas le cas et plus aucune d'entre elles n'a été observée depuis ce rapport publié hier. La dernière trace visuelle de cette
éruption sur les satellites remonte au 11 janvier: un discrète zone bleutée au milieu des nuages, mis d'autres point indiquent que l'éruption se poursuit encore aujourd'hui.
Mon problème avec ça c'est qu'il devrait y en avoir des traces de ces cendres, or ce n'est pas le cas et plus aucune d'entre elles n'a été observée depuis ce rapport publié hier. La dernière trace visuelle de cette
éruption sur les satellites remonte au 11 janvier: un discrète zone bleutée au milieu des nuages, mis d'autres point indiquent que l'éruption se poursuit encore aujourd'hui.
L'éruption était toujours en cours le 11 janvier. Image: MODIS/NASA |
Reprenons: si l'activité commence à produire des cendres c'est qu'elle n'est plus seulement sous-marine, mais qu'elle devient aérienne. Sous une importante épaisseur d'eau l'éruption est étouffée, les cendres et des ponces peuvent parvenir à la surface de part leur flottabilité, et les gaz colorent l'eau mais c'est à peu près tout ce que l'on peut voir, comme nous l'a parfaitement illustré l'éruption d'El Hierro (Canaries) en 2011-2012.
Mais proche de la surface le contact eau-magma se déroule de manière plus violente: c'est l'activité surtseyenne dont j'ai eu l'occasion de parler de temps en temps sur ce blog. C'est là que sont produites les cendres qui, éventuellement, peuvent monter dans l’atmosphère...et encore ce n'est pas gagné. Car les cendres émises sont mouillées: ce sont en fait des gerbes de boue qui sont projetées.
Difficile pour les cendres dans ces conditions de s'élever à 10 000 m d'altitude. Si un tel panache a existé, il était presque obligatoirement constitué de cendres sèches.
Difficile pour les cendres dans ces conditions de s'élever à 10 000 m d'altitude. Si un tel panache a existé, il était presque obligatoirement constitué de cendres sèches.
Mais alors comment expliquer concrètement qu'il n'y ait eu qu'un panache de cendres à 10 km d'altitude puis plus rien? L'activité sous-marine ne devient pas surtseyenne brusquement comme une violente éruption explosive: booom et un immense panache de cendres. Non: le passage est progressif, prend des heures. La surface de l'eau est d'abord agitée de bulles de boue qui deviennent de plus en plus importantes. Puis progressivement les explosions projettent cette boue au-dessus de l'eau, de plus en plus haut. La majorité des cendres est alourdie par l'eau, très peu s'élève dans le ciel: c'est le moment où le contact eau-magma produit son meilleur rendement et devient la plus explosive. Si l'activité se poursuit et que le cône continue de grandir l'alimentation en eau est coupée et l'éruption devient purement magmatique avec au menu, au choix:
-Explosions et panaches de cendres, écoulements pyroclastiques, dôme de lave si le magma est visqueux.
- Coulées de lave, bombes incandescentes, fontaines de lave si le magma est fluide.
Mais il n'y a à priori aucune raison pour qu'un panache haut de 10 000 m se soit élevé...puis plus rien. A moins qu'il n'y ait eu un effondrement sous-marin sur le cône en construction qui aurait mis en contact l'eau avec une vaste zone à très haute température.... mais là c'est de la spéculation.
La situation n'est donc pas claire du tout. D'après le journal stuff.co un observateur a vu de ses yeux un panache de cendres s'élever au large, au niveau du volcan, mais la photo qui accompagne le commentaire ne montre rien d'autre que des nuages et, peut-être caché au milieu, le panache de vapeur, qui ne ressemble à rien d'autre qu'à un nuage...La photo est par ailleurs non datée, ce qui reste un problème quand on veut comprendre ce qu'il se passe. Par contre un résident de Tongatapu (peut-être le même) constate que la base du panache est maintenant plus vaste que fin décembre ce qui va plutôt bien dans le sens à priori d'une augmentation de l'activité.
La photo accompagnant l'article de stuff.co: cherchez le panache. Image: Shane Egan |
Les gens sur l'île de Tongatapu (60 km du volcan) indiquent voir distinctement le panache s'élever dans le ciel: contient-il vraiment des cendres? Aucune photo de chutes de cendres ne transite sur les réseaux sociaux alors que l'île de Tongatapu s'est retrouvée sous le potentiel panache d'hier. Avec un panache de 10000m, les chances d'avoir des chutes de cendres ne sont pourtant pas négligeables....mais ce n'est pas une obligation non plus.
Des pilotes ont déclaré avoir observé un "panache sombre" au-dessus de la zone: les nuages peuvent parfois prendre cet aspect lorsqu'ils sont très chargés en eau (ils deviennent opaques). Or au-dessus d'une éruption sous-marine, reconnue pour produire une importante quantité de "vapeur" d'eau (voir les images satellites prisent en début d'éruption), la colonne qui s'élève peut être particulièrement impressionnante si les conditions atmosphériques sont favorables. Il est ainsi arrivé à de nombreuses reprises que des pilotes de lignes déclarent avoir vu des panaches de cendres (certains donnant lieu à des bulletins par des VAAC) là où il n'y en avait pas. Y avait-il réèllement des cendres dans ce qui a été observé par les pilotes?
Ce qui semble clair par contre c'est que l'éruption se poursuit. Sur l'île de Tongatapu des témoignages confirment que des ponces arrivent sur les plage. A certains endroits l'eau à proximité des côtes est devenue rouge.
A propos de ce point précis il convient d'être prudent: pour le moment personne ne sait à quoi est dû cette teinte particulière. Sur le tweet ci-dessous, on peut voir que ce n'est pas toute la surface de l'océan qui est rouge, mais simplement une frange de quelques mètres au bord de la côte.
Driving along Hala Vuna. Saw all these people taking pics of the sea. Stopped by to join the hype! #AlgaeBloom #TONGA pic.twitter.com/JRkm8W8Sq7
— 'AnaPanuve (@AnaTupouP) 13 Janvier 2015
Deux possibilité au moins peuvent expliquer la teinte rouge:
1- c'est effectivement l'éruption qui en est directement à l'origine: les gaz émis se dissolvent dans l'eau et, par réaction chimique la teinte peut devenir rouge. Un cas impressionnant est celui du lac Voui, l'un des deux lacs qui occupent le sommet du volcan Aoba, aux Vanuatu. En 2006 une éruption surtseyenne s'y déroule: la fin de l'éruption est marquée par le virement de la couleur du lac du bleu au rouge. La différence, fondamentale, entre les deux situations? Le lac Voui est fermé et de petite taille: les éléments chimiques libéré s'accumulent jusqu'à produire de nouvelles réactions chimiques (changement des conditions d'oxydo-réduction pour celles et ceux à qui ça parle) à l'origine de la teinte rouge. L'éruption du Hunga Tonga-Hunga Ha'apai se déroule dans l'océan Pacifique, un milieu ouvert donc qui dilue les éléments chimiques et empêches certains réactions de se produire.
Le lac Voui en mai et juin 2006. Images: Esline Garaebiti en haut, Philippe Métois en bas, via GVP |
Bloom d'algues rouge sur une côte Chinoise en 2012. Image: blog Regard sur la pêche et l'Aquaculture |
A noter que dans tous les articles qui font état de cette teinte spectaculaire on peut lire que:" l'océan a viré au rouge"... vision tellement extraordinaire qu’aucune photo de l'événement ne circule.
Autre indication que l'éruption se poursuit: des pilotes ont senti une forte odeur de soufre dans leur cockpit à 5000 m d'altitude en passant non loin du site de l'éruption aujourd'hui: seule une éruption en cours peut délivrer la quantité de soufre necessaire à ce type de constat.
Bilan: peut-on formellement contester la présence d'un tel panache de cendres, signe d'une intense activité explosive? Non. Par voie de conséquence on ne peut pas non plus formellement réfuter le fait que l'éruption soit devenue surtseyenne. En tout cas je n'ai rien trouvé qui prouve que ce n'ezt pas le cas...
Mais peut-on en douter? Personnellement vous aurez compris que j’émets ce doute, surtout par manque d'informations claires en réalité, ou du moins parce qu'aucune des informations que j'ai trouvée ne m'a convaincu. Le bulletin du VAAC, s'il n'est pas recoupé, ne peut que permettre d'émettre l'hypothèse que des cendres ont bien été émises: il n'est pas la preuve formelle que les cendres existent. Dès que des données plus concrètes arriveront (images dates des cendres en question par exemple) alors je me laisserais convaincre sans la moindre hésitation. Après tout la Science, et l'information en Sciences, ne consiste pas à rester sur une position claire et définitive, vent debout quoi qu'il arrive. C'est avant tout de savoir pourquoi on tient cette position en ne perdant jamais de vue qu'il faut se garder la possibilité de se laisser convaincre.
Mais, quoi qu'il en soit, des vols reliant les Tonga, les Fidji et la Nouvelle-Zélande ont été annulés ou ont changé leur cap à cause de ça: et ça, que le panache ait existé ou non, c'est une réaction juste et de bon sens, l'application du principe de précaution, tout simplement.
Mise à jour 14 janvier
Et bien moi qui voulait du concret je suis aujourd'hui servi :-) Des images prisent le 06 janvier (ça ne date donc pas d'hier) ont été publiées aujourd'hui même dans le journal Matantgi Tonga. L'activité surseyenne était déjà à cette date très active ce qui indique que l'éruption avait atteint la surface depuis déjà plusieurs jours.
L'article indique aussi que l'éruption se déroulerait sur un évent situé à 3 km au sud e l'île d'Hunga Tonga et 3.2 km au sud-ouest de Hunga Ha'apai. Il s'agit probablement d'une erreur et il faut peut-être lire "3.2 km au sud-est". Cela tombe alors pile sur un groupe d’ilots affleurants qui correspondent en fait au sommet d'un autre cône sous-marin placé à proximité du bord de la caldera.
En regardant attentivement les images toutefois j'ai un énorme doute quand à la position donnée dans l'article. Certaines images en particulier ne sont pas cohérente avec cette localisation mais avec un site plus interne à la caldera, grosso modo là où j'ai mis le cercle rouge sur l'image Google Earth (il me semble). L'idéal pour préciser cette position aurait été d'avoir une image prise du sud (ou une image satellite dégagée et en assez bonne résolution).
D'autres images là.
Je précise toutefois que je n'arrive toujours pas à comprendre ce qui aurait pu donner un, et un seul, panache détecté à 10 000 m d'altitude. Ce point précis reste mystérieux pour moi.
* qui absorbent du coup plus de CO2 par la photosynthèse...je sais pas si ce phénomène a été estimé et intégré dans les modèles d'évolution du taux de CO2 atmosphérique.
Sources: VAAC de Wellington; MODIS/NASA; Stuff.co; The Guardian; Regard sur la pêche et l'Aquaculture; Global Volcanism Program; Tonga Navy; Merci @SherineFrance; Matangi Tonga
Mise à jour 14 janvier
Et bien moi qui voulait du concret je suis aujourd'hui servi :-) Des images prisent le 06 janvier (ça ne date donc pas d'hier) ont été publiées aujourd'hui même dans le journal Matantgi Tonga. L'activité surseyenne était déjà à cette date très active ce qui indique que l'éruption avait atteint la surface depuis déjà plusieurs jours.
Panache surtseyen du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai, le 06 janvier. Image: Tonga Navy |
L'article indique aussi que l'éruption se déroulerait sur un évent situé à 3 km au sud e l'île d'Hunga Tonga et 3.2 km au sud-ouest de Hunga Ha'apai. Il s'agit probablement d'une erreur et il faut peut-être lire "3.2 km au sud-est". Cela tombe alors pile sur un groupe d’ilots affleurants qui correspondent en fait au sommet d'un autre cône sous-marin placé à proximité du bord de la caldera.
Groupe d'îlots à proximité du bord de la caldera sous-marine. Image: Google Eart/Annotations Culture Volcan |
En regardant attentivement les images toutefois j'ai un énorme doute quand à la position donnée dans l'article. Certaines images en particulier ne sont pas cohérente avec cette localisation mais avec un site plus interne à la caldera, grosso modo là où j'ai mis le cercle rouge sur l'image Google Earth (il me semble). L'idéal pour préciser cette position aurait été d'avoir une image prise du sud (ou une image satellite dégagée et en assez bonne résolution).
D'autres images là.
Je précise toutefois que je n'arrive toujours pas à comprendre ce qui aurait pu donner un, et un seul, panache détecté à 10 000 m d'altitude. Ce point précis reste mystérieux pour moi.
* qui absorbent du coup plus de CO2 par la photosynthèse...je sais pas si ce phénomène a été estimé et intégré dans les modèles d'évolution du taux de CO2 atmosphérique.
Sources: VAAC de Wellington; MODIS/NASA; Stuff.co; The Guardian; Regard sur la pêche et l'Aquaculture; Global Volcanism Program; Tonga Navy; Merci @SherineFrance; Matangi Tonga
Bjour tous
RépondreSupprimerJe suis sceptique pour les 10 000m d'altitude du panache, ne serai-ce pas plutôt une mesure en pied??
A+
non non: 30 000 pieds (un peu plus de 9000 m en réalité) :-)
Supprimermerci pour la precision
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