6 janvier 2015

Eruption du volcan Soputan

Après la hausse du niveau d'alerte décrétée fin décembre 2014, les volcanologues étaient sur le qui-vive quand à la situation du Soputan, le volcan le plus actif de Sulawesi avec le Lokon-Empung, situé juste au nord.
Le VAAC de Darwin fait savoir ce matin qu'un panache de cendres a été produit, et son altitude estimée à 8500m environ: le niveau d'alerte aviation est passé au rouge. Les volcanologues, de leur côté, ont pu observer la dite colonne de cendres s'élever
sur environ 6500 m de hauteur vers 02h45 (heure locale), ce qui est compatible avec les données du VAAC, les 2000 m de différence étant grosso modo l'altitude du volcan, qui est de 1784m.
Au moment de l'explosion une partie du dôme qui occupe le sommet s'est effondré dans la pente du versant ouest, seul exutoire possible car le cratère est ébréché sur ce versant. Les blocs se sont étalés en une avalanche incandescente sur une distance de 2000m, sans danger particulier pour les habitants. Il ne semble pas y avoir eu d'écoulement pyroclastique associé à cette avalanche, ce qui traduit la faible teneur en gaz des roches qui se sont effondrées et permet de supposer qu'il s'agit uniquement des laves "anciennes" (quelques années) du dôme, déjà refroidies et dégazées.
Une photo prise une heure plus tard depuis le poste d’observation montre que le rebord du dôme où s'est produit l'effondrement est incandescent ce qui pourrait (à confirmer) traduire la présence de lave neuve en cours d'émission. L'incandescence est en effet un phénomène qui disparait assez rapidement une fois que la lave est exposée à l'air libre, si elle n'est pas émise en permanence.
Par ailleurs sur la petite image située sous celle prise en infrarouge ci-dessous, et prise une heure après l'émission de cendres, vous noterez, outre le fait que le bord du dôme est incandescent, qu'il y a une trainée rouge située en dessous. Il s'agit encore de blocs effondrés, en provenance du dôme. Or, puisque l'incandescence est un phénomène "fragile" qui disparait vite, cette image pourrait bien montrer que les avalanches se sont poursuivies après l'explosion, et indiquer par là que le dôme est bien redevenu actif.
J'ai aussi cru voir passer le mot "coulée" dans un rapport de l'organisme en charge de la gestion des risques en Indonésie, mais à travers le filtre des traductions il n'est pas facile de savoir s'il y a vraiment une coulée de lave qui se met en place (possible si le dôme déborde dans la pente), ou si c'est juste un terme qui désigne l’avalanche incandescente.

L'éruption du volcan Soputan observée depuis le poste des volcanologues; 06 janvier 2015
Les images prise en caméra infrarouge montrent bien le dépôt assez chauds de l'avalanche de blocs, visible sur les photos normales sous la forme d'une trainée faiblement incandescente. Images: PVMBG.
Le moins que l'on puisse dire en tout cas c'est que la presse indonésienne ne fait pas grand cas de l'événement qui, au moins, n'a pas constitué une menace immédiate pour les habitants proches.

Sources: PVMBG; BNPB; VAAC de Darwin

5 commentaires:

  1. Bonjour!
    Depuis quelques post, un point de vocabulaire reste obscur à mes yeux. Pouvez vous préciser la différence entre avalanche de blocs (incandescent ou pas) nuée ardente et écoulement pyroclastique?

    Encore une fois merci beaucoup pour ce blog et l'énergie que vous y mettez.
    Cordialement!

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  2. Bonne question!
    Avalanche de blocs: ce sont seulement des blocs qui se détachent et roulent, soulèvent un peu de poussière...Un éboulement quoi.
    Nuée Ardente: le terme n'est plus employé officiellement mais c'est la même chose qu'un écoulement pyroclastique. Il s'agit d'un mélange de blocs, de cendres et de gaz qui est beaucoup plu fluide et mobile qu'une simple avalanches de blocs.
    Depuis le début des années 2000 le mot "écoulement pyroclastique"remplace les terme "coulée pyroclastique" et "déferlante pyroclastique" distinction qui était faite par les spécialistes dans les 80-90 en fonction de la manière dont la topographie pouvait contrôler la trajectoire et le dépôt des "nuées ardentes". Ils se sont rendu compte que cette distinction n'était finalement pas si claire que ça et ont tout refondu dans "écoulement pyroclastique" qui englobe finalement la même chose que "Nuée Ardente", terme inventé par Alfred Lacroix en 1902, pendant l'éruption de la Montagne Pelée. Une sorte de retour à la case départ...mais avec quelques connaissances en plus tout de même :-)

    Pour produire les écoulements pyroclastiques il faut que la lave soit assez riche en gaz. Quand un dôme de lave (riche en gaz) se forme par exemple les blocs qui se détachent percutent le sol et explosent sous l'effet du gaz qu'ils piègent ce qui créé de la cendre qui se mélange au gaz libéré. Cela forme un "nuage" qui glisse sur le sol car il est plus dense que l'air ambiant: l'écoulement pyroclastique. Il y a parfois tellement de cendres que les blocs de lave situés à l'intérieur sont transportés sans jamais toucher le sol!
    Dans une simple avalanche de blocs, point assez de gaz: seuls des fragments de lave roulent "bêtement" dans la pente.
    Dans la nature rien n'est jamais complètement tranché et on peut parfois assister à des transitions de l'un à l'autre.

    Ironiquement l'écoulement pyroclastique est plus proche, de par son dynamisme, dans la manière dont il se déplace et même dont il se dépose, des avalanches de neige. Alors que l'avalanche de blocs est plus proche d'un simple éboulement.

    Ce qu'il faut retenir c'est que l'avalanche de bloc est un phénomène plus "mou" moins dynamique que l'écoulement pyroclastique car il ne contient pas les gaz qui pourraient le rendre plus fluide, plus mobile.

    J'espère avoir réponde clairement à vote question :-)

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    1. Difficile d'être plus clair! Merci beaucoup pour ce cours! =)

      Dernière question si ça ne vous dérange pas (elle m'est apparue en lisant votre réponse).
      On parle donc d'écoulement pyroclastique lors de roches "neuves" contenant du gaz. Sur une explosion n'impliquant pas de lave neuve (type ontake au Japon), on dit écoulement pyroclastique ou éboulement?
      Car les roches sont anciennes donc théoriquement moins "chargés" en gaz. Mais l'ampleur du phénomène rappelle lui un écoulement pyroclastique.

      Promis j'arrête de vous embêter après! =)

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    2. Très bonne remarque! Plus que l'ampleur c'est la dynamique, la façon de se déplacer qui est semblable.

      Strictement on devrait dire "écoulement pyro" pour les éruptions magmatique ou phréatomagmatiques dans le sens où le préfixe "pyro" rendait compte au départ des hautes températures, magmatiques. Je crois qu'au départ l'étude portait sur ce que produisait l'effondrement des dômes et des colonnes érupitves. Puis au gré des observations il est apparu que ce type de "nuage" de cendres apparaissait dans des cas de figures plus variés.

      Car en réalité ce type d'écoulement se forme dans des circonstances diverses*, notamment à "basse" température (donc, normalement, pas "pyro"). Les chercheurs étudient les dépôts pour en déduire les mécanismes de fonctionnement (formation, déplacement, dépôt ) et voir quelles sont les similitudes et les différences avec les écoulements pyroclastiques magmatiques.
      Pour le moment, de ce que j'en sais, tout est regroupé sous le terme "d'écoulement pyroclastique".

      * les circonstances diverses sont:
      -explosion phréatique, comme vous l'avez remarqué. Pas de magma neuf et des températures bien plus faibles que pour une éruption magmatique.
      - interaction entre une coulée de lave et un manteau de neige ou de glace (Pavlov, Etna, Klyuchevksoy ont produit ce type de phénomène, très impressionnant)
      - activité surtseyenne (donc phréatomagmatique), avec la mise en place d'écoulements à basse température au ras de l'eau au moment des explosions.

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    3. Merci beaucoup pour tout ces éclaircissements! Me voilà à même de comprendre mieux les prochains articles! =)

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