20 janvier 2015

Bricolage en Volcanologie: mesurer la hauteur d'un panache

Il y a environ 1 an et demie je vous présentais le "cendremètres", un outils efficace et pas chère élaboré par un volcanologue bricoleur. Et bien un second outil de la même veine a vu le jour à l'occasion de l'éruption du Hunga Tonga Hunga Ha'apai: le "panachemètre portatif".

Il s'agit d'un assemblage simple de tubes en PVC. Il est constitué d'une partie horizontale de longueur connue et une autre, verticale, qui est graduée et donne le résultat attendu: la hauteur du panache. La graduation est
marquée en kilomètres ou en centaines de mètres au choix de l'utilisateur.

Le panachemètre en pleine action. Image: Nicolas Fournier/GNS Science

Le principe est simplissime, et utilisé dans divers observatoires dont celui du Tungurahua (Equateur): il consiste simplement à appliquer le théorème de Thalès. La version Equatorienne que j'ai pu voir n'est (n'était) pas portative mais directement dessinée sur l'un des carreaux du bâtiment.

Démontré par Euclide ce théorème aurait été utilisé longtemps avant par Thalès de Millet pour mesurer la hauteur d'une pyramide, d'où son nom. Son énoncé est simple et explique que lorsqu'une droite coupe un triangle parallèlement à l'un de ses côtés, les rapports des longueurs des segments créés sur chacun des côtés sont égaux.
Pas clair? Voyons la figure ci-dessous.


Le triangle ABC est coupé par une droite aux points M et N. Le théorème explique que les rapports de longueur AM/AB , AN/AC et MN/BC sont égaux.

Comment l'appliquer pour fabriquer un panachemètre?




Le plus simple c'est de regarder ça sur un dessin: je vous ais donc concocté un petit schéma pour représenter la situation lorsqu'on utilise l'outil.

Principe de fonctionnement du panachemètre. Culture Volcan
Sur le schéma ci-dessus on voit tout de suite que l'observateur, le volcan et le sommet du panache forment un triangle, ABC. Le panachemètre est à droite et forme lui aussi, avec l'oeil de l'observateur, un petit triangle, CDE.
On se retrouve dans la configuration du théorème de Thalès pour laquelle la partie graduée du panachemètre coupe en D et E le grand triangle ABC.
Thalès nous dit donc que les rapports de longueur: CD/CA, CE/CB et DE/AB sont égaux.

Mais attention car:
- de part sa taille, les dimensions du panachemètre sont plutôt mesurées en cm
- les distances qui séparent l'observateur sont plutôt mesurées en km
- et la hauteur du panache sera plutôt mesurée en mètres ou kilomètres.

Il faut donc faire un choix: tout convertir en cm, en m, ou en km.

Les longueurs qui nous intéressent sont les suivantes:
- CD: c'est la longueur de la partie horizontale du panachemètre. Facile à mesurer: on prend un double-décimètre. C'est donc une longueur connue.
- DE: c'est longueur qui sépare la graduation 0 (niveau de la mer) d'une autre graduation marquée sur le tube du panachemètre: facile à mesurer aussi, donc c'est une longueur connue.
- CA: c'est la distance qui sépare l'observateur du volcan. Facile a déterminer, on peut utiliser google Earth par exemple. C'est donc une longueur connue.
- AB: c'est la hauteur du panache, la seule inconnu que l'on essaye justement de mesurer.

Thalès nous dit donc que AB/DE = CA/CD et que donc AB (ce que l'on cherche) = (CA/CD) * DE

En appliquant cette démarche, on créé d'abord la graduation (donc la longueur DE) en imaginant des panaches de différentes hauteurs. Puis une fois la graduation créée on a plus qu'à l'utiliser pour mesurer la hauteur du panache directement.

Par contre le panachemètre de la photo n'est utilisable que pour mesurer la hauteur des panaches du Hunga Tonga -Hunga Ha'apai depuis l'île de Tongatapu* . Pour un panache produit par un autre volcan, il faut recalculer une graduation adaptée, l'affaire de quelques coups de scie pour prendre un bout de tube, et d'une ou deux minutes pour calculer et marquer la graduation.

Merci au volcanologue Nicolas Fournier du GNS Science (Nouvelle-Zélande), en partie formé à Clermont-Ferrand et directeur de l'observatoire du Soufriere Hills (Montserrat) en 2008, qui était en observation aux Tonga la semaine passée, et a fait passer l'info.

* en fait on peut mesurer la hauteur de n'importe quel panache avec l'appareil de la photo à partir du moment où on se trouve à 53 km, qui est la distance qui sépare Tongatapu du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha'apai.

Source: Nicolas Fournier/GNS-Science

8 commentaires:

  1. Bonjour,

    Excellent ce petit panachemètre ! Le même instrument peut très facilement servir sur les autres volcans et aussi sur d’autres types d’activité (hauteur d’une fontaine, d’un geyser, d’un rempart….), je m’explique à partir de votre schéma et de la formule énoncée :
    AB = (CA/CD)*DE donc AB = (DE/CD)*CA en intervertissant les deux numérateurs CA et DE.
    On a maintenant DE/CD, un rapport facile à connaître car il ne dépend que de notre panachemètre. CD est fixe (mettons 20 cm pour l’exemple), il suffit de graduer l’échelle verticale équivalent au rapport DE/CD, exemple :
    à 1 cm de haut : le rapport est de 1/20 = 0.05. Notez ce résultat à la graduation verticale 1 cm.
    à 2 cm de haut : le rapport est de 2/20 = 0.1. Notez ce résultat à la graduation verticale 2 cm.
    etc…
    Sur le terrain maintenant, il suffit d’estimer la distance par rapport à la source (ou le soir par google earth suivant la distance) puis de viser avec votre panachemètre. Le rapport obtenu est à multiplier par la distance sans faire de conversions d’unités.
    Exemple : distance de 20 mètres (20 pas sur le terrain) et rapport de 0.1 par visée : hauteur de 2 mètres.

    Bon évidemment, il y a une marge d’erreur. Mais comme ça, il est applicable à toutes situations.
    J’espère avoir été clair,

    Ludovic

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    1. tout à fait exacte: simplicité et efficacité :-)
      Pour un phénomène naturel en mouvement tel qu'un panache observé à plusieurs km ou dizaines de km de distance, l'estimation est largement suffisante.

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  2. Il faut cependant être à la même altitude que la source. Cela pose donc un problème d'estimation quand on surplombe un phénomène...

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    1. exacte: c'est implicite sur le dessin (sur lequel j'ai fais une petite erreur d'ailleurs, sans importance pour l'explication mais importante pour l'utilisation) mais c'est mieux de le préciser :-)

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  3. A l'heure actuelle ou pas mal de monde a son smartphone, une petite photo géoréférencée prise avec une application tel Géocam (androïd) donne l'angle du sommet du panache par rapport à l'horizontale.
    Pour les volcanologues (ou phyles), le smartphone devrait être un outil de prise de vue scientifique toujours dans la poche même si ça n'a pas la précision des outils dédiés, vous avez la date et l'heure, la position, l'altitude, l'azimuth...
    Mais le panachemètre est bien sympathique (et beaucoup moins cher, il fait travailler les neurones aussi) !!

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    1. C'est vrai mais le temps de téléchargement et le coût d'une appli sont supérieurs aux temps et coût de fabrication du panachemètre (je rigole:-))

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  4. A ce propos FLIR vient de sortir un module pour transformer son iphone en caméra thermique ...

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    1. Salut Kapitaine. A ouais, mais presque 280 € la bête! Il faut vraiment en avoir l'utilité régulièrement pour rentabiliser...Il faut aussi être sûr de la calibration ou plus généralement de la fiabilité des mesures, sur le court-moyen terme et dans des conditions difficiles (froid, humidité, poussière, gaz acides etc) si on veut l'emmener sur une éruption. Je sais pas si ça vaut les 280€ (je suis méfiant :-) ) mais merci pour le tuyau.

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