28 octobre 2014

Un point sur l'activité du volcan Bardarbunga (Bárðarbunga)

Une dizaine de jours après mon précédent post le concernant il est temps de faire un point sur la situation en Islande.
Mais inutile de faire mystère: globalement, la dynamique de l'éruption reste stable.

La caldera sommitale du Bardarbunga continue de s'affaisser à un taux moyen de 50 cm par jour, même si ça varie à l'échelle de quelques heures. Des mesures effectuées le 24 octobre ont permis de
constater que l'affaissement atteint maintenant les 40 m, le volume affaissé étant estimé quand à lui à environ 1 km3 (1 milliard de m3).

Evolution de l'affaissement du glacier du volcan Bardarbunga
Les profils colorés montrent la progression de l'affaissement entre les 05 septembre et 24 octobre 2014. A cette dernière date, le point le plus bas était proche des -40 m par rapport au niveau initial. Image: Université d'Islande.

Un survol effectué hier au niveau du glacier sommital, qui rempli la caldera, a permis de constater qu'un chaudron (souvenez-vous: les zones affaissées sur les glaciers) s'est fortement approfondit en l'espace d'un mois, avec 25 m perdus. Au moins un autre, située non loin de la bordure ouest due la caldera, s'est approfondit de 12m.
Juste pour préciser, car c'est important: il y a des chaudrons au sommet depuis plusieurs semaines (fin août au moins). Les volcanologues ont juste constaté leur approfondissement important, signe que la base du glacier est en cours de fonte.
Deux images de ces chaudrons:


Le site de l'éruption du volcan Bardarbunga, vu par LANDSAT8
La caldera englacé du Bardarbunga et l'activité éruptive sur sont réseau de fissure sur le site de la plaine d'Holuhraun, le 24 octobre. On perçoit le chaudron le plus profond et, en regardant bien sur le bord ouest, on voit aussi les deux chaudrons aussi visibles sur l'image ci à droite. Image: Landsat 8

Les chaudrons du glacier du volcan Bardarbunga, 27 octobre 2014
Cette photo prise, je pense,  le 27 octobre, montre bien la surface lisse du glacier qui rempli la caldera du Bardarbunga. Les chaudrons à droite se trouvent le long de sa bordure ouest. Le chaudron le plus isolé, qui est aussi celui qui s'est le plus enfoncé et qui est visible sur l'image Landsat 8 ci à gauche, se trouve non loin du rebord sud-est. Image: Amy Högnadóttir


Le bulletin de l'Université d'Islande indique qu'il s'agit probablement d'une conséquence de l'affaissement général du glacier, lié au mouvement de la caldera qu'il recouvre, qui peut avoir pour conséquence une hausse de l'activité géothermale sur son plancher (ce qui est est en contact avec la base du glacier). Elle-même peut avoir deux origines:
- les volcanologues n'excluent pas qu'elle puisse être le signe d'une remontée magmatique, qui apporterais de la chaleur...
- mais ils précisent aussi qu'il peut simplement s’agir de l'évacuation de fluides chauds du système hydrothermal. Les mouvements de la caldera modifient forcément ce système de circulation de fluides, qui sont à haute température.

Pour résumer: ce n'est pas parce que l'activité géothermale s'accroit que cela veut forcément dire que du magma remonte.
Quoi qu'il en soit, ce chaudron est vraisemblablement le signe d'une fonte accrue de la base du glacier et l’eau en cours d'accumulation finira bien, à un moment donné, par sortir. Dis autrement: le risque de Jokulhaup (débâcle glaciaire) reste fort mais, pour l'heure, aucun changement anormal dans la  composition des rivières alimentées par le glacier n'a été observé: l'eau, mélangée aux fluides hydrothermaux hyper minéralisés n'ont donc vraisemblablement pas encore trouvé de sortie.


Côté champ de lave de la plaine d'Holuhraun, rien de nouveau sinon qu'il continue de s'élargir, en particulier par son côté sud. Il y a eu peu d'occasions ces derniers temps de voir l'activité sur les webcams en raison du mauvais temps et/ou de problèmes techniques, mais une simple comparaison d'images prisent les 22 et 27 octobre permet de voir la progression importante d'un front de coulée, signe que le débit à la source reste important.

Evolution d'un front de coulée de lave du volcan Bardarbunga dans la plaine d'Holuhraun, 27 octobre 2014
Progression d'un front de coulée entre les 22 et 27 octobre: plusieurs kilomètres avalés. Images: MILA

En date du 23 octobre les volcanologues avaient estimé que la surface occupée par la lave était de 63 km² soit, si on garde l'hypothèse d'une épaisseur moyenne de 14 m, un volume potentiellement émis de quasiment 0.9 km3, ce qui serait toujours en cohérence avec le volume affaissé de la caldera. Ne pas oublier que l'épaisseur reste hypothétique...donc le volume aussi.

En tout cas si l'on regarde l'évolution de la surface du champ de lave en fonction du temps on peut constater que depuis le 20 septembre environ, il grandit à un rythme assez régulier de 0.79 km²/jour (estimation effectuée entre les 20 septembre et 19 octobre, à partir de la courbe ci-dessous).

Evolution de la surface occupée par le champ de lave de l'éruption du volcan Bardarbunga, dans la plaine d'Holuhraun
Graphique montrant l'évolution de la surface du champ de lave, mesurée par les volcanologues,en fonction du temps.

Si ce rythme s'est maintenu depuis le 19 octobre on peut, par jeu, tenter d'estimer la surface actuelle du champs de lave. Il y a 9 jours entre le 19 octobre et aujourd'hui, soit une surface ajoutée de 0.79 * 9= 7 km². La surface aujourd'hui pourrait donc être proche de 63+7= 70 km².
Correction lors de la transmission de la prochaine carte des coulées par l'Université d'Islande!

Pour finir, quelques images récentes, pour se faire plaisir.









La page de liens concernant cette éruption est mise à jour, si l'historique de cette situation vous intéresse.

Sources: IMO; Université d'Islande; Twitter; MILA

7 commentaires:

  1. Bonjour
    J"étais en Islande en septembre et de loin j'ai vu le panache du volcan, comme je m'intéresse aux volcans ,votre site me permet d'avoir des nouvelles fraiche ! plutôt chaudes pour un volcan !
    Merci et bonne continuation
    Michel Jeannet

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  2. Bonsoir,

    A mon avis (juste un exercice de réflexion), le volume est sous-estimé pour trois raisons :

    L'effondrement est un profil lissé par le glacier qui estompe la coupe exacte de la caldéra.
    Si on corelle l'extension de la surface de la coulée avec le débit, alors on devrait avoir une baisse régulière de ce débit depuis le début de l'éruption, ce qui ne semble pas être observé (les fontaines de laves ont même repris). Votre courbe n'est d'ailleurs pas linéaire.
    On ne tient pas compte de l'empilement des différents chenaux de lave, ce que montre la dernière image de votre acticle, en gros, on ne rajoute à la surface que ce qui dépasse de la précédente valeur du champ de lave.

    Si bien qu'en considérant quand bien même la plus basse valeur du débit calculé avant que les couches de laves ne se chevauchent (250 m3/s), nous en sommes facilement à plus d'un kilomètre cube !

    A vérifier une fois l'éruption terminée... ;-)

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    1. Bonsoir. Remarques intéressantes qui méritent refelxion.
      Je suis d'accord avec vous sur le profil du glacier: il n'est qu'une représentation lissée du plancher de la caldera. Cependant, les éventuels reliefs qui ornent le plancher de cette dernière ( mais qui n'apparaissent sur aucune représentations qu'il m'ai tété donnée de voir) n'ont probablement pas un volume suffisant pour modifier de manière importante le résultat de l'estimation du volume.
      Nous sommes toutefois d'accord: le volume affaissé du glacier est une estimation de celui de la caldera. Volume considéré comme représentatif car le glacier est posé sur le plancher calderique: chaque mètre perdu par la caldera est un mètre perdu par le glacier (vu son poids il ne reste pas suspendu). Par contre je n'ai rien vu concernant la reprise de fontaines de lave. Du moins sur les images webcam d'hier matin il n'y en avait pas mais si c'est le cas j'en ferais pars bien entendu dans une mise à jour car ce serait un élément important.


      La seconde remarque me laisse par contre plus perplexe: le débit est estimé relativement stable depuis quelques semaines par les personnels sur place et je ne comprend pas en quoi la corrélation avec la surface devrait le donner en baisse. La lave sort avec un certain débit et la surface augmente en conséquence. Il faut dire que les rapports ne mentionnent plus de chiffres précis depuis un bout de temps, sauf les surfaces, régulièrement estimées. On a aucune idée du débit réèl en fait.

      Enfin, la dernière image de l'article ne montre pas des chenaux empilés mais un chenal principal qui alimente un nouveau front, lui-même progressant à côté du front précédent (qui se distingue bien à droite car il est un peu moins sombre). La lave s'étale aussi un peu latéralement et ne va pas que vers l'avant (on voit un front incandescent sur le côté gauche de l'image). Le processus principale de la formation de ce champ de lave n'est donc pas l'empilement, bien qu'il puisse bien sûr y en avoir à certains endroits.
      Par exemple, lorsqu'un lobe progresse à côté de son prédecesseur il peut déborder sur lui. Ma courbe n'en tient évidemment pas compte, et ce type de phénomène réduirait la surface estimée (les 70 km² sont une projection, donc forcément une approximation). On est donc probablement encore sous la barre des 70 km².

      Nous verrons bien ce que racontent les volcanologues sur place: eux seuls peuvent donner des chiffres :-)

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  3. Et pour corroborer ma théorie, il suffit de regarder cette image radar qui met bien en valeur les différentes épaisseurs de lave : http://en.vedur.is/media/jar/myndsafn/full/LHGratsja_20141027.jpg (publication ce jour)
    A certains endroits, on doit être bien au-dessus de 14m d'épaisseur !!!

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    1. A c'est clairement une belle image (toujours avec les images radar). Vous aviez donc vu juste il y a probablement des zones de superposition qu'il faut prendre en compte pour corriger l'estimation...à moins que le débit ait diminué depuis la semaine dernière....A voir ce que disent les prochains rapports.
      Je m'attendais à ce que la surface mesurée soit sous la barre des 70 km², mais vraiment pas à ce qu'elle soit à moins de 65 km² (je voyais un joli 68 km² pour aujourd'hui). C'est une valeur basse qui me surprend. J'ai entré les nouvelles valeurs de surface et le bout de la courbe continue de tendre vers l'horizontale: il se peu bien que le débit diminue.
      Affaire à suivre :-)

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    2. Sauf si, comme je l'imagine, le recouvrement du champ de lave par les différents chenaux, qui prennent donc différentes directions lorsque le précédent fige, se fait à débit (à peu près) constant mais non correllé avec la surface calculée en suivant les bords...
      En fait, en début d'éruption, chaque nouvelle coulée s'est étalée en longeant peu ou prou la précedente. Mais depuis que le champ de lave à une très grande dimension, les nouvelles coulées parcourent une distance non négligeable (et même importante) avant de déborder sur la plaine et donc d'être comptabilisé dans la nouvelle superficie. Ors elles s'étalent aussi sur le champ de lave (voir le radar).

      Mais bon, ce n'est évidement pas une donnée prioritaire pour les vulcanos sur place et l'estimation à la louche est bien suffisante pour faire le lien avec le volume de la caldéra...

      Pour la fontaine de lave, vous avez vous même mis un tweet de l'univestité d'Islande en favori le mentionnant : une petite fontaine de lave mais peut-être ponctuelle

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    3. Juste trois points de précisions:
      - sur le tweet ce que l'on vois n'est pas une activité de fontaine (régime de dégazage continu) mais juste une bulle de gaz qui vient crever à la surface du lac coincé entre les patter-remparts (ce que j’appelle "brassage" parfois dans les posts). Même si c'est marqué "lava fountain" d'ailleurs qui est une expression parfois utilisée de manière un peu globale.

      - je reste sceptique sur le fait que le recouvrement tel que vous le présentez soit aussi important, bien qu'il joue peut-être un rôle. Je dis ça parce que le chenal a progressivement divagué vers le sud, à partir d'une zone assez proche de la fissure, pour créer les nouveaux fronts actifs: il n'est pas resté strictement à la même place. Il a tout de même connu des périodes de trajectoire stable (entre les 29 septembre et 07 octobre par exemple) mais dans ce type de situation le chenal draine bien la lave et l'empêche aussi de divaguer et de faire du recouvrement. Généralement, avec ce type de coulées (aa), les nouveaux lobes sont issus de la rupture d'une levée du chenal: la coulée se déverse alors dans une nouvelle direction et ça ressemble à ce qu'il s'est passé avec ce champ de coulée.
      J'ai aussi comparé plusieurs cartes et les limites entre les différents lobes se recouvrent parfois, mais pas sur de grandes surfaces. Je ne doute donc pas qu'il y a du recouvrement, mais par contre je pense qu'il s'agit d'un phénomène plutôt secondaire.
      Je vous rejoins par contre sur un point: je ne serais pas étonné que l'épaisseur moyenne de 14 m soit maintenant fausse, mais je ne peux pas dire si c'est une valeur trop haute ou trop faible :-).

      Voilà l'idée que je me fais de tout ça:
      - si on prend comme hypothèse que le débit est constant (ce que l'on ne sait pas) et que le recouvrement n'a qu'un rôle secondaire (ce que suggère la comparaison des cartes), alors l'amoindrissement de la surface couverte chaque jour (ce qu'illustre la courbe que j'ai faite) peut s'expliquer si les nouveaux lobes sont plus épais que les anciens. Auquel cas l'épaisseur moyenne a augmenté, et le volume total émis à effectivement peut-être déjà dépassé le km3.
      - si l'on considère au contraire que l'épaisseur moyenne ne varie pas de manière significative (environ 14 m), et que le recouvrement ne joue qu'un rôle secondaire, alors on peut expliquer la diminution de la surface couverte par jour (la courbe) par une diminution du débit.

      - Enfin, pour l'anecdote, je reviens sur la date du 20 septembre: je viens de remarquer que non seulement c'est une date à proximité de laquelle la courbe que j'ai présentée s'incline vers l'horizontale de manière plus franche (moins de surface couverte chaque pour, même si nous ne savons pas comment l'expliquer à coup sûr), mais c'est aussi à ce moment là que la caldera a commencé de s'affaisser un peu moins rapidement...Je n'irais pas jusqu'à dire que les deux sont liés...mais la coïncidence mérite au minimum d'être relevée, je pense.

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