La situation devient de plus en plus claire pour certains résidents du village de Pahoa, qui ont continué d'empaqueter leurs affaires à l'approche de la lave. Celle-ci est arrivée hier, un peu avant 11h du matin (heure locale) à moins de 100m de la première propriété qui se trouve sur son passage, une
maison isolée qui pourrait être le première "victime" de cette coulée.
maison isolée qui pourrait être le première "victime" de cette coulée.
La première maison de Pahoa, à gauche de l'image, se trouve sur la trajectoire prévue de la coulée. Image: Ena Media Hawai’i/Blue Hawaiian Helicopters |
La vitesse de progression de la lave varie entre des valeurs très diverses, allant de 2 et 20 m à l'heure. Mais la première maison pourrait être touchée très bientôt, peut-être dès aujourd'hui. Dans les actualités locales, les habitants de cette maison, qui est aussi un petite entreprise de jardinerie (vente de fleurs exotiques) ont été décrits comme positifs, optimistes...et surtout prêts pour partir. Ce qui est incroyable quand on lit dans la presse locale qu'ils ont déjà perdu une maison à Kalapana* lorsque les coulées en provenance de la zone du Pu'o O'o sont descendues jusqu'en mer en 1991.
Il faut encore environ 500 m pour que la coulée coupe la route principale de Pahoa, puis viendra l'autoroute 130, 600 m encore plus loin, puis la lave poursuivra sa direction jusqu'à Hawaïan Beaches... si tant est qu'elle reste alimentée assez longtemps ou que l'alimentation plus haut sur sa trajectoire ne change pas de direction, ce qu'il n'est pas possible de prévoir.
Il faut encore environ 500 m pour que la coulée coupe la route principale de Pahoa, puis viendra l'autoroute 130, 600 m encore plus loin, puis la lave poursuivra sa direction jusqu'à Hawaïan Beaches... si tant est qu'elle reste alimentée assez longtemps ou que l'alimentation plus haut sur sa trajectoire ne change pas de direction, ce qu'il n'est pas possible de prévoir.
Les volcanologue sont en permanence sur le terrain, et régulièrement dans des hélicos, pour tenter de faire une cartographie précise de la topographie, afin d'affiner les prévisions de la trajectoire que peut prendre la coulée, et pour cartographier quotidiennement la coulée elle-même. Le travail sur terrre est dangereux en raison d'explosions de méthane qui semblent relativement fréquentes et peuvent projeter des fragments de terre et de roche à quelques dizaines de mètres. Elles sont dues à la mauvaise combustion de la matière organique recouverte par la coulée. En effet c'est une combustion qui se fait alors avec peu d'oxygène disponible ce qui produit, comme résidu, du méthane au lieu du CO2. Les poches de méthane ainsi créée finissent pas exploser.
Les autorités continuent de leur côté à gérer la situation. Une école a ainsi été fermée afin que l'administration puisse avoir le temps de préparer l'évacuation des bâtiments, évacuation qui devrait avoir lieu mercredi.
Côté habitants, certains ont la volonté de contrecarrer les plans de la déèsse Pele en tentant de dévier la trajectoire de la coulée via la construction de digues.
C'est l'occasion pour répondre à un commentaire interessant laissé dans le post précédent concernant ces digues de protection: pourquoi ne pas en ériger pour dévier la coulée?
Édifier ce type d'ouvrage n'est pas simple: il faut avoir un relevé topographique assez précis pour identifier les zones où la construction sera la plus pertinente (ce qui demande du temps), puis y acheminer du matériel. Je crois avoir vu passer l'information comme quoi le relevé topographique actuellement utilisé par l'HVO date des années 80. Comme décrit plus hauts, ces mêmes volcanologues font des relevés plus précis actuellement pour affiner la topo locale et donc la prévision de trajectoire de la coulée.
Mais au-delà de ça, la configuration du terrain est rarement propice à ce type d'action et, pour prendre le cas de Pahoa, ériger des digues maintenant nécessiterait beaucoup de temps car le volume de terre à acheminer serait énorme. Il faut se rendre compte que la coulée avance dans un terrain légèrement en creux, une sorte de mini vallée très peu marquée qui guide la direction de la coulée, et ce creux passe par Pahoa. Oh ce n'est pas grand chose, un dénivelé de quelques mètres, mais à cause de ça ériger une digue pour dévier la coulée demanderait de mettre en place un volume de terre et de roches pour important:- en première étape faire sortir la coulée de ce "creux", seul moyen de lui faire définitivement dévier sa route et l'emmener dans un autre creux. Ce serait là plutôt une construction de type "barrage"
- une fois le creux rempli il faudra avoir construit un système de digues haut de plusieurs mètres pour forcer la lave à changer de direction. En effet les coulées pahoehoe sont très peu épaisses lorsqu'elles envahissent une zone, mais elles gonflent ensuite progressivement sous l'arrivée continue de lave: elles finissent par faire quelques mètres d'épaisseur. Un phénomène que l'on voit bien sur le time-lapse ci-dessous. Une digue mal pensée serait donc rapidement surpassée par la lave. Par ailleurs, la lave est maintenant trop proche pour qu'une digue ait une quelconque efficacité, mais nous allons voir que mettre en place des digues avant n'est pas plus faisable.
- une fois le creux rempli il faudra avoir construit un système de digues haut de plusieurs mètres pour forcer la lave à changer de direction. En effet les coulées pahoehoe sont très peu épaisses lorsqu'elles envahissent une zone, mais elles gonflent ensuite progressivement sous l'arrivée continue de lave: elles finissent par faire quelques mètres d'épaisseur. Un phénomène que l'on voit bien sur le time-lapse ci-dessous. Une digue mal pensée serait donc rapidement surpassée par la lave. Par ailleurs, la lave est maintenant trop proche pour qu'une digue ait une quelconque efficacité, mais nous allons voir que mettre en place des digues avant n'est pas plus faisable.
La logistique pour ce type d'action est loin d'être évidente: il faut faire venir des camion-bennes, trouver des bulldozers. Puis il faut trouver l'endroit le plus propice où les digues doivent être construites et permettre à tout ce matériel d'y accéder. La matière première ne pose pas trop de problème en général: on creuse d'un côté pour faire la digue de l'autre...encore que ce n'est pas si évident.
Dans l'idéal il aurait fallu trouver le moyen de dévier la lave avant qu'elle n'entre dans le réseau de fissures qui l'a amenée aux portes de Pahoa. Et plus précisément la dévier vers le sud afin qu'elle recouvre les autres coulées émises depuis le début des années 90, et où il n'y a plus aucune habitations à détruire. Mais même cela était impossible.
Il aurait en effet fallu trouver le moyen d'amener le matériel (camions-bennes, buldozzers etc) sur le champs de lave du P'uu O'o, constitué de ces mêmes coulées pahoehoe accumulées de puis le début des années 80, fragiles, creusées de tunnels qui peuvent d'effondrer, et rendent donc l'exploitation de matériel lourds impossible.
En réalité, une fois entrée dans la zone boisée et les fissures, plus rien, côté ingénierie, ne pouvait être tenté, le terrain étant trop difficile d'accès pour acheminer le matériel necessaire (zone densément boisée et réserve naturelle qui plus est, terrain fortement fissuré) et la coulée avançant trop vite. Le terrain est devenu un peu plus propice, d'un point de vue ingénierie, une fois que la coulée est arrivée à Kahoe Homesteads, c'est-à-dire à un moment où ce type de construction ne servait déjà plus à rien puisqu'à partir de cet endroit, dévier la coulée pour sauver Pahoa c'était prendre le risque de l'envoyer vers une autre zone habitée.
Les petites digues que certains habitants tentent de construire ne sont là que pour tenter de dévier très localement la lave, pour qu'elle ne détruise pas leur maison. Elles ne servent en rien à tenter de dévier la trajectoire globale de la coulée. Et il n'est pas sûr que ces digues soient suffisantes mais si cela permettra probablement de gagner un peu de temps pour compléter l'évacuation.
Certes des maisons risquent de disparaitre à cause de cette coulée, mais si l'on regarde sa trajectoire, elle passe à l'endroit de Pahoa qui est le moins densément peuplé. Avec des digues, ne passerait-elle pas vers des zones plus habitées encore? Le risque n'est-t-il pas déjà minimal et bien géré? Je crois que oui.
Pour finir: quelques témoignages (en américain) d'habitants de Pahoa qui se préparent à évacuer, par le Hawaï Tribune Herald.
Mise à jour 29 octobre
La journée du 28 octobre a été celle de l'entrée de la coulée dans la première propriété habitée du village de Pahoa. La maison décrite dans le post ci-dessus a pour le moment été épargnée, la lave passant 70 m plus à l'ouest. Rien n'est gagné cependant, les coulées ayant tendance à s’élargir avec le temps. La coulée a même stoppé momentanément sa progression juste avant de renter dans la dite propriété, non pas en raison d'une baisse d'alimentation, mais parce qu'elle a visiblement rencontré une légère dépression dans la topographie: le temps qu'elle la remplisse, elle n'a plus avancé. Mais elle a rpris assez rapidement son avancée et a franchit une barrière métallique vers 08h du matin (heure locale).
Une fois dans la propriété la coulée a commencé à faire brûler quelques plants de noyer du Queensland (noix de Macadamia) avant de s'attaquer à une pile de pneus et des carcasses de véhicules (qu'on voit très bien sur Google Earth d'ailleurs). Pour le moment, aucune habitation n'a été touchée mais un abri de jardin, ou un petit entrepôt de matériel agricole, a été détruit. En fin de journée (locale , donc fin de nuit chez nous) la coulée était à environ 300 m de la route principale de Pahoa (depuis laquelle elle était d'ailleurs visible, voir la photo ci-dessous ) et à moins d'un kilomètre en ligne droite de l'autoroute 130, point stratégique de cette situation de crise. Sa vitesse de progression varie mais peu monter à 16m/heure: l'autoroute n'est qu'à quelques jours de la coulée.
Pour le moment aucun ordre d'évacuation n'a été donné mais entre 40 et 50 maisons sont directement concernées par la trajectoire de la coulée: leurs habitants peuvent être évacués à tout moment, si la situation se justifie, mais même ceux qui chez se trouve la coulée, bien que prêts à partir à tout moment, vivent toujours dans leur maison.
Pour le moment, la lave avance en effet tranquillement, suivant une trajectoire qui ne pose pas d'autre danger immédiat que des problèmes respiratoires de pars la combustion des matières biologiques ou artificiels qu'elle recouvre. Les habitants regardent, inquiets, la lave passer dans leur terrain en espérant qu'elle épargne les habitations. La courte vidéo ci-dessous a visiblement été prise depuis un pas de porte: il n'y pas beaucoup d'endroits sur Terre où ce type de situation (donc d'images) est possible.
Quoi qu'il en soit la Croix Rouge a mis en place un site d'accueil pour les familles qui déciderons d'évacuer, spontanément ou non, leur maison. De con côté le chef du service de la défense civile (service du County, équivalent de la préfecture je pense), en charge de la gestion de crise a indiqué tout faire pour que les propriétaires des maisons qui pourraient disparaitre à cause de la coulée puisse accéder à la zone, cela pouvant aider ceux qui le souhaitent à faire le deuil de leur maison (processus psychologique dit de résilience).
Mise à jour 30 octobre, 11h39
La lava a tranquillement continué d'avancer à travers la propriété dans la quelle elle est entrée le 28 octobre. Les propriétaires ont érigé des digues pour tenter de dévier légèrement le front afin qu'il évite les bâtiments principaux ou des zones cultivées et, pour le moment, seuls les éléments secondaires (arbres, tas de pneus et de métal) ont été touchés, mis à part l'abri dont je vous parlais hier.
#Kilauea lava main lobe on private property 29 Oct clearly shows artificial confining berm (KHON video frame grab). pic.twitter.com/Kw2hV7DdqO
— Ken H Rubin (@kenhrubin) 30 Octobre 2014
La coulée a ralenti sa course et n'avait parcouru que 80 m entre le mardi matin et le mercredi soir. mais à l'arrière du front, dans la zone où elle a coupé la route d'Apa'a, les géologues ont mesuré un gonflement du champ de lave, signe qu'il y a toujours de l'alimentation. Des "suintements" ("breakouts"), apparus suite à la rupture de la fragile peau de roche des coulées pahoehoe, ont été observés et cartographiés en amont du front. C'est peut-être ce qui explique, au moins en partie, que le front principal a ralenti.
L'un de ces suintement ("1" sur la carte ci-dessous) suit un autre petit creux topographique. Il n'a pas encore coupé la route d'Apa'a mais ça ne saurait tarder, et juste à côté de la décharge municipale. De l'autre côté de la route, sur sa trajectoire, il y a quelques bâtiments (peut-être un élevage).Un autre suintement ("2") s'est produit juste en amont du front le plus avancé. Il a pénétré hier dans la même propriété en suivant visiblement un chemin.
Enfin le Kipuka* ("3") qui s'est formé au niveau du cimetière est peut-être en train de se refermer: les dernières tombes risquent donc de disparaitre d'ici peu.
De toutes manières si la situation perdure dans le temps, le champ de lave ne fera que s'élargir et Pahoa sera bien plus menacée qu'elle ne l'est actuellement: toutes les digues n'y changerons rien, mais le temps gagné peut compter, car l'effusion peut aussi s'arrêter.
Pour l'anecdote, le front principal va un peu perturber la tenue du vote concernant les élections à mi-mandat, le 04 novembre prochain. En effet, la route du village de Pahoa et l'autoroute 130 seront peut-être coupées d'ici là et certains résidents ne seront alors plus en mesure d'aller voter. Les autorités ont donc déplacé les bureaux de vote pour leur permettre d'aller faire leur devoir civique malgré l'humeur chafouine de dame Pele.
Une photo aérienne pour fiare le point en image. Elle a été prise le mercredi matin et il y a alors 215m entre le front de la coulée et la route.
* Un kipuka, terme hawaïen, est un îlot de terrain épargné par les coulées, mais totalement entouré par elles. C'est quelque chose de fréquent, il y en a même en Auvergne.
Sources: HVO/USGS; Mileka Lincoln; Hawaï Tribune Herald
*: au sud de Pahoa, ensuivant la route 130: Kalapana est la zone où se déroulent maintenant les travaux de réouverture de la Chain of Crater Road.
Enfin le Kipuka* ("3") qui s'est formé au niveau du cimetière est peut-être en train de se refermer: les dernières tombes risquent donc de disparaitre d'ici peu.
Localisation des autres zones où la lave avance, en plus du front principal. Image: HVO/USGS |
De toutes manières si la situation perdure dans le temps, le champ de lave ne fera que s'élargir et Pahoa sera bien plus menacée qu'elle ne l'est actuellement: toutes les digues n'y changerons rien, mais le temps gagné peut compter, car l'effusion peut aussi s'arrêter.
Pour l'anecdote, le front principal va un peu perturber la tenue du vote concernant les élections à mi-mandat, le 04 novembre prochain. En effet, la route du village de Pahoa et l'autoroute 130 seront peut-être coupées d'ici là et certains résidents ne seront alors plus en mesure d'aller voter. Les autorités ont donc déplacé les bureaux de vote pour leur permettre d'aller faire leur devoir civique malgré l'humeur chafouine de dame Pele.
Une photo aérienne pour fiare le point en image. Elle a été prise le mercredi matin et il y a alors 215m entre le front de la coulée et la route.
La coulée approche de la route principale de Pahoa. Image: HVO/USGS |
* Un kipuka, terme hawaïen, est un îlot de terrain épargné par les coulées, mais totalement entouré par elles. C'est quelque chose de fréquent, il y en a même en Auvergne.
Sources: HVO/USGS; Mileka Lincoln; Hawaï Tribune Herald
*: au sud de Pahoa, ensuivant la route 130: Kalapana est la zone où se déroulent maintenant les travaux de réouverture de la Chain of Crater Road.
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