10 septembre 2014

Eruption du volcan Bardarbunga (Bárðarbunga) : le point du soir (mis à jour 11 septembre 22h26)

La situation n'a fondamentalement pas changé: l'activité éruptive se maintient avec un bon débit sur la fissure et continue d'alimenter la coulée, qui progresse toujours dans le lit de la rivière Jökulsá á Fjöllum. Il n'y a pour l'heure pas d'activité explosive reportée en conséquence de ce contact entre eau
et lave (dommage, mais peut-être que ça va venir, tout n'est pas perdu).
Les points qui semble occuper les esprits en Islande actuellement sont essentiellement deux:
- le panache de SO2, son extension et ses conséquences.
- la sismicité sous la caldera du Bardarbunga

1 - Commençons par le SO2

Les mesures de la qualité de l'air faite sur la côte est, qui est la plus touchée, montre que queles concentrations en SO2 ont atteint des pics records dans la ville de Reydarfjordur (Reyðarfjörður ) avec 2600 micorgrammes/m3!!
Pour mémoire, ce gaz entraine des problèmes de santé chez l'humain:
- au bout de 3h à partir de 500 microgrammes/m3
- au bout de quelques jours ou semaines à partir de 20 microgrammes/m3

Il a été demandé aux habitants d'arrêter toute activité à l'extérieur des maisons afin d'éviter d'être trop exposés.

La concentration en SO2 est telle que lorsque le panache est venu lécher hier la côte ouest de la Norvège, à environ 1300 km de là, les habitants ont pu sentir l'odeur de soufre!

Ce panache, poussé par des vents de sud-ouest, s'étend actuellement jusqu'au nord de la Russie, plus précisément au niveau de l'île de la Nouvelle Zemble, située à environ 3000 km à vol d'oiseau. En fait les données satellites montrent même qu'on en retrouve des traces...à proximité de la Mer d'Aral! Soit 3000 km au sud de la Nouvelle Zemble: une partie du SO2 a donc parcouru plus de 6000 km et garde un concentration suffisante pour être détectée depuis l’espace. Plutôt impressionnant pour une éruption essentiellement effusive, il faut le reconnaitre.

Extension du panache de dioxyde de soufre du volcan Bardarbunga, 10 septembre 2014
Le panache de SO2 du Bardarbunga s'étend déjà loin de sa source mais reste repérable. On peut noter une autre source de SO2: le volcan Niyragongo. Image: SACS/ESA
Le panache reste très impressionnant sur les images webcam et, chose rare, on a pu l'observer complètement aujourd'hui, sans être gêné par les nuages: cela permet de se rendre compte de ses dimensions, surtout quand on se souvient que les webcams sont positionnées à 20 km de la source du panache.

Le panache riche en dioxyde de soufre du volcan Bardarbunga, 10 septembre 2014
L'impressionnant panache de gaz de l'éruption d'Holuhraun-Bardarbunga, vers 18h45 (heure locale). Image: MILA

2- on poursuit avec la caldera

L'activité sismique se poursuit sous la caldera et le scénario d'une possible éruption reste d'actualité. D'un point de vue purement mathématique je dirais, la probabilité qu'une activité explosive démarre au sommet du Bardarbunga augmente petit à petit tant que la sismicité se poursuit. Ces secousses étant le fruit de l'affaissement d'une portion de croûte haute de 10 km il est tout à fait possible que le magma qui, pour le moment, part dans le dyke puisse finir pas exploiter l'une des failles qui produit ces secousses pour remonter vers la surface et faire éruption sous le glacier.

Par ordre d'intensité croissante les volcanologues ne maintiennent maintenant plus que trois scénarios probables et, pour toutes celles et ceux qui auraient du mal à visualiser ces scénarios, ils ont même pensé à en faire une rapide infographie: ça c'est cool.

Scénario 1: l'éruption se poursuit sans changement, juqu'à son extinction. Au sommet le glacier ne montre qu'un affaissement léger.

Image: blog Bardarbunga Volcano


Scénario 2: L'affaissement de la caldera est telle qu'elle agit comme un piston qui renforce l'injection de magma dans le dyke et prolonge voire renforce l'éruption dans la plaine d'Holuhraun. Ce scénario envisage que la fissuration reprenne et se produise sous le glacier, ce qui pourrait déclencher des Jolkulhaups et des éruptions sous-glaciaires. Le glacier se retrouve franchement déformé. Ce scénario reprend des éléments des anciens scénario 2 et 3 et y intègre l'action de l'affaissement de la caldera.

Image: blog Bardarbunga Volcano

Scénario 3: l'éruption fissurale s'arrête parce que le magma a trouvé une voie vers la surface en longeant la paroi de la caldera. Dans ce scénario l'éruption peut devenir violemment explosive. Ce scénario est l'ancien scénario n°4.

Image: blog Bardarbunga Volcano
3- l'anectode du jour

L'éruption en cours serait, d'après les volcanologues, déjà constituée de 7 phases éruptives différentes. Ils semblent maintenant considérer en effet que l'apparition des chaudrons près du bord du glacier du Dyngjujokull sont le résultats de petits épisodes éruptifs sous glaciaires, quelque chose de similaire à ce qui s'était produit le 29 août. En plus de ces 3 épisodes + celui du 29 août (4) il y a l'épisode en cours (5), la petite fissure qui n'a fonctionné que deux jours au sud de l'éruption principale (6) et la formation des chaudrons au sud-est du Bardarbunga (7) qui avaient été observés le 28 août.

J'avoue ne pas comprendre exactement pourquoi les volcanologues font 7 étapes différentes. De mon côté j'ai plutôt tendance à n'en voir que 3: les chaudrons du 28 août, la fissure du 29 août et la fissure du 31 août qui fonctionne essentiellement sur la portion qui délivre la coulée (et l'immense panache), mais qui a fuité à quelques reprises un peu plus en amont (1 fois à l'extérieur du glacier, et 3 fois sous le glacier).

Mais ce n'est pas parce que je ne comprend pas, ou que ça ne me parais pas logique au premier abords, qu'il n'y a pas une bonne raison derrière ce découpage.

Mise à jour 11 septembre, 22h26

L'activité étant stable et aucun élément nouveau n'ayant fait son apparition aujourd'hui, cette mise à jour sera courte.

Concernant les coulées, le front continue de progresser vers le nord en suivant le lit de la rivière Jökulsá á Fjöllum, sans déclencher d'activité explosive.
Les volcanologues estiment qu'à cette vitesse le front pourrait atteindre la jonction entre la   et la rivière Svarta dans les 2 à 3 jours qui viennent. Cette jonction pourrait commencer à modifier notablement le réseau hydrographique local en bloquant l'évacuation de l'eau de la Svarta dans la Jökulsá á Fjöllum: il n'est donc pas impossible qu'un lac de retenu apparaisse dans les semaines qui viennent.
Pour moi ce sera un peu le mystère des jours à venir: un lac va-t-il se former ou non? Suspens!!!

En attendant je ne voudrais pas avoir trop l'air de la ramener avec l'Auvergne mais je crois que c'est l'occasion de montrer, à celles et ceux d'entre vous que n'êtes jamais venus, ce que ça donne quand une coulée de lave assez imposante barre le cours d'une rivière. Le cas a été repéré de longue date par les volcanologues à plusieurs endroits en Chaîne des Puys. Mais le plus spectaculaire et visible est sans nul doute le cas de la rivière la Veyre, barrée par l'importante coulée émise lors de l'éruption des Puys jumeaux de Lavache et Lassolas. Empêchée d'aller plus en aval, l'eau du cours principal, qui descend du Puy de Védrine (Mont-Dore) et d'un affluent s'est accumulée de chaque côté de la coulée créant respectivement les lacs d'Aydat et de La Cassière. C'était il y a  8300 ans.

Les volcans des puys de Lavache et Lassolas et leur coulée, en Chaîne des Puys
Une rapide infographie pas très belle pour montrer les deux cônes (Lavache et Lassolas) la coulée qui s'en échappe et les deux lacs créés au moment de l'éruption. Image: Culture Volcan

Concernant la caldera la sismicité se maintient sans montrer de signes d'affaiblissement. Sans changer d'intensité, elle est même devenue plus importante que la sismicité sur le dyke qui, elle, continue de s'éteindre tranquillement.

Localisation des séismes dans la zone du volcan Bardarbunga-Holuhraun, 11 septembre 2014
Localisation des seismes dans la zone du Bardarbunga le 11 septembre. Image: Culture Volcan
Sources: I.M.O; Bardarbunga Volcano (blog); SACS/ESA; Visìr; MILA;

8 commentaires:

  1. Bonjour et merci pour votre super blog !!!

    Pouvez-vous me dire si la camera Bardarbunga 2 de Mila a été changée de place ou si c'est une modification dans l'éruption car la vue actuelle est différente que celle que j'avais encore ce matin... Merci beaucoup pour votre travail en tous cas !

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    1. Bonjour et merci pour les compliments: ca fait plaisir :-)
      Pour la webcam: elle a juste été zoomée sur les fontaines.
      Bonne journée à vous.

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  2. Oh merci beaucoup pour la réponse, j'ai eu un moment de panique !

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  3. Il serait potentiellement possible qu'il n'y ai plus de sismisité sur le dyke et que l'effusion perdure ?
    Du moment que la faille est ouverte, il n'y a plus de raison qu'elle joue si le débit reste constant, je me trompe ?

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    1. C'est tout à fait possible oui: la sismicité est liée à de la fracturation donc à une certaine contrainte qui s'exerce sur la croûte.
      Lorsque le dyke est ouvert de façon optimale et que le magma s'écoule sans problèmes toute la pression qu'il exerce, de part les gaz qu'il contient, lui sert uniquement à remonter vers la surface. Si le débit augmente il y a des chances pour que la sismicité remonte un peu. Inversement même: si on voit que la sismicité augmente sensiblement, cela peut être le signe d'une arrivée un peu plus importante de magma.

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  4. encore merci pour toutes ces explications que même le béotiens que je suis comprends !

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    1. Bonjour et merci de ce compliment: c'est l'objectif premier de ce blog et je suis donc ravi (et rassuré) de voir que je parviens à l'atteindre.

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  5. je suis folle amoureuse de ce pays ! Merci pour toutes ces infos passionnantes !

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