21 juillet 2014

La coulée de lave du volcan Semeru

Le Semeru est un volcan qui est bien connu des volcanophiles. Peu d'entre nous qui ont foulé le sol indonésien n'ont pas prévu, au moins une fois, de passer par l'observatoire du VSI ou tenté l'ascension au Jonggring Seloko, le sommet de l'édifice. Pour une raison sommes toutes assez simple d'ailleurs: c'est un volcan en activité quasi-permanente depuis 1967 et il serait dommage de ne pas aller jeter un oeil.
Son activité est surtout connue pour sa partie explosive car c'est là sa principale dynamique: des explosions vulcaniennes, très souvent faibles, parfois modérées, de temps en temps violentes lorsque
le volcan entre dans une phase plus active.
C'est une éruption qui peut aussi générer des phases plus calmes*, extrusive avec formation de dômes, ces derniers se déstabilisant rapidement dans l'imposante ravine qui découpe le haut versant sud-est du volcan (ravine qui alimente la rivière Kembar) en générant des avalanches de blocs et/ou des écoulements pyroclastiques. Parfois ces dômes s'étirent dans la pente de la ravine et génèrent une langue: on parle alors de dôme-coulée, voire de coulée tout court si la langue devient très longue (comme au Sinabung par exemple**).

Depuis 2012, année où des écoulements pyroclastiques ont été recensés en février, et le niveau d'alerte élevé à 3 pendant quelques temps, un dôme est en croissance au sommet du Semeru. Sa présence avait été observée par Aris Yanto, guide de Ndeso Adventure, qui avai fait une comparaison d'images intéressante permettant de constater la lente croissance de cette masse de lave entre 2011 et 2014.

Croissance lente du dôme du Semeru.Images: Aris Yanto/Ndeso Adventure
Sur ces images, en particulier sur celle de droite, un peu moins sur celle du milieu, on peut noter la présence d'une zone plus chaotique qui émerge de la partie centrale du dôme pour aller pleine gauche (vers le sud-est) et plonge dans la ravine. Il s'agit là d'un départ de coulée dite "à blocs" (on comprend pourquoi en regardant son aspect chaotique), qui est une autre conséquence de l'extrusion qui produit aussi le dôme. La situation est donc similaire à ce que connait le Santiaguito, au Guatemala, par exemple.
Ainsi depuis 2012 le Semeru est-il plus sur un mode d'extrusion, bien qu'il ait continué de produire de petits panaches plus ou moins riches en cendres (moins que plus d'ailleurs). Cela me permet, déjà, de donner une seconde interprétation possible aux images que j'avais transmises dans un post rédigé en novembre 2013, dans lequel je pensais qu'une activité explosive pouvait être la source d'avalanches de blocs. A la lumière de cette info (présence d'un dôme) il est plus probable que les avalanches repérées ne faisaient pas suite à une explosion mais à un simple éboulement du bord du dôme qui surplombait alors la ravine.

Mais depuis fin juin la lave semble s'être largement étirée dans la ravine. C'est en tout cas ce que suggèrent les données satellites produites par l'ASTER car l'on y voit, grâce aux données thermiques, une langue, longue de 1500 à 2000 m environ, à haute température. Ses bords nets évoquent plus une coulée qu'un dépôt de blocs chauds liés à des avalanches répétées, dont les bords de l'anomalie seraient un peu plus diffus (l'intensité du signal serait aussi probablement  un peu moins fort).
Et puis, surtout, sa forme change de manière importante entre les 07 juin et 16 juillet et progresse nettement dans la pente.


Progression d'une anomalie thermique dans la ravine Lengkong. Images: ASTER/GSJ

Moins facile à voir que celles du Stromboli ou de l'Etna***, la présence de cette coulée se manifeste malgré tout par des éboulements quasiment incessants dans la ravine Kembar, bien visibles sur les images de jour de la webcam. Ce qui fait fortement soupçonner la présence d'une coulée, conjointement aux données thermiques, c'est que les éboulements en question ne démarrent pas du sommet, où se trouve le dôme, mais 1500 m plus loin, dans la pente. Cette distance de 1500m est aussi cohérente avec la longueur de l'anomalie thermique ci-dessus.

Eboulement de blocs au front de la coulée

La présence de coulées sur le Semeru n'est pas rare. Les plus récentes que j'ai pu repérer sont apparues en 2010, vraisemblablement tout au long de l'année, mais aussi en mars 2012, après la phase d'écoulements pyroclastiques.


Depuis mai 2012, le niveau d'alerte reste au jaune.


Sources: ASTER ; VSI; ACTIV


*Contrairement à une idée bien ancrée, la présence d'un dôme n'est pas systématiquement synonyme de mort, destruction et désolation. Tout dépend de la lave qui le constitue: un magma largement dégazé peut produire un dôme sans activité explosive importante (Mont St Helens 2005). Par contre un magma de haute viscosité ET riche en gaz sera bien plus dangereux en raison des explosions qui le pulvériserons avec violence.

**pour le Sinabung on ne peut plus, strictement, employer les termes de "dôme" ou "dôme-coulée" qui correspondent à des morphologies particulières. Ce qui est alimenté au Sinabung est réèllement une coulée, bien que la lave soit de très haute viscosité.

***: aucune image satellite accessible n'a la résolution suffisante pour la voir distinctement et elle ne semble pas assez contrastée par rapport aux cendres qui remplissent la ravine pour la voir correctement sur les images webcam. Enfin, il s'agit d'une coulée visqueuse dont la surface n'est pas vraiment incandescente, contrairement aux coulées de laves fluides et très chaudes: impossible de la voir sur les images de nuit de la webcam!

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