Que se passe-t-il sur le volcan Sangeang Api?

Depuis l'éruption paroxysmale du 30 mai dernier, qui avait généré une impressionnante colonne de cendres et ce qui fut probablement, pour le moment en tout cas, le plus important écoulement pyroclastique de l'année, l'activité ne cesse de décliner.

Cela est bien décrit dans un bulletin que les volcanologues indonésiens viennent tout juste de mettre en ligne dans lequel est indiquée en particulier la diminution de la sismicité dans la première quinzaine du mois de juin. Cette baisse de l'activité les a d'ailleurs poussés à abaisser le niveau d'alerte du

volcan d'un cran qui, du coup, est ramené à "Waspada" (2 sur une échelle de 1 à 4).

Oui mais le bulletin explique aussi que la nuit une lueur incandescente reste visible dans la zone sommitale, appelée Doro Api. Et ça tombe bien car je ne savais trop quoi penser d'un certain nombre de signaux visibles sur les données satellites et qui trouvent là une explication cohérente.

Le MODVOLC est un algorithme* élaboré par l'HIGP (Hawaï Institut of Geophysic and Petrology) pour trier automatiquement les données récoltées par les capteurs des satellites MODIS, et plus particulièrement de tenter de repérer, via un certain nombre de critères, les données thermiques issues de l'activité volcanique. 

Grâce à cet outil, indispensable, la présence d'une activité anormale peut être sinon décrite, du moins suivie, ce qui est le cas pour le Sangeang Api.

Depuis le 07 juin en effet une "activité thermique" a commencé à être repérée au sommet du Sangeang Api, au niveau du Doro Api, qui avait été le siège de l'éruption du 30 mai. Pour voir si l'absence de signal entre le 30 mai et le 07 juin était dûe à l'absence d'activité significative ou à la présence de nuages*, j'ai donc regardé toutes les images satellites entre ces deux dates et les aient comparées aux données du MODVOLC.

L'anomalie thermique apparait le 07 juin au sommet du Sangeang Api. Images: MODIS/NASA; MODVOLC/HIGP

Il se trouve que le temps fut particulièrement dégagé entre le 30 mai et le 07 juin et qu'il n'y a pas de présence significative de nuages, en tout cas pas assez pour bloquer un  signal thermique intense.

Conclusion: le signal thermique qui fait son apparition le 07 juin sur le MODVOLC est dû à un changement d'activité sur le volcan...oui, mais lequel? Rien n'est visible sur les images satellites, de trop faible résolution. Et puis il suffit que la source du signal thermique soit de taille modeste pour que le simple dégazage du volcan le cache, même sur une image de haute résolution. Ce fut le cas le 09 juin, journée avec très peu de nuages, où l'anomalie thermique est bien visible sur le MODVOLC mais où rien n'est visible sur une image ASTER en très haute résolution.

Anomalie thermique du MODVOLC et image ASTER haute résolution, toutes les deux produites le 09 juin: même en haute résolution on ne voit pas clairement la source du signal thermique. Images: MODVOLC/HIGP; ASTER/GSJ

Les jours suivants, cette anomalie thermique reste présente:

* systématiquement les jours sans nuage 

* parfois absente mais uniquement les jours où des nuages étaient présents.

On peut donc raisonnablement en déduire que la source qui émet ce signal est continue et que l'absence d'anomalie au MODVOLC est imputable uniquement à la présence de nuages*. Mais quelle est cette source (question que je posais déjà le 09 juin)? A ce stade le mystère reste entier.

Le 11 juin, journée vraiment belle sur le volcan, l'anomalie thermique montre une ampleur particulièrement importante, allongée d'ouest en est. Elle se positionne dans la zone où, le 30 mai, l'écoulement pyroclastique principal s'est mis en place. La forme allongée est étrange et, surtout, le signal thermique est vraiment fort: la source ne peut être autre chose que de la lave, seule source sur un volcan à même de créer ce signal.

Oui mais la lave peut prendre différentes formes selon qu'elle est fluide, visqueuse, émise tranquillement ou pulvérisée en cendres par des explosions. Cette source est-elle un dôme, une coulée, autre chose?

J'en reviens au rapport rédigé par les volcanologues. Ils expliquent qu'historiquement, l'activité éruptive du Sangeang Api a souvent débuté par une activité explosive (généralement vulcanienne), suivie par la suite soit de la production d'un dôme de lave, si la lave qui fait éruption est visqueuse, soit de la mise en place d'une coulée de lave, si elle est fluide. 

Rien d'étonnant en soit: beaucoup de volcans ont, dans leur histoire, des éruptions passant d'un extrême à l'autre.

Et cette fois encore, l'activité  du Sangeang Api reste en cohérence avec ce qu'elle a été durant toute la période historique car, depuis le 07 juin, c'est une coulée de lave qui se met en place sur le versant sud-est, dans l'une des ravines qui a été affectée par l'écoulement pyroclastique du 30 mai, et qui est la source du signal thermique repéré par le MODVOLC.

La présence d'un dôme se manifeste généralement par une anomalie thermique forte mais concentrée sur la zone où le dôme est en croissance. La forme allongée de l'anomalie thermique du 11 juin donne déjà une indication sur le fait qu'il pourrait s'agir d'une coulée de lave et non d'un dôme. Mais le problème sur le MODVOLC c'est que la position des anomalies thermiques n'est pas d'une très grande précision. On ne peut donc pas être certain à 100% que la forme allongée ne soit pas dûe au hasard.

C'est un autre satellite que le MODIS qui apporte une réponse claire et tranchée à la question de la source: une image a été réalisée le 11 juin dernier par l'ASTER et montre clairement une coulée, longue déjà de 2 km environ.

La coulée de lave du Sangeang Api, le 11 juin, repérée par le MODVOLC, mais vue par l'ASTER. Images: MODVOLC/HIGP; ASTER/GSJ

Il ne reste plus désormais qu'à trouver des volontaires pour aller observer cette coulée et en rapporter des images.

Sources: ASTER/GSJ; MODVOLC/HIGP; VSI

*: l'eau des nuages absorbe le signal thermique: plus il y a de nuages, moins le signal peut arriver jusqu'au capteur. L'absence d'un signal thermique sur le MODVOLC ne signifie donc pas toujours l'absence d'activité volcanique.