Volcan Tungurahua: nouvelle hausse de l'activité

Dans un bulletin spécial mis en ligne hier l'Institut de Géophysique Equatorien (IGPEN) indique que l'activité a connu un net regain d'intensité.

En substance le rapport indique que, suite à l'importante phase du 04 avril, l'activité éruptive a lentement décliné pour passer d'un stade continue (émission permanente de cendres) a un stade discontinu (émission de cendres par à coups). Mais en plein nuit hier, à 02h28 du matin heure locale, l'intensité de l'éruption est à nouveau montée d'un cran alimentant à un nouveau un panache de cendres continu. La mise en place de cette nouvelle étape de l'éruption est particulièrement bien visible sur les sismogrammes qui montrent une hausse rapide du trémor (vibration continue) associé à l'éjection des gaz et cendres, qui sature complètement l'appareil.

Evolution de la sismicité le matin du 09 avril: on voit bien le trémor (vibration permanente) augmenter jusqu'à saturation (= il manque les pointes des vibrations sur le tracé). Image: IGEPN

Cette nouvelle phase s'accompagne de grondements entendus jusqu'à Ambato, à 30 km au nord-ouest
environ et d'une fontaine de lave qui, fait rarissime, est parfaitement visible sur les images de la webcam installée à l'Observatoire (OVT), à une quinzaine de kilomètre au nord-ouest du volcan. Cette activité explosive a projeté une très grande quantité de bombes et de blocs dont certains ont roulé sur environ 2000 m de distance, donc loin des zones habitées.

Fontaine de lave vue par la webcam de l'OVT, le soir du 09 avril. Image: IGEPN

Cette activité explosive de type fontaine de lave est à l'origine du panache qui, tout au long de la journée d'hier (et encore actuellement à en croire le sismogramme qui reste totalement saturé), a été suivi de chutes de cendres dans de nombreuses zones du versant sud-ouest (El Manzano, Choglontus). Pour être précis, le rapport fait en réalité état de deux étapes distinctes: la première entre 02h28 et 09h00 du matin (heure locale) avec un pic d'intensité vers 05h00 du matin. Puis une seconde hausse de l'intensité éruptive à partir de 13h00 qui semble se poursuivre en ce moment.

Le rapport indique aussi que cette nouvelle phase a été précédée d'une hausse importante de l'émission de SO2, qui est passé d'un peu plus de 1700 tonnes par jour le 06 avril à presque 10000 tonnes le 08 avril! La bonne nouvelle c'est que cette évolution rapide du dégazage indique que les conduits ne sont pas bouchés.

Le journal Equatorien El Heraldo indique dans un très court article que les routes d'évacuations semblent en bon état, mais certaines d'entre elles restent menacées par les lahars dont certains sont descendues dans les ravines du versant nord-ouest (Achupashal a été touchée hier).

Les volcanologues évoquent enfin deux scénarios: soit l'activité décline tranquillement au fur et à mesure que la surpression produite par la poche de magma qui alimente l'éruption depuis le 04 avril s'épuise. Soit une nouvelle poche de magma se met en place et réalimente la surpression. Dans le premier cas l'éruption devrait progressivement décliner, avec peut-être quelques phase de hausse temporaire. Dans le second cas il pourrait y avoir de nouvelles phases paroxysmales avec écoulements pyroclastiques.

Mise à jour 11 avril 2014 (10h00)

Un nouveau bulletin spécial a été publié hier par l'IGEPN. Les volcanologues indiquent en particulier qu'une coulée de lave a commencé à progresser dans la ravine Mandur, ouverte sur le versant nord-ouest du volcan. Elle a été repérée entre les nuages par la présence en particulier de "fumées" suspects qui sont liées soit au dégazage de la lave en progression, soit à des éboulements au niveau de son front (la pente est très forte). Elle n'est pas facile à trouver mais avec un peu d'attention on peut la voir sur les images de la webcam de l'Observatoire Volcanologique. Les volcanologues estiment la longueur de la coulée à 2000 m, pour une épaisseur de 15 m et une largeur de 100m.

Localisation du front de la coulée de lave en progression dans la ravine Mandur. Image: IGEPN/OVT

A la lecture du rapport on a le sentiment que la coulée s'est mise en place le 10 avril, bien qu'il soit en réalité écrit qu'elle a été repérée a cette date. En regardant les archives de la webcam j'ose une hypothèse: elle pourrait avoir débuté sa mise en place dès le 09 avril au soir. Ce soir-le en effet les images produites par la webcam montrent une fontaine de lave en pleine activité. Elle alimente un panache de cendres qui, sans être de petite taille, n'est pas non plus hyper chargé. Or sur ces mêmes images on peut noter sur le haut versant nord-ouest, à peu près là où démarre la ravine Mandur justement, la présence d'une sorte de zone poussiéreuse, qui reste présente sur plusieurs images et prend de l'ampleur à partir de 23h17 (TU, soit 18h17 heure locale) environ. En regardant les images j'avais de mon côté attribué ce nuage de poussières à des retombées de blocs et bombes liées à la production du panache et n'ai pas spécialement pensé à une coulée de lave. Je n'y ais donc pas prêté plus d'attention que ça mais en lisant ce matin le rapport de l'IGEPN je pense possible qu'en réalité ce nuage de poussière soit lié au démarrage de la coulée. 

Ce nuages de poussières suspect pourrait-il être en réalité le démarrage de la coulée? Image: IGEPN/OVT

En effet, à bien y penser, il me semble étrange qu'un panache aussi peu dense puisse être associé a des retombées si abondantes qu'elle soulèvent un nuage de poussières qui ne cesse de prendre de l'importance alors que ce n'est pas le cas de l'activité explosive. Par ailleurs il est assez fréquent d'observer, lorsque les coulées de lave démarrent sur des pentes aussi raides, des éboulements presque constants, à même d'expliquer la présence du panache de poussière. Ces éboulements au front des coulées de lave peuvent d'ailleurs donner lieu à de véritables écoulements pyroclastiques, comme c'est le cas au Fuego (Guatemala) lors de ses phases éruptives les plus intenses.

Mais cela ne reste qu'une idée et nous verrons si des données nouvelles viennent l'infirmer ou la confirmer, ou si elle reste à l'état d'idée.

Mise à part ça on peut lire dans le journal Cotopaxi Noticias qu'au moins 7 villages ont été évacués dans le calme en raison de l'activité éruptive. Tous sont des zones habitées du versant ouest, de Cusua au nord-ouest à El Manzano au sud-ouest. Les habitants ont été répartis dans des refuges (appelées "Albergues" en amérique latine) situés soit à Penipe, au sud, pour les villages du quart sud-ouest (El Manzano, Choglontus, Bilbao) soit à La Paz, dans la banlieue de Pelileo au nord-ouest pour les villages du quart nord-ouest. 

Bon c'est clair que tous ces noms ne permettent pas tellement de visualiser ces évacuations préventives:  j'ai donc préparé une petite carte pour localiser tout ça.

Localisation des villages touchés par les évacuations et des deux centres où les personnes ont trouvé refuge.

Mise à jour n°2 (15h40)

Une vidéo tournée le soir du 09 avril circule actuellement sur Youtube. On y voit clairement que la fontaine alimente une importante chute de blocs et de bombes sur les hauts versants nord et ouest, a même de participer à la formation du nuage de poussière que j'ai montré sur la photo ci-dessus. Cependant, à partir de 5min53, on peut aussi voir apparaitre la coulée qui débord du cratère sommital. Discrète, elle se présente sous la forme d'une frange rouge persistante, juste sous la fontaine. Les images sont par contre trop sombres pour voir avec assez de netteté les éboulements qui y prennent naissance, et voir si eux aussi participent à ce nuage de poussières.
Quoi qu'il en soit la présence de la coulée dès le 09 au soir est confirmée.

Mise à jour n°3 (12 avril 2014, 12h40)

Un nouveau bulletin spécial a été mis en ligne par l'IGEPN, bulletin axé sur la coulée de lave. Il est indiqué que, sur la  base des données sismiques (apparition d'un trémor), la coulée aurait émergé à partir de 02h15 du matin dans la nuit du 09 au 10, donc le matin du 10 et non le soir du 09 comme je l'ai supposé dans la précédente mise à jour. Ce bulletin m'a donc incité à creuser un peu plus la vidéo afin de savoir si j'avais été victime d'une hallucination en voyant la coulée en train de se former. 

La première chose qui m'est venue à l'esprit c'est que, finalement, on se sait pas à quelle heure ont été tournées les images de cette vidéo. Le film étant intitulé "Volcan Tungurahua, 09 de abril 2014" il est logique de penser que toutes les images ont été tournées le 09. Or, elles ont été tournées dans la nuit du 09 au 10et celles qui montrent la coulées peuvent avoir été prises après minuit (donc le 10 au matin).

J'ai donc contacté l'auteur du film afin de savoir à quelle heure ont été tournées les images qu'il a utilisées pour son montage et suis en attente de réponse.

Cela ne change par contre rien au fait qu'on voit bien la coulée se mettre en place. Honnêtement elle n'est pas facile à voir au premier coup d’œil mais en comparant des images extraites de la vidéo à deux moment différents (05'40" et 08'26") ont peut voir qu'elle a progressé de quelques dizaines de mètres tout au plus.

Localisation de la coulée et mise en évidence de sa progression. Images extraites de la vidéo de Frankin Barriga

 

Reste donc à savoir à quelle heure ont été tournées les images que l'on voit à 05'40 et 08'26: était-ce le 09 au soir ou 1e 10 au matin?

La question peut sembler sans grande importance mais si il s'avère que c'est bien avant minuit que cette coulée s'est formée cela voudrait dire que le signal du trémor enregistré et attribué à son émergence ne serait apparu sur les enregistrements que plusieurs heures après l'apparition réelle de cette dernière.

En tout cas rares sont les images de cette coulée et je vous invite à lire le rapport de l'IGEPN pour avoir accès à quelques unes d'entre elles, prises par les volcanologues.

Mise à jour 14 avril (07h50)

L'auteur des images ci-dessus (Mr Franklin Barriga, photographe), sur lesquelles on voit apparaitre la coulée, m'a répondu ce matin: toutes les images du film ont été faites entre 18h30 et 21h00 heure locale. L'activité effusive a donc débuté le 09 avril au soir, soit environ 5 heures avant que le signal sismique de type trémor, associé à la coulée, soit apparu sur les enregistrements de l'IGEPN: un mystère volcanologique a élucider.

Côté éruption, des émissions de cendres relativement importantes et discontinuent ont été observées jusqu'au soir du 12 avril. Le rapport mis en ligne hier par les volcanologues de l'IGEPN indiquaient que l'activité restait assez intense le 12 avril mais le tracé des diagramme montre que, depuis hier (13 avril) la sismicité a baissé. Malheureusement la couverture nuageuse était hier trop importante pour savoir si il y a eu ou non des émissions de cendres conjointement à la baisse de sismicité.

Evolution de la sismicité le 13 avril: la baisse progressive est flagrante. Images: IGEPN/OVT

Sources: IGEPN, El Heraldo, El Comercio; Cotopaxi Noticias; @SherineFrance, Francklin Barriga (communiqué personnel)