C'est un volcan magnifique. Une véritable merveille sise à la frontière entre Corée du Nord et Chine, et pour cette raison, particulièrement méconnu des "occidentaux" en général. Les Chinois comme les nord Coréens, eux, visitent par milliers chaque année le Changbaishan (Paektu/ Baekdu/Tianshi sont certains de ces autres noms), accédant au sommet pour profiter de la vision, féérique, du lac qui l'occupe, appelé "lac du Paradis".
Vue générale du Changbaishan sur Google Earth |
Et pourtant, sa superbe caldera sommitale circulaire, d'un diamètre de 5km et profonde de 850 m, est (au moins pour partie) historique puisque des datations radiocarbone la situent vers l'an 969 ± 20 ans. Elle résulte même de l'une des éruptions historiques les plus puissantes (VEI 7), équivalente à celle du Tambora (1815) et supérieure à celle du Santorin (début d'été de l'an 1613 av JC (+- 15 ans)): ses dépôts recouvrent en effet une bonne partie de la péninsule Coréenne, et se retrouvent sans problème jusqu'au nord du Japon, pourtant à plus de 1000 km de là. Cette éruption est connue des volcanologues sous le nom de l'"Eruption du Millénaire" ("millenium eruption").
Restes d'une forêt détruite par l'éruption "Millénium". Image: Université de Cambridge |
Une étude publiée en 2011 par B-K Moon et al semble montrer que le panache, qui aurait fait le tour du monde en trois semaines environ selon leur simulation, a eu un impact important au minimum sur le climat asiatique, se manifestant par une importante chute de température.
Simulation du trajet du panache de l'éruption "Millenium", par B-K Moon et al |
Après cette éruption, l'activité de l'édifice s'est poursuivie et plusieurs autres éruptions, de bien moindre importance, disons même "classiques", se sont produites ce qui est assez normal après la formation d'une caldera. La dernière en date s'est déroulée en 1903.
Seulement voilà, plusieurs points justifient que ce volcan soit étudié. Plusieurs mais, il faut le préciser, pas parce qu'il est décapité par une caldera. La formation d'un tel objet sur un stratocône, de par les bouleversements qu'il créé dans la structure même de l'édifice et de par les volumes de magma libérés, écarte généralement pour très longtemps tout risque de récidive. Les volcanologues ne redoutent donc absolument pas qu'une telle éruption se reproduise avant longtemps.
Mais:
1- c'est le volcan le plus actif de Chine et de Corée du Nord
2- un site de tests nucléaires nord Coréen se trouve à environ 70 km. Il faudrait pouvoir en estimer la vulnérabilité face à un possible retour d'une activité éruptive.
3- l'édifice a été l'objet d'une importante crise sismique entre 2002 et 2005, qui avait permis à des volcanologues de commence à imager son sous-sol. L'hypothèse de la présence de deux chambres à 5 et 10 km de profondeur a été notamment avancée (la présence d'une chambre mantellique est aussi soupçonnée d'après des études de pétrologie). Mais il reste encore à expliquer les raisons de cette crise, l'idée d'une éruption en préparation ne pouvant être pour le moment écartée.
L'objet d'une telle étude n'est donc pas tant de surveiller/monitorer le volcan, que d'acquérir plus de connaissances sur sa structure (localisation plus précise des chambres par exemple), sur son histoire, sur l'éruption "Millenium"... et sur l'origine même du volcan. Car si il y a une question géologiquement importante le concernant c'est bien: "mais qu'est-ce qu'il fait là??". Ce type d'édifice (stratovolcan alimenté par des magmas fluides ou visqueux selon les périodes de son évolution) se rencontre en effet le plus souvent au niveau des zones de subduction, là où une plaque tectonique, généralement de nature océanique, coulisse sous une autre plaque, océanique ou continentale. Or la subduction la plus proche, où la plaque Pacifique coulisse sous le Japon, se trouve à... 1500 km à l'est. Difficile donc d'établir un lien direct, bien que cela ait été proposé par Liu R et al en 1998 sur la base d'analyses des laves.
Résumé de l'environnement tectonique dans lequel se trouve le Changbaishan. Image: Google Earth, annotée par Culture Volcan |
L'étude qui débute est née après une visite de l'édifice en septembre 2011 par une équipe composée de quelques scientifiques dont les volcanologues Clive Oppenheimer et James Hammond. L'opportunité d'étudier étant ouverte, une équipe internationale a été montée, offrant à des géologues Anglais et Nord-Coréens la possibilité, malheureusement rare, de coopérer.
L'équipe Anglo--Nord-Coréenne qui a posé les appareils de mesure. Image : Clive Oppenheimer |
MàJ 11 septembre:
Kayla Iacovino, étudiante en volcanologie à l'Université de Cambridge qui a participé à l'expédition, a transmis un interview podcastable (en anglais). Voilà le lien.
Kayla Iacovino, étudiante en volcanologie à l'Université de Cambridge qui a participé à l'expédition, a transmis un interview podcastable (en anglais). Voilà le lien.
Sources : BBC News; Université de Cambridge; ACTIV
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