6 septembre 2013

Le second volcan le plus vaste du système solaire serait...sur Terre

Du moins sous l'eau, puisqu'il se situe au large des côtes du Japon, dans le Pacifique nord-ouest, sur une zone connue depuis le début du 20ème siècle sous le nom de Shatsky Rise, dont il en constitue la partie la plus ancienne. Cette découverte, qui commence à être relayée par beaucoup de médias outre Atlantique, a été faite après 20 ans de recherches par le professeur William Sager et publiée ces jours-ci dans la revue Nature Geoscience.
Mais avant toutes choses, commençons par faire connaissance avec "La Bête", qui est parfaitement visible sur Google Earth.

Localisation du volcan Tamu. Image : Google Earth

Il s'agit d'un vaste plateau basaltique, qui culmine à environ 2000 m de profondeur. Ce n'est pas un volcan actif mais les restes d'un édifice qui s'est formé il y a 140 à 145 Millions d'années visiblement en peu de temps (géologiquement parlant bien sûr).
Ses mensurations sont tout simplement impressionnantes: long de 650 km et large de 450, il occupe une surface estimée à 290 000 km², là où le plus volumineux volcan actif terrestre, le Mauna Loa (Hawaï) n'occupe "que" 5200 km². Il détient aussi le record de la plus faible pente pour un édifice volcanique: entre 0.5 et 1°, alors que la plupart des volcans-boucliers ont des pentes jusqu'à 10 x plus fortes. Avec ces dimensions, il constitue le second plus vaste centre volcanique de tout le système solaire, pas très loin derrière l'Olympus Mons. Pour vous faire une idée, je vous ais préparé une rapide comparaison en image.


Olympus Mons,Tamu et Mauna Loa, vus à 1200 km d'altitude. Images : Google Earth
Il pêche un peu par contre au niveau de sa hauteur: seulement 4000 m, sans commune mesure avec Olympus Mons (22 000 m), ni même d'ailleurs avec Mauna Loa ou Mauna Kea son voisin (le plus haut volcan actif du globe) dont l'épaisseur de lave accumulée fait environ 9000 m. Au maximum de son activité, l'édifice a très vraisemblablement vu son sommet émerger hors de l'eau pour constituer une ou plusieurs îles rapprochées car des fossiles d'êtres vivants à proximité de la surface ont été retrouvés.

Le massif lui-même était connu auparavant par les spécialistes des plateaux basaltiques (dont la formation, dans les océans comme sur les continents, garde une belle part de mystère) mais il était jusqu'à présent considéré comme résultant de la coalescence de plusieurs édifices volcaniques distincts, un peu à l'image de Big Island (Hawaï), faite de 5 volcans.
Or des études sismiques, qui permettent d'imager le sous-sol par l'analyse d'ondes réfléchies et/ou réfractées ont permis à William Sager et son équipe d'avoir une idée de la structure du plateau. Ils savaient qu'il serait constitué de l'empilement de coulées, mais ils ont eu la surprise de constater qu'elles semblent toutes rayonner depuis la même zone. En contradiction donc avec l'hypothèse jusque là admise de la coalescence de plusieurs centres volcaniques.

Sa formation reste un mystère toutefois car elle implique la production en continue d'un volume de magma vraiment important, capable de libérer en surface jusqu'à 4.6 km3 de lave par an pendant plusieurs millions d'années. Les données acquises depuis de nombreuses années ont depuis longtemps fait poser l'hypothèse d'un panache mantellique (= points chauds), remontée de roches chaudes, mais solides, depuis les zones profondes du globe (manteau inférieur).

Toutefois une autre hypothèse est aussi envisagée par les mêmes spécialistes, dont William Sager. La composition des laves de Tamu montre en effet que la source qui a fondu pour les former semble être la même que celle qui sert à fabriquer le plancher de tous les océans. Mais cette source est différente de celle qui produit les îles d'Hawaï par exemple, qui résultent de l'activité d'un point chaud. La première source est superficielle: il s'agit du manteau supérieur (asthénosphérique) situé juste sous les plaques. La seconde est profonde, puisque c'est un manteau qui arrive de plusieurs centaines de kilomètres de profondeur, voir de la limite manteau/noyau, qui est généralement invoqué. Or ces deux manteaux n'ont pas la même histoire et leur composition n'a pas évolué de la même manière depuis la naissance du globe. Ainsi chacun a sa petite signature chimique inscrite dans les laves.
Il reste donc aux spécialistes à trouver ce qui a pu provoquer la fusion massive d'un manteau à priori "normal" il y a  140 à 145 millions d'années.


MàJ: un point de vue interessant sur le sujet est donné aujourd'hui par Erik Klemetti, qui a pu lire l'article du Nature Geosience. Il revient en particulier sur les résultats des études sismiques et de leur interprétation. A Lire.

MàJ: il faut absolument lire la version écrite par le Passeur de Science (Pierre Barthélemy): un beau travail de vulgarisation! 


Sources :
National Geographics
Sager W: "What built ShatskyRise, a mantle plume or ridge tectonics?"

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