L'éruption Minoenne est l'un des événements
volcanique majeur de l'âge du bronze. Elle
correspond à l'effondrement d'une caldera sur l'île de Santorin
vers 1613 av JC (Friedrich et al. 2006; Heinemeier et al. 2009).
Beaucoup de choses ont été découvertes sur cette éruption, tant
sur le plan volcanologique (reconstitution des différentes étapes
de l'éruption par l'analyse des dépôts) qu'environnemental, avec
des impacts recensés sur toute l'Europe (ralentissement de la
croissance végétale pendant plusieurs années en Suède, Allemagne,
Irlande, Turquie … et des tsunamis sur les côtes
méditerranéennes), que socio-culturel avec
le déclin post-éruption de la civilisation Minoéenne en crête.
Reconstitution de la dispersion des cendres de
l'éruption Minoéenne par la visualisation des isopaques (ligne
d'égale épaisseur) des dépôts de cendres. Image :
Wikimédia Commons
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En clair : bien qu'il reste beaucoup de choses à
découvrir concernant cette éruption et ses conséquences, un schéma
général cohérent est maintenant clairement établi grâce
aux découvertes réalisées dans des domaines aussi distincts
que la pétrologie ou l'archéologie.
Mais à quelle saison s'est déroulée cette
éruption? Il s'agissait là de l'un des détails sur lequel
planchaient plusieurs chercheurs.
Pour tenter de le déterminer avec un maximum de
précision, l'équipe d'Eva Panagiotakopulu (chercheuse
à l'Université d'Edimbourg, Institut de Géographie, école
de géosciences) a analysé les restes d'un coléoptère, le Bruchus
Rufipes, trouvés dans des jarres servant au stockage de graines
à l'époque Minoéenne.
Un Bruchus Rufipes mâle. Image: wikimedia commons. |
Ces jarres ont été trouvées dans l'une des
maisons d'Akrotiri, appelée «maison ouest». Elles
contiennent des graines de Lathyrus clymenum, sorte de petit pois.
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Au moment de l'éruption, les écoulements
pyroclastiques détruisent Akrotiri et recouvrent les jarres de leur
dépôt. La très haute température de ces derniers tue graines et insectes, ainsi que leurs larves: l'éruption fige ainsi
l'activité biologique qui avait lieu dans les jarres.
- Déterminer l'environnement des jarres
Pour arriver à un résultat crédible il a tout
d'abord fallu analyser le contexte dans lequel se trouvent les
jarres.
Des études sur la "maison ouest», et
particulièrement la pièce où elles se trouvent, ont montré depuis
longtemps qu'elle était dédiée au travail et au stockage des
récoltes.
L'approche ethnographique de l'île indique, de son
côté, que la récolte de Lathyrus clymenum se faisait
en plusieurs étapes, étalées entre les mois de novembre
(ensemencement) et fin juin-début juillet (conservation des
graines). La récolte des gousses avait lieu de
mai à juin, puis elles étaient
battues, fin mai-début juin, pour extraire les graines (pois).
Enfin, ces dernières étaient mises à
sécher au soleil avant d'être stockées, pour limiter le
développement des parasites et permettre leur conservation.
Les études entomologiques, enfin, ont permis de
déterminer le cycle de vie de Bruchus Rufipes. Il débute en
mars lorsque les femelles se gavent de pollen, nécessaire à la
maturation de leurs organes sexuels. Après la fécondation des
ovules, les œufs sont déposés dans les jeunes fruits (gousses) de
Lathyrus clymenum. Chaque larve présente s'installe ensuite
dans l'une des graines en cours de maturation pour mener à bien sa
métamorphose. Autre donnée importante : cet insecte ne se
reproduit qu'une fois dans l'année (insecte dit univoltin).
Le cycle de reproduction de Bruchus Rufipes, comparé au étapes de la culture de Lathyrus clymenum. |
- Analyser le contenu des jarres
L'étude des graines de Lathyrus clymenum
présentes dans les jarres indique qu'elles était partiellement
infestées par Bruchus Rufipes. L'insecte y est présent à
différents stades de son développement, mais contient surtout des
restes d'adultes.
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Comme le battage des gousses se faisait fin mai début juin, la présence d'adultes dans les jarres ne s'explique que s'ils sont sortis des graines après le remplissage des jarres, c'est-à-dire après l'étape de séchage.
D'autres analyses réalisées sur le site indiquent
que des températures de l'ordre de 300°C au moins (Braadbaart
and van Bergen 2005)
ont régné pendant plusieurs jours dans la «maison ouest». De
facto cela a empêché toute activité biologique de se développer
après que le dépôt ce soit mis en place: aucune dégradation, liée
à des moisissures par exemple, n'a été observée.
La qualité du contenu de la jarre plaide donc aussi
pour une récolte ayant eu lieu très peu de temps avant le départ de l'éruption.
Ainsi l'analyse combinée :
1- du cycle de reproduction de l'insecte parasite et
de sa plante hôte,
2- des habitudes ethnographiques des habitants de
Santorin en ce qui concerne cette même plante et
3- la qualité de préservation du contenu des
jarres servant au stockage des récoltes
permet de restreindre le moment où l'éruption
s'est produite à une fenêtre de 2, peut-être 3 semaines, fin juin ou début juillet, d'une année située vers 1613 +-13
ans avant JC.
Aller, je rêve un peu: c'était le 13 juillet 1613 av JC, il y
a 3626 ans aujourd'hui !
Je tiens à remercier chaleureusement le docteur
Eva Panagiotakopulu qui m'a autorisé la lecture de son article dont
ce post n'est qu'un modeste résumé :
"Ancient pests: the season of the Santorini Minoan volcanic eruption and a date from insect Chitin" (Eva Panagiotakopulu & Thomas Higham &Anaya Sarpaki & Paul Buckland &Christos Doumas, Naturwissenchaften, 2013)
"Ancient pests: the season of the Santorini Minoan volcanic eruption and a date from insect Chitin" (Eva Panagiotakopulu & Thomas Higham &Anaya Sarpaki & Paul Buckland &Christos Doumas, Naturwissenchaften, 2013)
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