12 juillet 2021

Un point sur l'activité aux volcans Krysuvik-Trölladyngja (mis à jour), Lewotolo et Nishinoshima

Krysuvik-Trölladyngja, Islande, 379 m

Après le premier hoquet éruptif du 02 juillet l'activité a continué jusqu'au 04 juillet, jour où elle a nouveau cessé quelques heures avant de reprendre tranquillement, jusqu'au 06 juillet. Là elle a cessé pour plusieurs jours, situation unique depuis le départ de cette éruption. Le comportement du trémor pendant cette période de calme de quasiment 4 jours a été malgré tout une tendance globale à la hausse, et non pas au calme plat, ce qui laissait supposer une probable reprise, qui a effectivement eu lieu dans la nuit du 09 au 10 juillet.

 

Cette reprise s'est faite progressivement au niveau du spatter-cône, avec probablement une faible activité explosive (spattering je suppose) dans le fond du cratère, mais rapidement c'est la mise en place d'une abondante effusion qui a marqué la particularité de ce nouveau départ. En effet dès 5h00 (heure locale) du matin, on pouvait voir une grosse coulée de lave descendre dans la vallée Meradalir par l'un des vallons déjà emprunté début avril (lors de l'ouverture de l'évent 2 et le 23 juin). L'image précédente, faite à 04h50 (heure locale) ne montrait pas de trace d'une telle effusion : le démarrage a donc été brusque (précisément à 04h51 sur le time code de la webcam mbl.is) et le débit très élevé, probablement l'un des plus importants depuis le début de cette éruption.


Gros changement d'ambiance en moins de 10 minutes! Images : vedur.is

La disparition momentanée des nuages sur la zone (enfin!!!) a permis de constater que cette effusion prenait naissance à la base du versant nord du spatter-cone, aussi je me suis amusé à regarder la morphologie de ce dernier afin de savoir si il y avait eu des conséquences mécaniques à cette abondante émission de roche en fusion.

Et il se trouve qu'en effet, on peut noter un changement de la morphologie du spatter-cone (plus précisément la lèvre nord du cratère), juste à l'aplomb de l'évent effusif.



Difficile sans images bien dégagées et faites de différents points de vue de caractériser précisément la manière dont le spatter-cone est déformé mais, à minima il y a un affaissement, suggérant que le départ de la coulée a produit une traction du versant nord du spatter-cone (donc sa fracturation et son affaissement). Au cours de la journée du 10 juillet l'activité de sapttering a commencer à reconstruire cette lèvre nord  dont une partie à même pu gagner un peu en hauteur.

Ce même jour on a pu constater aussi la remise en place de l'activité explosive intermittente, bien que celle-ci n'ai pas atteint le stade de fontaine de lave, mais de gros bouillonnement de la surface du lac de magma. L'effusion, quand à elle, est restée continue (probablement avec des variations de débits tout de même, je suppose) et en l'espace d'une journée seulement, a couvert la presque totalité du fond de la vallée Meradalir. On peut noter par ailleurs qu'un second évent effusif s'est ouvert à côté (et à l'est) du premier évent, vers 22h25 (heure locale), alimentant d'autant le champ de lave dans la vallée Meradalir.

Ouverture d'un second évent effusif à la base du spatter-cone, juste à côté du premier. Image : vedur.is


Peut-être (probablement?) en lien avec cette abondante effusion, le tracé du trémor montre une amplitude encore jamais atteinte depuis le départ de cette éruption.

Évolution du trémor entre les 02 et 12 juillet 2021. Image: vedur.is


Pour le moment les nuages ont à nouveau couvert la zone et masquent tout ce qu'il s'y passe : reste à  attendre et voir....

 

Mise à jour, 13 juillet, 19h15

L'activité se poursuit et reste toujours abondamment effusive, les coulées affectant toujours la vallée Meradalir. J'ai du mal à me faire une idée précise de la manière dont ça se déroule mais, il semble qu'en plus d'une effusion continue depuis les évents ouverts le 10 juillet, la paroi nord du spatter-cone soit maintenant totalement ébréchée et, à chaque phase de gros bouillonnement, une partie du lac de magma se déverse vers le nord par la brêche, ajoutant une effusion à l'effusion si je puis dire, le débordement recouvrant et suralimentant momentanément la coulée émise par l'évent.

Toutefois c'est un détail lié à cette brêche qui, personnellement, m’impressionne et me fait rédiger cette courte mise à jour.

Car en regardant les images de la fin de journée hier et de ce matin, dégagées de nuages, on peut en effet constater que le fragment de paroi du spatter-cone est en fait détaché du reste du spatter-cone et que, de fait, il est mobile.

 

Du coup, parfois (pas à chaque fois) qu'une phase d'activité accrue (grosse agitation du lac de magma et débordement par la toute neuve brèche nord) a lieu, hop! le fragment de spatter-cone est soulevé, puis il se remet dans sa position initiale une fois que la situation se calme, ce que l'on voit sur la comparaison d'images ci-dessus.

Alors bon, comme je peux pas me figurer avec précision la forme et les dimensions de ce "chicot"  j'ai du mal à estimer la masse soulevée mais ça m'a l'air assez lourd tout de même.

Source : vedur.is


Lewotolo, Indonésie,1423 m

L’activité éruptive qui a débuté en novembre 2020 se poursuit (avec peut-être une interruption en avril car la sismicité  était alors redevenue vraiment faible) et se maintient à une intensité modérée. Les images de la webcam installée à la base du versant ouest montrent régulièrement des panaches de cendres et (voir ci-dessous) des projections incandescentes sur les images de nuit, indiquant que cette activité est avant tout explosive.

Activité explosive au sommet du Lewotolo (ou Lewotolok), dans la nuit du 11 au 12 juillet. Image : MAGMA Indonesia

Toutefois il y a eu, pour la seconde fois cette année, une courte et peu intense phase d'effusion  depuis l'évent éruptif. Le modeste champ de lave produit (~25000 m² pour une longueur max d'environ 320 m au 07 juillet) implique une effusion à faible débit.

La coulée de lave, perçue vie son rayonnement thermique. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Le nouveau champ de lave, à la base du versant nord du cône actif sommital. Image : SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Cette activité reste assez discrète et , pour le moins qu'on puisse en juger, semble continue, en tout cas depuis avril.

Sources : MAGMA ; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus


Nishinoshima, Japon, ~ 100m

Je n'ai qu'une seule question : que se passe-t-il là-bas??? Honnêtement il est difficile d'y voir clair et je vais donc me contenter de faire la liste des quelques détails que j'ai pu glaner.

Tout commence par le MIROVA qui indique parfois un signal thermique fort sur l'île. Signal dont j'ai commencé par me méfier parce qu'il arrive parfois que ce type de signal ne soit pas du tout lié au volcanisme mais à des artefacts (pouvant être produits par la présence de nuages visiblement). Mais si j'ai commencé par ne prêter qu'une attention modeste elle s'est accentuée avec la mise en place d'un groupement significatifs de signaux thermiques forts dès la fin du mois de juin et qui se poursuit actuellement.

Groupement de signaux thermiques. Image : MIROVA

Ces signaux thermiques sont même, parfois (et relativement régulièrement), détecté par d'autres capteurs thermiques spatiaux (VIIRS; MODIS) ce qui diminue la probabilité d'une cause de type artefacts : la présence d'une source naturelle de rayonnement thermique sur l'île de Nishinoshima semble donc l'hypothèse la plus crédible. Mais encore faut-il la caractériser, et c'est là tout le problème :

1- les missions de surveillance des gardes-côtes se sont interrompues en janvier 2021 (donc pas d'image récente) 

2-  les seules données satellites de bonne résolution disponibles sont celles de LANDSAT 8, qui passe à peu près tous les 15 jours au-dessus de la zone donc, au maximum 1 image satellite tous les 15 jours (si on part de l'hypothèse qu'il n'y a jamais de nuages, mais ce taux chute évidemment dans la réalité).

3- MODIS donne des images quotidiennement ou presque mais à très très faible résolution (l'île est résolue par quelques pixels)

Or ces jeux de données satellites ne permettent pas de se faire une idée tout de suite cohérente de la situation. Par exemple, l'image LANDSAT 8 du 07 juillet ne montre absolument rein de spécial. Tout est calme, pas même une fumerolle visible (il doit y a voir, mais de trop petite dimensions et en dessous du seuil de résolution), excepté la trace d'activité fumerolienne sous-marine, marquée par la présence d'une tâche verte permanente le long de la côte sud. Et surtout : pas un signal thermique!

RAS sur l'île-volcan de Nishinoshima ce 07 juillet 2021. Image : LANDSAT 8/NASA-USGS

 

MAIS, le même jour, le capteur VIIRS embarqué sur Suomi NPP détecte des signaux thermiques groupé sur la zone du cône principal....

Groupement de signaux thermiques relevés par l'instrument VIIRS de Suomi NPP. Image MODIS & Suomi NPP/VIIRS

Et je précise que ces signaux ont été détectés par l'instrument VIIRS à plusieurs reprise ces 15 derniers jours : ce n'est pas une détection rare, ce qui est cohérent avec le groupement relevé par le MIROVA.

Je relève par ailleurs que le MODVOLC, algorithme qui traite les données MODIS (et qui, si je ne m'abuse, à un seuil de détection de signaux thermiques plus élevé que le MIROVA), ne relève, quand à lui, aucun signal thermique depuis fin juin, là où MIROVA en relève toute une série.

De ce point, qui me semble important, je pars sur l'idée que si c'est bien une cause naturelle qui produit les signaux thermiques, il ne s'agit pas d'une activité éruptive. Si ce n'est pas un artefact qui produit ces signaux, alors il faut vraisemblablement chercher une autre cause naturelle qu'une éruption.

À noter aussi qu'on peut voir fréquemment sur les images MODIS (très basse résolution donc) un nuage blanc allongé à l’extrémité duquel se trouve l'île. On peut penser à un panache de gaz volcanique mais je pars plutôt sur l'idée d'une condensation à basse altitude liée à la présence de l'île (un effet orographique) car ce nuage n'est jamais vraiment totalement accroché à l'île, en encore moins au cône actif: il semble se former à côté de l'île, exemple avec cette image faite par MODIS le 11 juillet.

Petit nuage blanc accroché à l'île, le 11 juillet 2021. Image: MODIS/NASA

C'est, je pense, ce que l'on voit aussi sur l'image LANDSAT 8 plus haut.

Donc pour résumer : des signaux thermiques groupées et relativement forts, mais pas assez pour être détectés par le MODVOLC, et pas de trace d'activité volcanique sur les rares images haute résolution disponibles.

Je penche donc pour deux causes possibles, au moins (car je ne doute pas que je manque d'imagination):

- la présence de ce petit panache blanc, orographique, qui renverrait une partie des signaux infrarouges émis par le soleil, comme un miroir (bien que normalement l'eau absorbe les infrarouge mais je suppose qu'il peut y avoir de la reflexion et de la refraction).

- le réchauffement du sol sombre de l'île par le rayonnement solaire. Il n'y a pas eu beaucoup de nuage sur la zone dans la période qui correspond au groupement de signaux thermiques de faible puissance relevés.

Toutefois, pas acquis de conscience, je vais rester vigilant sur cette situation : il m'est aussi arrivé de voir des activités éruptives faiblement explosives se produire avec, sur les images satellites, le calme plat entre deux explosions, sans même une fumerolle visible. Alors il ne me semble pas possible d'éliminer tout à fait la piste d'une petite activité éruptive bien que, je vous l'avoue, ma préférence ne va pas vers elle pour le moment (disons que ça manque de données pour y aller).

Sources : LANDSAT 8 - NASA/USGS; MODIS/NASA; MIROVA; MODVOLC

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