22 mai 2020

Volcan Ambrym : la véritable éruption fissurale de décembre 2018

14 décembre 2018 : après une série de secousses sismiques entre 13h00 et 20h00 TU (entre minuit et 07h00 heure locale le 15 décembre donc), une fissure s'ouvre dans la caldera sommitale d'Ambrym, non loin du cône Marum et de la zone de l'éruption fissurale de 2015. En émanent des fontaines de lave et un vaste champ de coulées en l'espace de seulement quelques heures (environ 24 heures) puis le magma cesse de s'épancher dans la caldera. Mais dans ce court intervalle, tous les lacs de magmas ont été purgés, d'importantes émissions de cendres ont lieu et se poursuivent au moins jusqu'au 17 décembre, et sont dues à d'importants effondrements dans les cônes Marum (pour l’essentiel) et Benbow. Par la suite, d’impressionnantes fractures font leur apparition sur la côte est, à plus de 20 km du site de l'éruption. Puis, plus rien...du moins c'est ce que je pensais.
Car d'autres détails son décrits dans un article publié le 11 décembre 2019 par Tara Shreve et al, dans Scientific Reports : "From prodigious volcanic degassing to caldera subsidence and quiescence at Ambrym (Vanuatu): the influence of regional tectonics" ("D'un dégazage prodigieux jusqu'à la subsidence de la caldera et la tranquillité à Ambrym (Vanuatu) : l'influence de la tectonique régionale"). Des détails qui décrivent une éruption un peu différente.

Cet article m'a intéressé pour deux raisons: 
1- il nous explique plus concrètement ce qu'il s'est passé en décembre 2018, et qui ne s'arrête pas à ce que l'on a pu observer à l'époque.
2- il donne un contexte géologique plus régional à cet événement, ce qui est toujours essentiel et bon à prendre.


Généralités

L'entrée en matière de l'article se fait par le biais de la présence d'une vaste caldera au sommet d'Ambrym, dont la formation est sujette à discussions. Pour l'essentiel, deux idées s'opposent et, si je voulais reprendre un peu un vocabulaire type 18ème-19ème siècle, je dirais que d'un côté du ring des idées on a:
- les "catastrophistes", pour qui cette caldera résulte d'un effondrement immense et est en lien avec une activité éruptive paroxysmale d'une très grande intensité (les  VEI 7, 8 et plus).

- Les "tranquilistes", pour lesquels cette caldera se forme par à coup, en silence, sans activité explosive notable (VEI 0)

Je précise tout de suite qu'on sait déjà depuis fort longtemps que certaines calderas se forment de manière catastrophique alors que d'autres peuvent se former sans bruit. Les deux façons existent, mais disons que la question n'est pas complètement tranchée pour Ambrym. 
Car on retrouve un immense dépôt de cendres  (de composition dacitique) qui peut faire penser à ce que laisse la façon "catastrophique", mais le volume de ce dépôt est bien inférieur à celui de la caldera, ce qui pose un problème important.

Et sans dévoiler la fin, je peux dire que l'article publié met plutôt une pièce dans la poche des "tranquilistes", sans pour autant empêcher le fait qu'une partie de la caldera aurait pu se former de manière plus brutale. J'ai dit plus haut que les deux concepts s'opposent : en réalité, ils peuvent avoir contribué l'un et l'autre, à des moments différents, à la formation de cette caldera.

Mais ce n'est pas le plus important de cet article, qui décortique littéralement l'éruption fissurale de 2018, à partir de données sismiques et spatiales (radar pour être précis).

J'ai repris en introduction les éléments connus de cette phase fissurale de l'éruption et, à l'époque déjà, se posaient un certain nombre de questions (cf l'article publié le 16 décembre 2018). En particulier : est-ce que le réseau de fissures, très important, observé sur la côte Est allait se traduire par une éruption? Il ne faut pas oublier que l'éruption fissurale du Kilauea 2018, qui avait des caractéristiques similaires, avait pris fin juste quelques mois auparavant et avait été très relayée dans les médias.

Il faut aussi préciser, car c'est un élément du coeur de cet article scientifique : la structuration d'Ambrym et du Kilauea ont des points communs:
- une caldera sommitale (bien qu'elles aient pu être produites de manières différentes)
- des rifts zones bien développées
- ce sont des magmas fluides qui sortent lors des éruptions
- il y régulièrement des lacs de magma


Kilauea et Ambrym : des structurations similaires produites dans des contextes différents


MAIS:
- le contexte géologique qui forme et structure Kilauea est un point chaud.
- le contexte géologique qui forme et structure Ambrym est une subduction (et même une double subduction)

Et cela implique des différences fondamentales car, mécaniquement, les deux situations ne se ressemblent pas du tout :
- Kilauea s'étale sous l'effet de sa masse et de lents glissements de la semelle sédimentaire sur laquelle il repose, et qui fait une couche ""savon". Cet tassement vertical, dynamique plutôt "passive", produit un étalement horizontal, qui l'étire (contraintes en extension)
- Ambrym se forme dans une zone de subduction (dynamique plus "active") où les roches sont écrasées les unes contre les autres (contraintes en compression)

Il est donc d'ores et déjà intéressant de constater que deux contextes géologiques totalement différents peuvent aboutir à des édifices volcaniques ayant des structures similaires.
Et il est encore plus intéressant de constater qu'en 2018 (mais ça c'est le hasard), en à peine quelques mois d'intervalle, ces deux structures volcaniques ont connu des évolutions similaires : purges de leurs lacs de magma sommitaux respectifs et mise en action des Rift-Zones.
Bref : des causes différentes qui aboutissent à des structures globalement similaires.

Pour tenter de mieux cerner le contexte de l'éruption fissurale de 2018, les auteurs de l’article ont réalisé des interférogrammes d'Ambrym afin de voire de potentielles déformations pré-éruptives. Ils ont couvert deux périodes:

- octobre 2015-mai 2017 : pendant cette période, la déformation dominante est la lente déflation (dégonflement) qui résulte de l'éruption fissurale de février 2015. Cette déformation ne se limite qu'à la caldera.

Interferogramme à partir de données radar prisent en 2015 et 2017, qui permet de constater un dégonflement dans la caldera. Image :  T.Shreve et al 2019


- mai 2017- 13 décembre 2018: dans cette période, l'interférogramme ne montre qu'une très très légère inflation (gonflement), mais si faible que les auteurs doutent même de l'interprétation de l'interférogramme. Bref : pas de déformation notable!

Interferogramme à partir de données radar prisent en 2017 et 2018, qui ne permet de voir qu'une très très légère inflation (gonflement) Image :  T.Shreve et al 2019


Mais revenons à l'éruption fissurale de 2018

La première chose à préciser est que le magma qui a été émis dans la caldera lors de l’éruption fissurale de 2018 a été échantillonné et analysé : c'est un trachy-andésite basique, donc assez fluide, mais déjà moins qu'un basalte par exemple. Or il se trouve qu'une étude précédente semblait indiquer que le magma (basaltique) qui remonte depuis sa zone de formation, dans le manteau terrestre,  subit une légère transformation, par cristallisation puis peux suivre deux voies:
- soit aller vers le sommet où il se mélange avec de petites quantités de magmas résiduels et encore plus transformés (cristallisés) pour produire un nouveau magma qui arrive à la surface et forme les lacs. Le magma des lacs est (était) donc le fruit de mélanges et la composition de trachy-andésite basique peut éventuellement résulter de ces mélanges.
- soit bifurquer dans les Rifts Zones et sortir plus loin du sommet, dans ou hors la caldera

Pour le 14 et 15 décembre 2018 il y a peu de doutes sur le fait que les fontaines de lave et les coulées observées puis échantillonnées proviennent des lacs de magma, puisqu'ils ont été purgés au moment de l'ouverture de la fracture. Grâce au passage du satellite ALOS 2, des données radar ont été acquises à peine une heure après le départ de l'éruption et leur comparaison avec des données pré-éruptive ont permis d'identifier un déplacement de plus d'1m en lien avec l'intrusion magmatique (le dyke). Les caractéristiques de cette déformation collent bien avec la modélisation d'un dyke large de 2 m et d'un volume total  de 34 millions de m3, mais dont seuls 10 millions ont été émis à la surface sous forme de projections (cendres-lapillis-bombes plus ou moins scoriacés) et de coulées.
Il y a donc eu rupture de la zone d'alimentation des lacs de magmas, à faible profondeur. Le dyke s'est alors propagé rapidement jusqu'à la surface pour sortir dans la caldera, alimenté par la purge des lacs et ce qu'il y avait dans le reste de la zone d'alimentation.

L'éruption est réputée avoir pris fin le 16 décembre vers 07h00 TU (18h00 heure locale), moment où les signaux thermiques disparaissent. Le Global Volcanism Program garde la date du 17 décembre probablement parce que la crise sismique associée se termine cette date-là.

Mais ce n'est pas la réalité.

Le 15 décembre à 20h21 (TU, soit le 16 décembre 07h21 heure locale), une importante secousse sismique (magnitude 5.6) se produit non loin de la côte Est, sur la Rift Zone. Elle marque le top départ d'une importante crise sismique qui, les 16 et 17 décembre, est accompagnée de déformations importantes de la Rift-Zone et d'une impressionnante fracturation du sol. Certaines fractures traversent des maisons à Pamal, sur la côte.

L'une des fractures du réseau qui s'est formé entre les 15 et 17 décembre 2018 et traversé le village de Pamal. Image: MJA Melanesian Journalists Association, via Nouvelle Calédonie La Première

Il est clair que les fractures liées à cette essaim de secousses en sont une manifestation vraiment spectaculaire, d’autant plus qu'elles impactent des habitations. Mais les données récoltées sur le terrain montrent qu'en réalité toute la zone côtière proche de Pamal a subit un soulèvement dont les conséquences sont même visibles depuis l'espace : le récif côtier, qui généralement affleure juste sous la surface de l'eau, est maintenant émergé!


Et si vous regardez bien la comparaison d'images, ont voit en réalité très bien le déplacement de la partie végétalisée de l'île aussi. Ce sont donc des mouvements très importants qui ont eu lieu lors de cette phase de l'activité. C'est un soulèvement de plus de 3 m qui a pu être observé en certains points, en particulier le secteur de Pamal.

Cette crise sismique ne se produit pas de manière dispersée, mais elle se révèle très bien contrainte:
- dans l’espace : elle se produit sur la Rift-Zone
- dans le temps: au fur et à mesure que le temps passe, les hypocentres des secousses se localisent de plus en plus loin de la caldera....jusqu'au 17 décembre. Puis la sismicité diminue et se révèle plus dispersée.

Répartition des secousses lors de la crise sismique de décembre 2018. L'étoile jaune en bas à gauche marque le Marum comme repère pour la mesure de la distance. Image : T.Shreve et al, 2019

Pour moi en tout cas l'histoire s'était arrêtée à ce moment-là : plus d'autres nouvelles en provenance de la zone, rien de particulier sur les données satellites. Pamal avait été rudement touchée en échappant toutefois à la destruction par la lave, mais l'éruption avait pris fin.

Mais non.

Car la crise sismique était due à l'injection en force de magma dans la Rift-Zone. Il a fallu environ 2 jours au dyke pour arriver au niveau de la côte Est et provoquer, en surface, la fracturation. Et les modélisations produites à partir des données terrain et satellites permettent d'estimer qu'il avait une épaisseur de 3 m environ pour plus de 30 km de long, correspondant à un volume minimum compris entre 419 et 532 millions de m3 de magma.
La zone de fracturation qui a atteint la surface, et s'est produite à l'aplomb du dyke, est large d'environ 400 m, ce qui est plutôt restreint et indique que le dyke n'était pas très profondément situé sous Pamal : ils ne sont pas passé loin d'une éruption dans ce secteur. Mais non : le dyke à poursuivit sa route dans la partie sous-marine de la Rift-Zone.

La crise sismique s'atténue brusquement le 17 décembre vers 16h00 TU (03h00 du matin heure locale le 18 décembre) : le dyke atteint la surface de la Terre, mais... loin des côtes! Sous une tranche d'eau qui en masque absolument toute trace. Depuis la lecture de cet article j'ai passé en revue toutes les images satellites possibles : pas une tâche colorée, rien de visible!

Rien? Pas tout à fait. Dès les 18 et 19 décembre, en réalité, des ponces basaltiques ont fait leur apparition sur le récif nouvellement émergé.

Les ponces basaltiques sombres sur le récif blanc. Image : T.Shreve et al, 2019


En se basant sur les travaux de la thèse d'Anthony Newton (2000), les chercheurs suggèrent que l'éruption a eu lieu à moins de 100 m de profondeur et a été soutenue, permettant aux ponces basaltiques de se solidifier dans la colonne éruptive avant leur contact avec l'eau, ce qui aurais permis l'emprisonnement de bulles et la flottaison des ponces.

Petite digression

De mon côté je ne peux m'empêcher de garder en tête qu'aucune tâche colorée n'a pu être repérée sur les images satellites. Si on prend comme référence l'éruption de 2011 à El Hierro (construction du cône Tagoro), qui a eu lieu par une profondeur d'environ 400 m et était assez soutenue, une tâche colorée était bien visible. Cela dépend évidemment de l'intensité de l'éruption mais si la profondeur est de moins de 100m pour Ambrym, on peut alors imaginer:

- soit une éruption localisée en une zone assez précise mais d'intensité trop faible pour avoir un impact visible à la surface de l'eau.

- une éruption globalement assez intense mais dispersée sur plusieurs évents, chacun étant le siège d'une activité trop faible pour devenir visible à la surface de l'eau. Cette seconde solution pourrait coller avec la nature fissurale de l'éruption et l'hypothèse des chercheurs quand à la faible profondeur de l'éruption.

Ce point précis pourra être abordé plus concrètement si il ya une récolte de données bathymétriques à l'avenir.

Fin de la digression

Les données radar ont permis de déterminer que dès que le dyke a entamé sa progression dans la Rift-Zone (donc dès le 15 décembre), toute la caldera a commencé à subir une subsidence (affaissement) qui a dépassé les 2 m sous les cônes Marum et Benbow, puis qui s'est atténuée dans les semaines suivantes. Les modélisations permettent de supposer la dépressurisation d'un réservoir sous la forme d'un sill, situé à environ 4500m sous le Marum. C'est de cette zone de stockage que c'est propagé le second dyke qui a fait éruption au large des côtes.
Il est intéressant de noter là que le magma qui est sorti lors de la phase sous-marine est décrit comme basaltique et non plus comme "tranchy-andési-basaltique", cohérent avec le fait que ce n'est pas le même niveau de la "plomberie" qui a alimenté la phase éruptive dans et hors la caldera.
Le modèle qui permet de mettre en cohérence les données récoltées sur le terrain et depuis l'espace. Image : T.Shreve et al, 2019
Le parallèle avec Kilauea est donc d'autant plus saisissant que l'éruption a eu pour conséquence une perturbation, une remodelage, d'une partie de la plomberie. Pas étonnant dès lors que les lacs de magma aient du mal à se reconstituer.
Mais ce parallèle reste fondamentalement fragile, superficiel. Il ne faut pas oublier que les contextes géologiques, fondamentaux, sont totalement différents.
Et il est intéressant de rappeler ici que les Rifts-Zone d'Ambrym sont orientées Ouest-Nord-Ouest et Sud-Est et ont donc une direction presque perpendiculaire à la zone de subduction d'Entrecasteaux (environ 20 km au large des côtes).

Pour comprendre ce qu'il se passe, il suffit de plier une feuille de papier en deux. Puis dans une main tenir la feuille par le pli, et de l'autre main tenir la feuille par les deux extrémités mises en contact.
Ensuite, rapprochez vos doigts (contrainte en compression = modélisation des contraintes lors d'une subduction) et que se passe-t-il? Les deux "demie-feuilles" s'écartent (extension = cause de l'apparition des Rift-Zones).

Des contraintes globalement compressives peuvent induire des contraintes localement extensives. Image :T.Shreve et al 2019

C'est donc la compression due à la subduction qui cause, localement, des contraintes en extension.

Le scénario de cette phase éruptive fissurale intense élaboré par les chercheurs sur la base des données qu'ils présentent est donc le suivant:

-  petit à petit, pendant plusieurs années, des contraintes mécaniques compressives s'accumulent sur la structure d'Ambrym, dues à la subduction d'Entrecasteaux toute proche.

- cette accumulation a pour effet de mettre une partie de la structure de l'île en extension (les rift-zones).

- les 14-15 décembre 2018 la partie amont et superficielle de la Rift-Zone Sud-Est cède ce qui purge au passage les lacs de magma, composés de trachyandésite basique.

- cette rupture superficielle provoque toute de suite après (dans les heures suivantes) une rupture plus profonde, qui prend racine vers 4500 m sous les cônes Marum et Benbow. Cette profondeur semble un peu plus importante que la source de l'éruption fissurale de 2015, qui était plutôt localisée entre 3000 et 4000m de profondeur et au sud-est du Marum. Le magma sous pression qui se fraye alors un passage dans la Rift-Zone est basaltique et n'a visiblement, pas eu le temps de connaitre les phases de mélanges qui ont été décrits dans d'autres études.

- cette dépressurisation brusque, due à la migration d'un volume important de magma, provoque l'affaissement de la caldera sommitale.

Il semble donc que la présence de la caldera d'Ambrym soit, en partie, le résultat d'éruptions fissurales en contexte compressif.

Cette activité éruptive sous-marine invisible s'est poursuivie jusqu'en février 2019 au moins, puisque plusieurs autres arrivées de ponces basaltiques ont eu lieu en décembre et février sur la côte est. Mais on ne connait pas le moment exacte de la fin de l'éruption qui, en tout cas, peut être renommée "éruption fissurale 2018-2019".

Et si je me réfère aux discussions qui ont eu lieu dans le post concernant l'éruption fissurale de 2015, il serait peut-être intéressant de voir si l'accumulation progressive des contraintes tectoniques sur la structure d'Ambrym ne pourrait pas être corrélée avec la hausse progressive du flux thermique produit par les lacs de magma.

Source :
 "From prodigious volcanic degassing to caldera subsidence and quiescence at Ambrym (Vanuatu): the influence of regional tectonics"; Tara Shreve et al, Scientific Report, décembre 2019

12 commentaires:

  1. Salut mister F,
    Très bon article, une fois encore. Je rebondis juste sur le dernier paragraphe pour me permettre un petit parallèle avec le Kilauea car il me semble que, quelques jours avant le déclenchement de l'éruption fissurale de mai 2018 vers Pahoa, le lac du Halemaumau était très haut avec des débordements réguliers. De la même manière, dans les mois qui ont précédé l'éruption fissurale d'Ambrym, le niveaux des lacs Bembow et Marum était très élevé. De mémoire on pouvait même observer la surface d'un 3ème lac dans un cratère adventif du Marum (Mbwelesu machin chose..., tu sauras mieux que moi :-)). Dans les deux cas, il y a donc eu peut être apport de magma frais dans la plomberie puis contraintes, fissuration et enfin éruptions latérales.
    A pelu
    Map

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  2. Hello Mr Map! Oui tu as de bons souvenirs : le niveau du lac de magma sommital était très haut malgré des variations.
    Cela fait partie des différences entre les deux situations. L'autre différence fondamentale entre Kilauea 2018 et Ambrym 2018-2019, c'est que la rift-zone du Kilauea était déjà utilisée comme voie de passage par le magma depuis 1983, ce qui n'est pas le cas à Ambrym. Il est probable que la possibilité pour le magma de passer par une Rift Zone soit facilitée au Kilauea par le fait qu'elle résulte d'une extension (ouverture). À contrario celle d'Ambrym résulte d'une compression (ce qui a tendance a maintenir les fractures fermées et les rend plus difficile à exploiter comme voie de passage) et les éruptions via les rift zones, en particulier hors caldera, sont moins fréquentes.
    Les points communs sont essentiellement au niveau des deux structures volcaniques (caldera + système de rifts) et par le hasard du fait que les deux systèmes volcaniques parmi les plus actifs du monde ont été purgés par deux éruptions fissurales à des moments similaires.
    Mais il y a probablement plus de différences que de points communs entre eux.
    L'étude sur Ambrym ci dessus n'évoque pas d'alimentation profonde supplémentaire comme déclencheur (ce qui n'exclue pas qu'il ait pu y en avoir une mais aucun indice géophysique ou géochimique n'est présenté pour l'évoquer). ELle semble suggérer que le système volcanique ayant accumulé trop de contraintes du fait de la subduction, a finit par céder : d'abords la partie amont de la Rift-Zone (avec purge des lacs de magmas) puis une partie plus profonde de la "plomberie" avec un magma qui se fraye un passage sur plus de 30 km par la Rift-Zone pour sortir sous-l'eau.
    @+ Mr M!
    CV

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  3. Salut CV !

    Décidément, Ambyrm nous dévoile des surprises en ce moment !

    C’est assez fou quand même qu’on n’ait pas entendu parler de ces ponces à arriver sur les côtes, notamment avec les réseaux sociaux qui aujourd’hui permettent de véhiculer tout un tas d’infos ! On ne peut clairement pas réfuter qu’une éruption sous-marine ait eu lieu, mais d’un côté, on a un dyke imposant : 30 km de long, près de 500 millions de m3 quand même, et de l’autre on a quelques ponces sur le rivage… Je dis « quelques » sans savoir s’ils en ont trouvé une grande quantité, mais les îles étant nombreuses dans le secteur, si elles étaient arrivées en quantité sur les plages des îles du coin, on l’aurait su je pense… Cela indique probablement une éruption de faible ampleur (même si elle a duré trois mois) alors que le volume de magma est énorme… intriguant !

    Autre élément intéressant, la formation de ponces basaltiques dans un dynamisme qui semble plutôt peu explosif, puisqu’aucun panache n’a pu être remarqué. Il serait intéressant de les comparer avec des réticulites, pour comprendre le mécanisme de vésiculation. Est-il magmatique comme le laisse supposer cet article (si j’ai bien lu ton analyse), ou « de surface » comme celles que j’ai pu observer sur la Fournaise (liée au brassage vigoureux dans le cône éruptif, comme de la mousse marine).

    J’ai trouvé aussi très intéressant me fait qu’ils aient pu distinguer deux dykes et donc que la vidange superficielle ait entraîné la fracturation dans la rift-zone et l’éruption, comme une sorte d’appel d’air probablement lié à la chute de pression…

    Enfin, j’ai un peu plus de mal avec l’explication des rift-zones sur Ambrym. Car avant d’évoquer les contraintes liées à la subduction, il me semble important de parler de celles liées au fait que ça soit une île océanique... J’avoue avoir du mal à ne pas imaginer un certain tassement vertical et un étalement, comme pour le Kilauea, même si la croûte océanique subit obligatoirement moins le poids de l’île que dans le cas d’un point chaud !
    Je ne dis pas que les contraintes compressives ne jouent pas un rôle, sur la disposition des rift-zones notamment, mais pour moi, leur présence est le témoin que l’extension est dominante sur l’île… Ce qui n’est pas le cas pour les volcans non océaniques dans les zones de subductions qui sont bien moins marqués par des rift-zones !

    Merci pour l’analyse,

    Ludovic

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    1. Salut Ludovic.
      Tu soulèves des points qui méritent effectivement d'être éclaircis:

      - on ne connait pas le volume réèl émis par l'éruption. Peut-être peut-on faire un lien avec le volume de la déflation de la caldera (~85 millions de m3 entre le 17 décembre et le 14

      février, soit 59 jours) mais en réalité la seule manière d'avoir un volume émis réaliste est une bathymétrie haute résolution, puis une "simple" comparaison de MNT.
      Après, il n'y a pas vraiment de soucis avec les dimensions du dyke : pour Bardarbunga il devait être du même ordre de grandeur, pour autant l'éruption a été essentiellement effusive et

      à produit assez peu de téphras (explosivité faible). Ca a pu être aussi le cas à Ambrym, d'autant plus qu'il y avait la pression d'une centaine de mètres d'épaisseur d'eau pour

      atténuer encore plus la dépressurisation et donc l'explosivité de l'éruption.

      Concernant la vésiculation : ta remarque m’intéresse et je n'ai pas d'informations précise là-dessus. Les chercheurs se sont basés sur des travaux antérieurs pour tenter d'avoir quelques informations sur les ponces mais ils n'insistent pas sur ce point : ce n'est pas le coeur de leur sujet.

      Concernant les Rift-Zones, la composante compressive pendant l'éruption est assez clairement établie par deux moyens différents:

      - sur le terrain les horsts sont des parties de terrain effectivement soulevées (le sommet du horst est plus haut que sa position initiale). L'illustration la plus spectaculaire est l'émergence du récif côtier (+ 2 à 3 m d'altitude) : ce n'est pas caractéristique des rift-zone produites par des tassements, où l'altitude des horsts et des grabens diminue, mais où les horsts sont des zones dont l'altitude diminue moins vite que celle des grabens.

      - L'autre est d'ordre sismique : les mécanismes au foyer de la plupart des secousses enregistrées pendant la progression du dyke dans la rift-zone sont cohérents avec les contraintes tectoniques régionales (même P-axis).

      Oui les Rifts-Zones sont liées à une extension locale, mais dans une zone globalement compressive : il n'y a pas de contradiction dans la situation géologique.
      En réalité il n'est pas rare que, quel que soit le contexte géologique, les structures volcaniques aient des zones de fragilité. Elle ne sont pas si actives et visibles que les Rift, mais peuvent toute de même être empruntées par le magma de temps en temps ("éruptions latérales"). On pourrait presque les considérer comme des "proto rift-zone" dans la plupart des cas. Parfois on a aussi de véritables Rift-Zones en contexte compressif, mais produits par un étalement comme tu le décrit (Tendurek (ou Tenduruk) Dagi par exemple, dans une zone de double collision continentale).

      Bonne journée :)

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    2. Merci pour ta réponse.

      Franchement, j’ai du mal à imaginer 85 millions de m3 s’épanchant à 100 m de profondeur sans aucune manifestation de surface, mis à part quelques ponces ! Le volume éruptif au Bardarbunga est très important, et cohérent avec la taille du dyke… Là, on a la preuve d’un dyke imposant mais rien qui traduit une éruption d’ampleur…

      La production des téphras en domaine sous-marin a pu être bien documenté justement à El Hierro. Un cône de projections a été repéré de 212 m de haut dont la cime se trouve à 88 m sous la surface. Cela sous-entend que des explosions sont possibles malgré la pression à partir de 300 m de profondeur (au moins) ! La production de ponces ne me gêne donc pas, c’est plutôt l’absence de manifestations de surface autre que ces quelques ponces que je trouve intriguant car pour El Hierro, elles ont été nombreuses !

      Concernant la vésiculation à l’origine des ponces, je n’imagine pas une vésiculation purement magmatique en réalité… Vu la viscosité du magma, il doit forcément y avoir un phénomène de surface qui permette une vésiculation efficace (emprisonnement de bulles d’eau marine vaporisée lors de la trempe de la lave ?)…

      Tu évoques des horsts en rapport avec l’émergence du récif côtier, mais elle peut aussi être simplement la conséquence de la mise en place du dyke (les déformations localisées sur la Fournaise sont de plusieurs dizaines de cm pour un dyke de 50 cm de large, alors vu les dimensions de celui-ci, cela ne serait pas étonnant). Je précise que j’écris ça sans savoir si cette déformation est localisée sur le dyke ou si elle concerne un secteur plus large…
      Quoiqu’il en soit, il est clair que les contraintes compressives jouent un rôle, important ou non, mais je pense que le fait que ce soit une île volcanique, cela joue aussi forcément un rôle. Car les rift-zones d’Ambrym me semblent bien plus actives que les pour les volcans non océaniques de subduction.

      Bonne journée à toi :)

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    3. Ce sont des questionnements qui sont intéressants et c'est pour ça que l'article m'a semblé intéressant à partager.

      Une hsoe est certaine: je comprend parfaitement ton étonnement quand au manque de manifestations en surface, d'autant plus que que j'ai cherché sur toutes les images satellites disponibles (SENTINEL, LANDSAT, MODIS) en étant persuadé de trouver ne serait-ce qu'un filet verdâtre, et que j'ai été étonné de ne rien voir du tout (après, peut-être que la tâche est apparue parfois mais que les nuages l'on masquée). Et j'avoue rester très étonné de cette absence. L'estimation de la profondeur du site éruptif, uniquement basé sur la texture des ponces, est peut-être sous-évaluée? Mais quoi qu'il en soit le site de l'éruption n'est pas à très grande profondeur (on atteint l'isobathe 1000 m à 10 km de la côte environ, ensuite ça plonge jusqu'à 2000 m et la subduction). Ou alors le débit de l’éruption n'était pas si important?
      Encore une fois : on ne saura quel volume réèl a été émis (et à quelle profondeur) que lorsqu'une bathymétrie aura été faite. La subsidence de la caldera a été exponentielle donc l'essentiel a eu lieu entre le 17 décembre et le 05 janvier à peu près puis ça devient moins important et ça devient plat ou presque vers la mi-février.
      Imaginons que les 85 millions de m3 de la subsidence soient une bonne estimation du volume total de magma émis au niveau du site éruptif sous-marin (et ça ce n'est qu'une hypothèse, le volume subsidé étant peut-être répartis en plusieurs causes : notamment un volume lié à la réorganisation du système d'alimentation. Le taux de l'éruption, rapporté à 59 jours (17 décembre - 14 février,) est de 16,7 m3/s en moyenne environ (85 000 000 / 59; /24; /3600). Pour Bardarbunga c'était 10 fois plus lors de la phase stable de l'éruption (150 m3/s à peu près, et à titre de comparaison : Fournaise 2007 était aux alentours de 50 m3/sec en moyenne (probablement plus en instantané)et Kilauea 2018 était à environ 100 m3/s en juillet (débit instantané pour le coup). Au fond c'est un débit moyen pas très important et si en plus il était réparti sur plusieurs évents, alors le débit moyen pour chaque évent était encore plus faible. Peut-être trop pour être visible sous 100 m d'épaisseur d'eau?

      Quand aux déformations, ce que j'ai compris c'est que la zone fracturée est large de 400 m environ (la zone déformée est bien plus large, mais sans fracturation observée ailleurs qu'à l'aplomb du dyke). La meilleur façon d'y voir clair sur ce point de détail est de demander aux auteurs pour voir si, dans les données récoltées, une composante "glissement latéral" peut-être extraite. une chose est acquise; les contraintes compressives sont fondamentales pour la structuration d'Ambrym : l'île est littéralement au bord de la subduction (et m'est avis que le fait que la pointe nord de l'île soit orientée parallèlement à la subduction n'est pas un hasard).

      Ensuite : une idée commence à germer dans ma tête par rapport aux ponces mais je manque d'info pour la travailler.... je vais tenter une quête d'infos :)

      @+!

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    4. J'ai vu ton questionnement sur Twitter !
      En fait, cet article permet de voir plus loin avec l'identification de cette éruption et ces deux dykes distincts. Par contre, il n'est pas sans poser de nombreuses questions !
      Le sujet m'intéresse particulièrement, je crois que j'ai un faible pour les éruptions sous-marines à faible profondeur ! ;)

      Bonne journée,

      P.S. : si tu réussis à obtenir des infos, je suis preneur ! :)

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    5. En fait je trouve particulièrement étrange depuis la lecture de l'article, et avant même la rédaction du post, de n'avoir aucune trace particulière de l'activité sous-marine (raison pour laquelle j'évoque El Hierro dans le texte). La topographie de la partie sous-marine de la Rift-Zone indique globalement une profondeur de 200 m à environ 1.7 km des côtes, puis 400 m à 3.6 km puis 600 m à 6,2 km...
      Et on arrive déjà à 1000 m de profondeur vers 10 km de distance des côtes. Si une éruption soutenue avait eu lieu à moins de 100 m de profondeur, donc à moins d'un kilomètre des côtes, on aurait été au courant, j'ai quand même peu de doute là-dessus.
      En tout état de cause une texture de ponce qui dit "colonne éruptive soutenue et moins de 100 m de profondeur" mais aucune trace d'activité visible à seulement quelques centaines de mètres des côtes me semble incompatibles.

      Donc, un questionnement important persiste sur cette phase sous-marine.
      Qu'il y en ait eu une : peu de doute, les ponces basaltiques sont là. Mais:
      - si elle a eu lieu à très faible profondeur, elle n'a pas pas pu être intense , ni longue. Elle aurait été détectée depuis l’espace, j'en mettrais ma main à couper.
      - soit elle a eu lieu à quelques kilomètres des côtes et à une profondeur bien plus importante que supposée à partir de la texture des ponces. Et alors, même soutenue elle aura pu passer inaperçue, qu'elle ait duré longtemps ou pas.

      Les auteurs de cette publication continuent de travailler sur les données (peut-être dans le process de Peer Reviewing?) et il n'est pas exclu que de nouveaux éléments remettent en cause certaines des conclusions de leur premier article, ne serait-ce que sur la durée supposée de l'éruption, difficile à contraindre sans données. Le fonctionnement de la science sous nos yeux!

      Bref : on aura peut-être de nouveautés à se mettre sous la dent dans les mois qui arrivent!?

      @+!

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    6. L'autre possibilité c'est que le mécanisme de formation de ces ponces soit encore insoupçonné... ;)

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    7. Yep! C'est parfaitement vrai, on n'est jamais à l'abri d'une surprise de ce genre :)

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  4. Comme toujours, un article passionnant et une discussion post article qui ne l'est pas moins! Merci bien d'alimenter ma passion d'amateur de volcanologie depuis la découverte de ce blog en 2014 ;-)
    Pierre-Alain

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    1. Bonjour Pierre-Alain. Merci pour votre retour si positif : ravi que vous soyez ravi! :)
      CV

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