10 juillet 2018

Kilauea, Krakatau et Heard : les actus volcaniques du jour

Kilauea, Etats-Unis, 1222 m

L'activité éruptive se poursuit sans changements sur le fond, et quelques modifications dans la forme. Les changements en question n'ont rien d'anormaux et sont la manifestation classique de la manière dont peut évoluer avec le temps une activité effusive.
Sur le réseau de fissures tout d'abord l'évent principal reste la fissure 8 et son cône de plus de 50 m de hauteur (hauteur qui ne varie plus depuis plusieurs semaines déjà car les projections  ne montent pas assez haut). Le magma arrive là encore en grande quantité et le dégazage au niveau du point de sortie brasse la roche en fusion, maintenant l'activité de spattering. Puis la roche fondue s'étale sur le sol et continue d'alimenter la vaste champ de lave qui part en direction de l'océan et la zone de l'ex-Kapoho/Vacation Land.
Sur ce réseau de fractures mis en place depuis fin avril, l'autre évent toujours actif est la fissure 20 sur laquelle une petite activité explosive se maintient, mais les volcanologues du HVO ne parlent plus de coulées à cet endroit-là.

La fissure 8, principal point de sortie du magma depuis la mi-mai. Image: HVO/USGS, le 08 juillet

L'écoulement de la lave dans le chenal principal (celui de la fissure 8) évolue lui-aussi et la lave a commencé à former un important tunnel en amont du delta de lave côtier. Les volcanologues ont aussi constaté que la surface de la coulée dans la partie aval du chenal était maintenant encroûté. Il semble donc que la lave coule en tunnel depuis une zone juste an mont du delta, puis refait surface sur le delta pour atteindre l'océan. En amont de la zone encroûtée de nouveaux débordements ont été observés. Certains sont importants et menaces de nouvelles habitations.

Une portion de la coulée dans le chenal principal a sa surface maintenant encroûtée: la lave coule en tunnel sur cette portion. Image: HVO/USGS, 09 juillet 2018

Sur delta de lave, les coulées sont à nouveau bien actives et plusieurs lobes arrivent au contact de l'océan. Image: HVO/USGS, 09 juillet 2018


Au sommet l'affaissement progressif de la caldera d'Halema'uma'u se poursuit.

Source: HVO/USGS

Krakatau, Indonésie, 813 m

L'activité éruptive débutée en juin se poursuit actuellement sur Anak Krakatau. Elle reste uniquement explosive et génère des panaches peu importants et rapidement dispersés, ce qui semble suggérer une quantité de cendres (particulières de moins de 2mm) assez faible, et surtout des blocs (+ de 64 mm de large)et des lapillis (entre 2 et 64 mm de large), qui sont des particules qui peuvent se redéposer plus rapidement au sol. Sur la vidéo ci-dessous ne regardez que les images, pas le descriptif de la vidéo, qui parle de coulées et de fontaines de lave, ce qui pour le moment n'a pas eu lieu.




Cette activité explosive, modérée et qui pourrait être qualifiée de vulcanienne faible ou peut-être strombolienne forte (il faudrait voir les particules déposées pour les caractériser un peu mieux), est assez habituelle, ce qui ne veux pas dire qu'elle ne peux pas évoluer vers quelque chose de plus intense et moins habituel. En tout cas pour le moment la surface du cône de l'Anak Krakatau reste à assez haute température, non seulement au niveau du point de sortie du magma bien sûr, mais aussi sur tout le haut versant sud du cône, recouvert régulièrement de blocs à haute température. Juste après une explosion, ces dépôts sont assez chaud pour que leur rayonnement thermique puisse être repéré depuis l'espace.

Le 09 juillet 2018, juste après une explosion, le dépôt de blocs a haute température est encore repérable depuis l’espace grâce à chaleur. image: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Une situation à suivre donc car il n'est pas impossible, même si rien ne le laisse suggérer pour le moment, qu'une coulée de lave puisse se former à un moment ou à un autre.

Sources: VAAC de Darwin; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus; Youtube

Heard Island, Australie, 2745 m

Si vous me suivez sur twitter vous savez déjà qu'une activité éruptive a débuté sur cette île lointaine située dans les cinquantièmes hurlants. Sa présence la plus ancienne visible sur les images satellites (qui n'est donc probablement pas la date de son commencement) remonte au 03 juin et il ne s'agissait alors, comme la plupart du temps, que d'un signal thermique fort situé au fond du cratère du Mawson Peak. Mais sur l'image produite la 03 juillet par SENTINEL 2, une coulée de lave longue d'environ 880 m était visible sur le flanc nord-est du Mawson Peak. Cette activité est donc assez soutenue pour que la colonne de magma, toujours présente dans le conduit mais souvent trop en profondeur pour être visible*, déborde soit directement depuis le cratère sommital, soit depuis une fracture ouverte à travers la couche de glace juste en dessous du cratère (difficile à dire sur l'image satellite...).

La coulée de lave au sommet d'Heard Island. Image: SENTINEL2-ESA/Copernicus

Les images plus récentes ne permettent pas de voir si cette coulée est toujours présente ou non, mais les données du MIROVA indiquent une émission thermique forte, compatible avec sa présence.

* situation qui fait penser à l'activité au Villarrica et, probablement, à l'Etna aussi

Sources: SENTINEL2-ESA/Copernicus; MIROVA

14 commentaires:

  1. Bonjour,
    Petite question, qui peut être bête, ou non, mais qui m'intéresse : y a t-il quelque chose qui définie cette limite de 64mm pour séparer les lapilis des blocs ? ou est-ce une limite arbitraire (comme par exemple pour la limite dissous-particulaire de 0,45µm en chimie) ?
    Merci et bonne journée :)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Jeremy. La seule chose que je sais c'est qu'il s'agit de limites définies à partir de la classification des roches sédimentaires. Elles-mêmes, sont étudiées avec des tamis et je suppose donc qu'il s'agit de limites définies à partir de cette tamisation (rien de certain) mais il faudrait, pour avoir plus d'informations (et j'ai cherché mais probablement pas assez : ) ) les articles publiés par Richard Fisher fin des années 50 et années 60.

      Bonne journée

      Supprimer
    2. Il est probable que "l'article fondateur" soit "Proposed classification of volcaniclastic sediments and rocks", 1961 mais je n'ai pas réussi à le trouver en entier pour le lire...

      Supprimer
    3. Merci beaucoup de la réponse !
      J'irai peut-être chercher ça en rentrant de vacances dans la bibliothèque au rayon géologie de mon labo, il doit bien y avoir ce papier :)
      Bonne journée !

      Supprimer
  2. Salut CV,

    Une petit faute d'inattention je pense : +64 mm (bombes volcaniques) et + 2m (blocs). En tout cas, on voit bien ces blocs arroser tout le cône et même retomber dans l'eau vers le sud-ouest...

    En tout cas, cette vidéo devrait dissuader ceux qui voudraient poser le pied sur l'île !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Salut Ludovic. La différence entre bloc et bombe n'est pas la taille mais la morphologie: bombe arrondie (il y a des bombes en fuseau de plusieurs mètres de long et ce ne sont pas des blocs) et blocs anguleux (il y a de petits blocs de quelques dizaines de cm de large). Elle traduit une différence de viscosité la plupart du temps. Bombe: projections de lave plutôt fluide; blocs projections de lave plus visqueuse.

      Quand à Krakatau...cf le post qui arrive :)

      Supprimer
    2. Salut !

      Je viens de reprendre mes cours et tu as bien raison. J'ai buggé !

      Supprimer
  3. Une très belle vidéo de l'éruption à Hawaï : https://vimeo.com/279398576 . L'overflow juste au Nord du Kapoho Crater semble détourner une bonne partie de la coulée à l'Ouest du cratère. La surface recouverte par la lave a considérablement augmenté ces derniers jours. Ambiance magnifique dans la deuxième partie de la vidéo, avec la vapeur d'eau au dessus des coulées et la "petite" tornade...

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour,
    Sur cette vidéo (https://vimeo.com/279791836) on voit près de la nouvelle entrée de la lave dans l'océan (au sud du delta) des dépôts blancs sur la lave refroidie. A quoi est-ce dû? Est-ce que ce sont des dépôts du panache généré au niveau de l'entrée dans l'eau?
    Bonne journée.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour,

      Comme ça, à vue d’œil, ça ressemble à des dépôts que j'ai pu voir sur les champs de lave à la Fournaise (en plus grand nombre après les pluies). J'ai cherché un peu dans la littérature et malheureusement, je n'ai trouvé que des propos de Maurice Krafft qui les interprète comme des sels... mais des sels de quoi ?

      CV, tu as mieux ?

      Supprimer
    2. Merci de votre réponse! Avez-vous vu la petite île qui s'est formée devant le delta de lave?

      Supprimer
    3. En regardant la vidéo j'avoue ne pas avoir vu précisément les dépôts, donc difficile de répondre. Mais un dépôt contenant du sel marin déjà ne m'étonnerais pas: la chaleur sur le champ de lave est forte et les embruns en sont une source importante. Mise à part ça, je ne saurais dire de quoi il s'agit précisément...

      Supprimer
    4. Peut-être du sel marin oui. Mais sur la Fournaise, je parle de champs de lave à 2200 mètres d'altitude...

      Supprimer
  5. Ca me fait penser que j'ai peut-être vu ce type de dépôts fumeroliens sur l'Etna aussi probablement, à proximité de skylights je crois. Des sulfates?

    RépondreSupprimer