4 juin 2018

Nouveau paroxysme sur le volcan Fuego (mis à jour)

La journée du 03 juin 2018 restera dans les mémoires pour les habitants qui vivent près du Fuego comme l'une des plus douloureuses de ces dernières décennies: un nouvel épisode paroxysmale particulièrement intense s'est déroulé tout au long de la journée d'hier, emportant dans son sillage au moins 25 vies (le nombre exacte n'est pas encore connu).
Pourtant ce type d'événement n'est pas rare au Fuego, où l'activité éruptive est permanente depuis de nombreuses années mais est généralement modérée (activité strombolienne, voir parfois vulcanienne). Toutefois ces dernières années l'activité a évolué, produisant plusieurs paroxysmes par an, qui ont généré à de nombreuses reprises des fontaines de lave, des coulées de lave et des écoulements pyroclastiques (nuées ardentes).

Le paroxysme d'hier est le second pour l'année 2018, mais l'un des plus importants des dernières décennies. Il a débuté vers 06h du matin (heure locale) et a rapidement commencé à produire des écoulements pyroclastiques. Les webcams ne fonctionnant plus, il n'est pas évident de savoir comment ces écoulements ont été produits mais si l'on regarde les bulletins de l'INSIVUMEH, on peut constater l'absence de mention "coulée de lave". Je le précise car à de très très nombreuses reprises ces dernières années, les écoulements pyroclastiques ont été produit à partir de coulées de lave instables dans les fortes pentes. Ici cela ne semble pas être le cas ce qui laisse deux possibilités:

- soit les écoulements ont été produit directement à partir de l'activité explosive, donc à partir des fontaines de lave et du panache de cendres qu'elle a fabriqué.

- soit ils ont été produits par la déstabilisation des dépôts de cendres, bombes et blocs accumulés sur le sommet pendant l'activité strombolienne-vulcanienne qui, elle, ne cesse jamais entre les paroxysmes .

Et personnellement j'aurais tendance à préférer la seconde solution, mais ça reste du feeling, pas de la science.

Quoi qu'il en soit le paroxysme est monté en puissance, et les écoulements pyroclastiques ont été produits à plusieurs reprises, dévalant les différentes ravines (barrancas) ouvertes par l'érosion dans les flancs du stratovolcan (Honda Seca, Las Lajas, Taniluya,Cenizas). 
L' écoulement ci-dessous a été filmé traversant le pont sur la route qui relie Escuintla à Amatitlan, mais il est clair que les personnes qui sont là...n'ont rien à faire là en période de paroxysme.





De nombreuses coulées de boue ont aussi été décrites, en raison des fortes pluies qui ont arrosé l'édifice, et c'est visiblement l'une d'entre elles qui est parvenu jusqu'à un petit village, San Miguel-Lotes, situé près d'Escuintla (versant sud-est du volcan) où il a malheureusement fait plusieurs victimes.

Les secours au travail dans le petit village de San Miguel-Lotes. Image: Prensa Libre

Les cendres et lapillis produits et par l'activité explosive au sommet (panache directe) et par les écoulements pyroclastiques (panache co-pyroclastiques) ont affecté une large zone, retombant sur les villes d'Antigua Guatemala, et même la capitale Guatemala City (respectivement 20 et 40 km environ à vol d'oiseau).

Chutes de cendres et lapillis à Antigua. Image: Jaguar Negro JT via Tweeter

L'activité a décliné dans l'après-midi et est maintenant revenue à la normale.

Mise à jour, 22h00

L'activité a laissé des traces très impressionnantes en particulier sur le versant sud-est du stratocône, où les écoulements pyroclastiques ont fait d'importants dégâts et touché un vaste surface. Contrairement à ce que j'avais lu dans la presse ce matin, les morts de San Miguel Lotes, ont été victimes d'un écoulement pyroclastique, non d'une coulée de boue.

La désolation à San Miguel Los Lotes: le dépôt d'écoulement pyroclastique couvre tout le village. Image:  Estuardo Paredes/Prensa Libre

Le nombre des victimes a augmenté jusqu'à 33, décompte qui était valable au soir du 03 juin. Les secours continue de fouiller les dépôts, au péril de leur propre santé car les cendres et blocs sont encore à très haute température.


Une vue globale du stratocône et des dépôts d'écoulements pyroclastiques sur le versant du-est

L'origine de la violence de ces écoulements pourrait être la déstabilisation de toute une portion du stratocône, sous le sommet (côté sud-est donc): certaines images semblent montrer une cicatrice laissée par un décrochement. Il ne faut pas oublier que de tels écoulements de cendres et blocs peuvent se former dans des circonstances très diverses, alors qu'on a tendance à les associer uniquement aux éruptions de magmas visqueux, ce qui est une erreur importante.


Sources: INSIVUMEH; CONRED; Tweeter; Prensa Libre

6 commentaires:

  1. Bonjour !
    Même en connaissant les risques, il y a toujours des idiots qui se mettent en danger..
    Triste que les lahars aient fait des victimes en tout cas..
    J'ai trouvé une vidéo d'une explosion au niveau du cratère (ça semble être la bonne date).
    Gros "coup de tonnerre" et des projections bien chaudes qui retombent sur tout le cône, assez impressionnant à voir : https://twitter.com/twitter/statuses/1003435668725555200

    Merci encore et toujours pour ce blog !

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    1. J'ai l'impression que le cône de la vidéo n'est pas bien grand, l'échelle ne colle pas (rapidité des pierres qui roules et de la convection des cendres), ça ressemble à un fake pour moi, mais je me trompe peut-être...

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    2. Bonsoir. C'est bien une explosion sur le Fuego mais pas du tout prise au moment du paroxysme. Elle tourne depuis quelques temps déjà et montre l'activité explosive disons "habituelle" sur le Fuego.

      CV

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  2. Salut CV !

    Je suis d'accord avec toi. La cicatrice ne laisse que peu de place au doute. Je ne sais pas si tu as vu une vidéo où la personne se retrouve dans les cendres... Elle semble survivre, et son téléphone également. Cela évoque donc un écoulement pyroclastique "froid" qui colle avec notre hypothèse... Si c'est le cas, il ne peut avoir été entretenu par les gaz, ce qui suggère que la longueur importante de l'écoulement soit uniquement liée au volume important effondré...

    En tout cas, les différentes vidéos qui circulent sont effrayantes !

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    1. Salut Ludovic!
      J'aimerais avoir plus de détails concernant la morphologie de la cicatrice, ça peut aider à comprendre ce qu'il s'est passé. J'ai vu passer quelques images de cadavres "saisis" dans l'écoulement, position caractéristique des corps retrouvé dans les écoulements chauds (Pompeï, Montagne Pelée etc). Par aileur la mobilité de l'écoulement, qui a parcouru plus de 10 km et la hauteur du panache copyroclastique, assez importante (plusieurs milliers de mètres) plaide aussi pour un écoulement chaud. Une discussion est en cours visiblement sur les réseaux sociaux pour savoir si la cicatrice est bien le résultat d'un effondrement, ou d'une érosion due à l'écoulement pyroclastique, ou même les deux (décrochement, qui déclenche la mise ne mouvement de dépôts chauds, et l'écoulement accentue le creusement de la cicatrice).
      Donc je dirais qu'on manque encore de données précises pour ce faire un idée de ce qui s'est réèllement passé. Mais oui: c'est effrayant. Les gens ont été surpris, peut-être un peu trop habitués aux paroxysmes habituels, et sans réèlle conscience qu'un stratocône n'est qu'un gigantesque tas de débris, d'autant plus instable qu'il est soumis à des contraintes mécaniques fortes et que ses pentes sont importantes. Ah cette idée fausse qu'un volcan (et les éruptions qui peuvent s'y dérouler) est immuable...

      @+ :)
      CV

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  3. Bonjour Cv, j'aimerai savoir à combien est classée sur l'échelle d'explosivité cette éruption? La quantité de matière rejeté doit être beaucoup moins de celle du Vésuve en 79 qui était de 5 sur l'échelle. A mon sens celle-ci doit être faible sur l'échelle soit 2.

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