Un point sur l'activité des volcans Agung, Stromboli, Ambae (Aoba), Fuego et Pacaya

Stromboli, Italie, 924 m

Ce n'est pas pour rien que je commence par Stromboli car l'activité est, actuellement, absolument somptueuse.
Tellement somptueuse même qu'une réunion s'est tenue à Rome entre la Protection Civile et les volcanologues, au cours de laquelle les données récoltées ont incité les responsables de la Protection Civile à élever le niveau d'alerte au jaune. L'activité, toujours strombolienne est en effet très intense: les explosions sont assez fortes (par rapport à l'activité habituelle) et nombreuses. Cette modification du niveau d'alerte pourrait se traduire par une limitation des ascensions au seul point de vue à 400m du versant nord, en surplomb de la Sciara del Fuoco, notamment parce que la période des fêtes de fin d'année se marque par une recrudescence de l'activité touristique sur l'île.

Cette activité accrue fait suite aux quelques fortes explosions dont je vous ais fait pars dans un précédent post. En l'espace de quelques mois la configuration de la zone cratèrique a été légèrement modifiée, bien que l'on retrouve par contre toujours les mêmes évents aux même endroits. En gros, la zone active est toujours séparée en 2:
- zone nord avec 2 évents (évent nord et évent sud), qui seront notés respectivement N.N et N.S
- zone sud avec 2 évents (évent nord et évent sud), qui seront notés respectivement S.N et S.S

Je vous ais préparé une petite image satellite, couplée avec une image prise avec une des webcams thermiques de l'INGV, pour la localisation de ces différents évents actifs. Et je précise que cette notation n'est pas l'officielle, qui est plutôt sous le format S1-S2-N1-N2 plus un évent central, devenu invisible ou inactif (ou colmaté) à ce qu'il semble.

Localisation des 4 évents actifs actuellement sur la plate-forme cratèrique. Images: SENTINEL2-ESA/Copernicus et INGV

Au cours des mois écoulés les projections de l'activité stromboliennes se sont accumulées sur autour de chacun des évents sus-nommés, formant des cônes autour de chaque bouche.  Ci-dessous des images prisent par une webcam thermique du LGS: pas évident de reconnaitre les explosions des deux évents sud: ils sont quasiment alignés avec la webcam et c'est juste un léger décalage qui permet de les distinguer... Quoi qu'il en soit les deux évents les plus actifs sont les SS et NS: les explosions y les plus fréquentes et les plus fortes. L'activité de l'évent NN, quand à elle, se reconnait facilement: c'est un chalumeau!

L'activité sur les 4 évents actifs en ce moment. Images: LGS

N’hésitez pas à suivre l'activité sur la webcam de skyline, en mettant les hauts parleurs à fond si possible (surtout quand il y a le chalumeau, c'est pas mal).

Sources: Skyline; INGV; SENTINEL2-ESA/Copernicus

Agung, Indonésie, 3142 m

Bon, à peine le post précédent mis en ligne, l'activité sur l'Agung connaissait une modification interessante: le retour de petites émissions de cendres. Elles ont pris le relais des bouffées de gaz dont je parlais et sont actuellement assez fréquentes: entre 20 et 30 par jour environ. De nuit une lueur est, par ailleurs, redevenue bien visible dans le cratère sur la webcam mais reste tout de même modérée. Elle indique qu'une zone à très haute température persiste, mais la source des ces hautes température est-elle une lente émission de magma ou un très fort dégazage?

L'une des nombreuses bouffées de cendres, au matin du 10 décembre. Image: PVMBG

Quoi qu'il en soit on a maintenant la fin d'un mystère: ce qui se trouve au fond du cratère est identifié. En particulier grâce à une image satellite réalisée par beau temps (ce qui est synonyme de "par miracle" tellement c'est rare sur la zone équatoriale) le 09 décembre par SENTINEL 2. Alors dôme ou coulées?

Le fond du cratère est effectivement bien occupé par une galette de lave, produite pendant l'éruption fin novembre. Il s'agit d'une sorte de dôme extrêmement plat qui, au final, n'est pas une coulée uniquement parce que la lave qui le constitue est restée coincée dans le cratère. Pour le dire autrement: si cette lave n'était pas restée coincée au fond du cratère de l'Agung, nul doute qu'elle aurait coulé aisément sur la pente car la viscosité de cette lave semble modérée.

Cette extrusion ressemble, pour moi, à ce que l'on trouve au Semeru actuellement par exemple.

Sa viscosité modérée se manifeste notamment par la surface globalement plane de la galette, qui n'est perturbée que:
- par des rides d'écoulement
- par le fait que cette surface est chaotique, émiettée pendant l'écoulement, avec des blocs dont la taille est plutôt modeste et assez homogène.
- par la présence d'une bosse qui est la zone d'émission de cette lave modérément visqueuse.

On voit la plupart de ces caractéristiques sur une image satellite (pas la première, mais la première nette), prise le 09 décembre par SENTINEL 2. L'intégration des données thermiques permet de localiser l'évent éruptif, source de la galette (dôme-coulée si vous préférez), c'est-à-dire de la bosse citée plus haut.

La galette de lave, bien visible avec pas mal de détails. Image: SENTINEL2-ESA/Copernicus

C'est aussi au niveau de l'évent que se produisent les explosions, modérées elles-aussi, qui semblent être annulaires d'après les images que l'on m'a faites passer (et je remercie les personnes responsables) mais que je n'ai pas l'autorisation de diffuser.


L'activité reste stable pour le moment mais le niveau d'alerte reste au rouge. Plus de 66000 personnes restent déplacées et accueillies dans 225 zones de refuge.

Sources: Merci à Kaptain Krokette et Cedric Normand; SENTINEL 2-ESA/Copernicus; PVMBG; BNPB

Pacaya et Fuego, Guatemala, 2552m et 3763 m respectivement

Là je fait un doublé car les situations évoluent simultanément sur ces deux édifices proches.

En ce qui concerne le Pacaya d'abord, l'activité strombolienne est, là aussi, très très belle en ce moment. Une partie du spatter cône sommital, édifié petit à petite au cours des mois écoulés, semble s'être effondré d'un côté d'après les indications de l'INSIVUMEH. Une coulée de lave a commencé une très très lente mise en place sur le versant nord. Elle ne mesure qu'une centaines de mètres de long alors qu'elle a commencé sa progression il y a plusieurs jours déjà.Il semble qu'une autre coulée de lave, plus courte encore, part en direction du sud-est (décrite dans les bulletins de l'INSIVUMEH).

Así fue el espectáculo que presencié, la noche de ayer, en el volcán de Pacaya.

Ha sido de las cosas más irresponsables que he hecho, pero valió la pena con tal de estar frente a esta maravilla.#Guatemala #Volcán pic.twitter.com/GSNuWOevuL

— Samuel Castilla (@SamuelCastilla) 9 décembre 2017

La situation ne présente pas de danger immédiat mais il a été demandé au parc naturel d'interdire l'accès au sommet du cône Mac Kenney.

Concernant le Fuego maintenant, il semble qu'il connait en ce moment même le 12ème pic d'activité de l'année. Une coulée de lave avait été  décrite hier, longue de 800m, dans une ravine du versant ouest (Santa Teresa). L'activité strombolienne, toujours spectaculaire au sommet de ce stratocône, est montée en puissance avec des épisodes de fontaines de lave, haute de 500m environ. Comme d'habitude c'est essentiellement la zone sommitale qui a été impactée par les chutes de bombes innombrables. Quelques chutes de cendres et lappilis sur les villages proches mais, pour l'heure, pas de problèmes particuliers.

Quelle ambiance hier soir! Image: S.Letona, via twitter

La sismicité de cette 12ème crise semble déjà retomber. 

Sources: INSIVUMEH; CONRED; S.Letona

Ambae, Vanuatu, 1496 m

Il n'y a eu que très peu d’informations précises quant à l'évolution de l'activité éruptive sur cette île ces dernières semaines. Elle semble avoir cessé vers la fin novembre après un déclin progressif. Le Geohazards a décidé d'abaisser l'alerte volcanique à 2 car la sismicité reste pour le moment au-dessus de la normale.

Des images radar prisent depuis l’espace par SENTINEL 1 tout au long de l'éruption permettent de voir l'évolution de la nouvelle presque-île construite dans le lac Voui. Un cône ouvert d'un large cratère s'est formé au cours de l'éruption, associé à deux coulées: la première, courte, en direction du sud-est, la seconde, plus importante et faisant la connexion avec les rives du lac, en direction du nord.

Croissance du cône et des coulées de lave associées au cours de l'éruption. Images: SENTINEL1-ESA/Copernicus

Sources: Geohazards; SENTINEL 1/ESA-Copernicus