Bezymianny: activité explosive extrêmement puissante aujourd'hui! (Mise à jour)

C'est une situation qui semble assez similaire à celle qui s'est mise en place en mars et juin dernier: une violente activité explosive s'est déroulée aujourd'hui, produisant un panache de cendres haut de 15 000m environ!

Elle dépasse toutefois nettement en puissance l'activité du mois de mars et semble même un tantinet plus importante que celle de juin, dont le panache s'était élevé à "seulement" 12000m.

Cette explosion n'est toutefois pas une totale surprise car cela fait deux jours que le Bezymianny est sous surveillance accrue. En effet le KVERT avait élevé le niveau d'alerte aviation à l'orange dès le 18 décembre suite à la détection de signaux anormaux suggérant une reprise de l'activité extrusive. Typiquement, au Bezymianny, ce type d'activité se déroule au sommet d'une immense accumulation de lave visqueuse, mise en place par étapes depuis l'immense éruption de 1955, l'activité actuelle ne faisant que rajouter des épaisseurs de lave visqueuse par-dessus les précédentes. 

Cette accumulation peut être vue soit comme un mini-stratovolcan (un peu la situation du Caliente pour le Santa Maria-Santiaguito au Guatemala), soit comme un dôme exogène, dont la définition est, justement, d'être le résultat d'une accumulation de courtes coulées de lave visqueuses. Pour plus de simplicité j’appellerais cette accumulation de lave visqueuse simplement "dôme".

Mais revenons à la situation actuelle, qui n'est qu'un épisode supplémentaire d'une activité qui est en cours depuis quasiment un an, au moins.

Le KVERT, donc, élève l'alerte aviation à l'orange suite à une reprise de l'activité extrusive, dont des traces étaient visibles, notamment, sur le flanc est du "dôme" au matin du 18 décembre. J'avais alors préparé, pour twitter, une petite comparaison d'images pour bien voir le dépôt d'avalanches de blocs salissant la couverture de neige, et qui était absent peu avant.

Le dépôt sur l'image de droite indique qu'une masse de lave visqueuse à probablement fait son apparition au sommet du "dôme". Images: KB-GS-RAS

A ce stade, les volcanologues savent que le système volcanique appelé "Bezymianny" se trouve à nouveau dans une phase d'instabilité. Or comme de puissantes explosions ont parfois lieu (mars et juin cette année, mais de nombreuses autres auparavant depuis 1955), il est logique de supposer que l'instabilité en cours puisse aboutir de nouveau à une puissante activité explosive, ce qui est exprimé dans les bulletins du KVERT.

Et c'est donc avec une surprise toute relative que l'on a pu voir se mettre en place l'activité d'aujourd'hui, spectaculaire par contre.

Elle débute violemment vers 03h40 TU par une première explosion modérée, similaire à celle du mois de mars, rapidement suivi d'une seconde explosions beaucoup plus violente qui, elle, produit la colonne de cendres principale. Cette dernière atteint l'altitude (stratosphèrique) de 15000 m en moins de 15 minutes visiblement, tout en étant emportée vers le nord-est par un vent d'altitude puissant.

Les cendres émises par l'activité explosive sont emportées vers le nord-est.Image: Himawari 8 via NOAA/CIMSS

 Le panache a été parfaitement observable depuis la ville de Klyuchi, située à environ 42 km au nord-est, ce malgré le fait qu'entre elle et le Bezymianny trône le plus haut volcan de toute la péninsule, le Klyuchevskoy bien entendu, avec ses plus de 4800 m d'altitude. Sur les images ci-dessous, il semble en effet bien petit en comparaison de l'immense panache....

Formation de l'immense colonne de cendres, observée depuis Klyuchi. Le Klyuchevskoy et sa forme parfaite sont en premier plan. Images: IVS-KVERT.

Les images prisent depuis la webcam installée à l'est des volcans Klyuchevskoy et Bezymianny permet de constater (et on ne sera pas surpris non plus), que d'importants écoulements pyroclastiques ont été produits lors de cet événement de grande ampleur, et permettent un chronologie des différents événements, que voilà:

1- Le premier écoulement, assez volumineux, se forme après le démarrage de la première explosion. Il semble se diriger vers le nord-est et approcher de la base du volcan voisin, le Kamen. Ce premier écoulement pyroclastique dépasse sans soucis le rempart, haut de quelques dizaines de mètres qui entour le "dôme, rempart qui est la cicatrice laissée par l'effondrement de flanc du Bezymianny en 1955.

2- La seconde explosion démarre et est suivie d'un second écoulement pyroclastique, plus rapide, plus volumineux que le premier mais qui emprunte à peu près le même parcours en allant simplement plus loin. Il semble qu'il suive en fait le tracé d'une rivière bien visible sur Google Earth. Simultanément mais sur le versant est-sud-est d'autres écoulements pyroclastiques démarrent et on voit nettement la couche de neige se "vaporiser"* à leur contact.

3- pendant que la seconde explosion se poursuit les écoulements pyroclastiques de l'est-sud-est progressent, fusionnent et comme ils sont alimentés par l'activité explosive, forment finalement un seul et immense écoulement pyroclastique, extrêmement impressionnant, très véloce. Il se met en place (je pense), sur la plaine de cendres (constituée de dépôts d'écoulements pyroclastiques antérieurs) qui s'étend entre le Bezymianny et l'autre voisin, le volcan Zimina.

Vous aurez remarqué que les images au-dessus sont des captures d'écran: voilà la vidéo youtube dont elles sont extraites, un time-lapse qui vous permettra de voir toute cette chronologie en mouvement.

Attention toutefois: il ne faut pas perdre de vue que du fait des positionnement des webcams, du fait de l'intensité de l'activité explosive même,du fait que les images sont prisent à intervalles réguliers certes mais pas en streaming il est plus que probable que des phénomènes ne soient pas visibles. Par ailleurs plusieurs détails m'ont échappé comme la distance parcourue par les écoulements pyroclastiques mais j'espère pouvoir les estimer plus tard. Ce que j'ai pu retracer ci-dessus n'est donc que le schéma globale de cette activité éruptive, une image détaille sans être exhaustive.

Évidement la quantité de cendres injectée dans l’atmosphère a obligé les autorités à élever l'alerte aviation au rouge. Il semble qu'elle soit repassée à l'orange car les cendres se dispersent progressivement et l'activité explosive ne semble pas se poursuivre, en tout cas pas avec la même ampleur.


Mise à jour, 21 décembre 2017, 13h00

Suite à l'activité explosive d'hier la situation est restée plus calme. Il semble que l'activité éruptive ne se soit pas pour autant arrêtée.

Une image satellite prise aujourd'hui par SENTINEL 2  montre en effet que le versant nord-ouest du "dôme" est recouvert d'une zone sombre à très haute température, zone dont les limites sont franche, dont une extrémité se localise vers le sommet alors que l'autre se trouve en contrebas et vient se mouler littéralement le long de la paroi du rempart qui limite la caldera d'avalanche formée lors de l'éruption de 1955.

Cela ressemble fort (mais c'est à confirmer, la qualité de l'image ci-dessous n'étant pas top) à une coulée visqueuse. On peut aussi noter des zones très localisées qui sont toujours à très haute température, en particulier au nord-est, au pied du Kamen (probablement en lien avec le dépôt des deux premiers écoulements pyroclastiques), et au pied du "dôme, contre le côté sud du rempart de caldera (là aussi, peut-être en lien avec un dépôt d'écoulement pyroclastique).

Possible extrusion de lave visqueuse sur le versant nord-ouest du "dôme". Image: SENTINEL 2- ESA/Copernicus

On peut aussi voir depuis l'espace aujourd'hui l’impressionnante trace laissée sur les neiges du Kamchatka par l'activité explosive d'hier: la zone touchée par les chutes de cendres est immense!

Le dépôt de cendres laissé par le passage du panache du 20/12. Image: MODIS/NASA; 21/12/2017

Sources: KVERT; IVS-FEB-RAS; KB-GS-RAS; Himawari 8; NOAA-CIMSS; MODIS/NASA; SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

* toujours pareil: je mets l'astérisque parce qu'on ne voit pas la vapeur sur l'image (c'est transparent, la vapeur) mais des petites gouttes d'eau liquide reformées par condensation de la vapeur produite au contact "écoulement pyroclastique-glace".