5 octobre 2017

Les actus du jour: Heard Island, Erta Ale, Pacaya, Fuego, Sangay, Ol Doynio Lengai

Heard Island, Australie, 2745 m

Je terminais mon précédent post concernant ce volcan, en juin dernier, par ces phrases:"Cela indique que la colonne de magma est actuellement plutôt haute dans le cratère sommital. Toutefois c'est dans la durée que nous verrons comment cette situation évolue."
Bon ben: on y est, dans la durée! Allons donc voir ce que racontent les données satellites.
Car ce que j'ai rédigé au début du post précédent est toujours vrai: avoir des informations précises est toujours très complexe. Mais on peut dire sans se tromper je pense que l'activité est restée globalement élevée depuis le mois de juin, et a même atteint un nouveau pic en août et septembre. 

Les images SENTINEL prisent le 24 août et les 16 septembre montrent en effet qu'une nouvelle phase d'effusion, relativement soutenue, s'est déroulée. Difficile par contre de dire si elle se poursuit actuellement, les images plus récentes étant masquées par les nuages, mais ce n'est pas impossible vue la puissance des rayonnements infrarouges détectés en ce début octobre.

Pic d'activité thermique sur Heard Island depuis fin août. Image MIROVA


Cette phase ressemble à ce qui a été observé en juin dernier: une coulée de lave, courte (mais peut-être qu'on ne la voit pas en entier), se met en place sur le versant nord-ouest.

Le point d'émergence est situé sous le sommet, à environ 150-200m. Il est possible que cette émission de lave soit le fait de l'ouverture d'une fracture éruptive (ce que les manuels scolaires appellent une "cheminée secondaire"), que j'ai marquée d'un pointillé sur la composition d'images ci-dessous. 
Mais il est aussi envisageable qu'il s'agisse d'une simple résurgence d'une coulée à la surface de la calotte glaciaire, la coulée se propageant initialement entre la surface rocheuse du volcan et la base de la couche de glace après un simple débordement du cratère sommital. Auquel cas, pas de fracture, pas de "cheminée secondaire". Difficile de faire un choix tranché, seule une observation sur place (ou des images en ultra haute résolution) permettrait d'avoir le fin mot.

La présence de coulées de lave est claire le 24 août. Images: SENTINEL 2 - ESA/Copernicus

Le 16 septembre cette effusion était toujours en cour.

Sources: SENTINEL2-ESA/Copernicus; MIROVA

Erta Ale, Éthiopie, 613 m

La situation reste globalement inchangée par rapport aux post précédents: une éruption essentiellement effusive sur le rift zone sud-est, et la présence des deux lacs de lave: l'un au sommet, dans le Pit Crater Sud, l'autre sur la Rift-Zone, et qui est le point d'émission des coulées.
La seule évolution notable depuis le 12 septembre dernier, c'est que:
- le champ de lave sud-ouest est de moins en moins alimenté, tendance engagée il y a quelques mois déjà mais qui se poursuit. On note encore des zones où la lave progresse, mais ce champ ne gagne plus en superficie depuis longtemps et s'épaissit seulement.

- le champ de lave nord-est continue sa lente progression, toujours plutôt bien chenalisé par les lits de rivières temporaires présents dans la zone qu'il traverse. Il confirme son titre (lui aussi temporaire) de champ de lave actif le plus long du monde actuellement puisqu'il dépasse 16 km maintenant. Son front se trouvait à environ 650 m des sables de la plaine, zone intouchée par le volcanisme depuis des temps immémoriaux (probablement plusieurs dizaines de milliers d'années) le 26 septembre. Si l’effusion se poursuit avec ce débit, la lave pourrait atteindre cette plaine avant la fin octobre.

L'activité de l'Erta Ale le 26 septembre 2017. Image: SENTINEL 2-ESA/Copernicus

Source: SENTINEL2-ESA/Copernicus

Fuego et Pacaya, Guatemala, resp 3763 m et 2552 m

Là il n'est pas nécessaire de faire deux posts car, malheureusement, très peu d'informations précises sont disponibles. 

Concernant le Fuego: l'activité a connu un nouveau pic (le 10ème de l'année) fin septembre avec, comme d'habitude: coulées de lave et épisode de fontaine. Quelques chutes de cendres s'étaient produites aux alentours, mais rien d'inhabituel par rapport aux pics précédents.
 Et il semble que l'activité soit à nouveau en hausse. Pour le moment, la fréquence des explosions s'élève (10-12 par heure d'après le CONRED et l'INSIVUMEH) et certaines sont assez fortes. Des cendres sont retombées déjà sur la capitale Guatemala City.

Côté Pacaya, l'activité strombolienne s'intensifie aussi un peu à ce qu'il semble et c'est là encore le CONRED qui fait passer l'info. Le communiqué, en provenance de l'INSIVUMEH, fait état d'une hausse de la fréquence des explosions stromboliennes, avec des projections de fragments à quelques dizaines de mètres de hauteur, parfois plus de 100 m. L'activité continie d'édifier le spatter cone dans le cratère sommital. Il est vraiment beau maintenant!


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Pour ces deux édifices la situation est à suivre de près.

Sources: INSIVUMEH; CONRED; Instgram

Sangay, Equateur, 5230 m

L'activité éruptive qui a commencé début août n'est pas achevée si l'on en croit les signaux thermiques repérés par le MIROVA, dont la puissance est stable depuis le départ de l'éruption.
Courant août une activité explosive continuait d'être observée, mise en évidence par la formation de panaches de cendres, qui semblaient assez chargés par moment. Les images satellites confirment que la coulée de lave restait présente fin septembre. mMis depuis début août ce n'est pas une coulée unique qui s'est mise en place sur le haut versant est de ce magnifique stratocône: c'est tout un champ de lave, le flux de roche fondue ayant changé de direction au cours du temps. Il semble qu le point d'émission de cette effusion soit située sous le sommet, où un signal thermique (zone où se produisent les explosions?) est aussi visible.

La coulée de lave du Sangay, fin septembre. Image: LANDSAT 8-NASA/USGS

Pour l'heure cette activité éruptive semble stable, et d'une intensité modérée.

Sources: LANDSAT8 - NASA/USGS; MIROVA

Ol Doynio Lengai, Tanzanie, 2962 m

L'activité éruptive se poursuit et semble rester intermittente au sommet du Lengaï. On peut noter parfois la présence d'émissions thermiques dans le cratère, alors qu'à d'autres moments tout semble calme (ou l'activité se déroule au fond de puits et le rayonnement thermique, déjà faible, n'est plus détectable depuis l’espace). Toutefois si je compare au bilan que j'avais fait plus tôt dans l'année, dans lequel ressortait une activité globalement modeste, je peux noter deux moment différents, qui ont retenu mon attention: le 27 août et le 01 octobre.

Le point commun à ces deux dates est la détection de signaux thermiques d'une puissance bien supérieure à celle des signaux détectés auparavant. On peut voir sur les images satellites en couleurs naturelles* que la source de ce signal est un trou (Pit Crater) localisé au pied de la paroi ouest du cratère. C'est la zone active qui avait observée déjà en 2014, et qui semble donc garder son statut de point d'émission privilégié de la carbonatite.

Sur les images en fausses couleurs**, intégrant les longueurs d'onde de l'infrarouge thermique, on peut voir clairement la source du signal thermique et, le 27 août, on distingue au centre du cratère un faible signal pouvant correspondre à une coulée de carbonatite émise récemment (le jour même ou la veille car la carbonatite se refroidit assez rapidement). Cette idée au d'autant plu vraisemblable que sur l'image en couleur naturelles prise le 01 octobre, on distingue bien une tâche blanche (carbonatite refroidie) à l'endroit où cette coulée (et peut-être d'autres par la suite) s'est mise en place.

Couple d'images satellites (couleurs naturelles en haut, fausses couleurs en bas) montant un pit crater, source d'un signal thermique intense et d'éventuelles coulées. Images: SENTINEL2-ESA/Copernicus
Couple d'images satellites (couleurs naturelles en haut, fausses couleurs en bas) montant un pit crater, source d'un signal thermique intense et d'éventuelles coulées refroidies. Images: SENTINEL2-ESA/Copernicus

L'activité éruptive reste globalement modeste mais j'ai comme l'impression qu'elle va vers des niveaux plus intéressants. J'ai donc le sentiment que ce volcan redeviendra dans quelques temps une destination interessante pour son activité exceptionnelle, unique au monde pour le moment.

* le canal rouge de l'image correspond à la longueur d'onde rouge, le canal vert à la longueur d'onde verte et le canal bleu à la longueur d'onde bleue

** le canal rouge de l'image est associé à la longueur d'onde infrarouge thermique à 2202.4 nanomètres (canal 12), le canal vert à la longueur d'onde infrarouge thermique à 1613.7 nanomètres et le canal bleu à la longueur d'onde infrarouge thermique à 864.8 nanomètres


Source: SENTINEL 2/ESA-Copernicus

1 commentaire:

  1. Des nouvelles fraîches de l'Erta Ale de Guy de st Cyr avec tentative d'approche des coulées!

    GUY DE SAINT-CYR DE RETOUR DE l'ERTA ALE 21/09/2017
    Objectif N 1 : Approche du front de Lave SE en continuelle progression situé à 9,8 km du parking et à 6km de la source (source qui n'est autre que le nouveau Lac De Lave de l'ERTA ALE qui est lui-même probablement alimenté par le Pitt crater Sud )
    Échec partiel car nous n'arriverons qu'à 300 mètres des premières petites coulées parasites latérales actives et à 1 km du front de Lave .
    Échec dû à une topographie très accidentée, à une marche épuisante sur un sol extrêmement instable constamment recouvert de coulées Aa partiellement incandescent à une température dépassant les 200 degrés .
    À cela il faut ajouter une consommation d'eau journalière de 6 à 7 litres d'eau dans une température ambiante depuis le parking entre 49 et 52 degrés...
    (Le chef du village de KURSWAD au pied de l'ERTA ALE nous a dit avoir mesuré le 01/09 une température de 57 degrés à l'ombre de sa maison)
    Objectif N 2 : Approche du nouveau Lac de Lave à partir de La caldera .
    Ses dimensions semblent nettement supérieures à celles du Pitt crater Sud et son activité de surface (Fontaines) assez violente et continue.
    D'après les militaires que nous avons interrogé et qui séjournent quasiment en permanence au sommet de la caldera, le lac de lave du Pitt crater Sud continue ses phases de vidange et remplissage suivant un rythme très irrégulier (plusieurs par semaines)
    Nous l'avons trouvé à un niveau très bas (50/60 m)
    Si la progression dans la caldeira est relativement aisée au départ tout n'est pas simple !
    La distance qui sépare les 2 lacs (4,3 km en ligne droite)...
    Les désespérantes coulées de Aa qu'il faut traverser ou contourner...
    La délicate progression sur les laves récentes en tunnels à la voûte souvent très fragile entre la sortie de la caldera et la plaine d'épanchement qui ceinture le Lac défendent jalousement son accès !
    Enfin, dernier point qu'il ne faut pas négliger... En cas de vidange massive du Lac du Pitt crater Sud situé à une centaine de mètres au-dessus on est dans une zone très rapidement inondable ! (Les images que nous avons tournées en Janvier avec TF1 illustrent parfaitement cette hypothèse)

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