Le point sur l'activité des volcans Chirinkotan, Reventador, Nevados de Chillàn et Fuego

Fuego, Guatemala, 3763 m

Depuis plusieurs jours l'INSIVUMEH a publié une série de bulletins spéciaux indiquant clairement une progressive hausse de l'activité éruptive. Les explosions sont ainsi devenues petit à petit plus intenses et plus fréquentes.

Et depuis les 31 mars ont peu même dire qu'il s'agit d'une activité continue, qui est à l'origine d'une avalanche permanente, abondante même, de blocs depuis le cratère sommital, et qui arrose le versant est-sud-est de l'édifice. Les projections (blocs/bombes) produites par cette activité explosive s'élèvent, d'après les bulletins de l'INSIVUMEH, jusqu'à 300m de hauteur maximum.

Le dernier de ces bulletins, publié le 01 avril à 22h20 (heure locale), parle de plusieurs coulées de lave (au moins deux) longues de près de 3000 mètres pour le moment sur les versants est (ravine  Las Lajas) et sud-ouest (ravine Taniluya). Il semble qu'une coulée soit aussi en cours de mise en place dans la ravine Honda, qui se trouve plein est, non loin de la suture avec l'Acatenango.

Il semble donc qu'un nouveau pic d'activité (paroxysme) soit en cours de mise en place sur le volcan le plus actif du Guatemala: la situation mérite d'être suivie de prêt! Car les coulées, on le sait, peuvent générer des écoulements pyroclastiques dans les fortes pentes qui caractérisent la morphologie de ce stratocône.

Pour le moment le seul impact de cette activité intense est la présence de chutes de cendres et de lappilis sur les villages alentours, notamment à San Pedro Yepocapa (au pieds du versant ouest).

Les rues de San Pedro Yepocapa couvertes de cendres le 01 avril. Image: CONRED

Source: INSIVUMEH; USAID; Michigan Tech; CONRED

Chirinkotan, Russie, 724 m

"Mais que se passe-t-il sur ce volcan": c'est vraiment la question qui se pose toujours, alors qu'une nouvelle explosion a pu être détectée le 31 mars grâce aux données du satellite Himawari 8 notamment.

Elle semble avoir été assez forte, en tout cas plus que celle de début mars, si l'on en juge l'extension relativement importante du panache repéré. Ce dernier commence à se former à partir de juste avant 12h00 TU (minuit heure locale) et s'étire assez rapidement vers l'est-nord-est. Il rejoint l'île d'Onekotan située à plus de 200km vers 14h10 TU. L'activité explosive ne dure toutefois pas très longtemps, et ce panache se disperse donc dans les 3-4 heures qui suivent: au levé du jour: il n'est déjà plus possible de le distinguer sur les données.

Cette activité, à priori explosive, n'est toujours liée à aucun signal thermique détecté. Il faut dire qu'il est extrêmement rare que l'île soit hors nuages, or ces derniers bloquent les infrarouges: si un signal faible existe il est donc normal de ne pas pouvoir le repérer.

Du coup il est aussi difficile de comprendre la formation intempestive de ces panaches de cendres. Rien pour le moment ne permet non plus de dire qu'une activité faible existe entre chacune de ces explosions: il n'y a, par exemple, aucun panache de gaz visible sur les images quotidienne du MODIS.

Formation et dispersion du panache de cendres du Chirinkotan, dans la nuit du 31 mars au 01 avril. Images: Himawari 8

Là encore, une situation à suivre.

Sources: Himawari 8; VAAC de Tokyo

Reventador, Equateur, 3562 m

Voilà une activité éruptive pour laquelle je n'arrive malheureusement plus à faire de suivi aussi régulier qu'auparavant, en raison d'une disparition des images en ligne, qui pouvaient être consultées à n'importe quel moment mais qui ne sont plus maintenant visibles que sous la forme de time-lapses.

Les bulletins de l'IGEPN continuent de décrire l'activité comme élevée. Il s'agit d'une activité essentiellement explosive qui, actuellement, génère plusieurs dizaines d'explosions par jour, elle-même à l'origine de panaches pouvant dépasser 1000m de hauteur. Difficile, avec les trop rares images et le peu de détails des bulletins de l'IGEPN, de catégoriser cette activité*et tout ce qu'on peut dire c'est qu'elle semble effectivement soutenue.

Une image prise le 30 mars par une caméra de surveillance du Service Intégré de Sécurité Equatorien permet de voir l'un de ces panaches.

Panache de cendres observé à travers une caméra de surveillance installée dans la bourgade d'El Reventador, éponyme du volcan, située à 15 km au nord-est de ce dernier. Image: ECU 911

Cette activité est permanente et plutôt soutenue depuis au moins deux ans.

*mais cela est-il vraiment obligatoire? Et les catégories communément admises (strombolien, vulcanien, etc) sont-elle vraiment toujours pertinentes?

Sources: IGEPN; ECU 911

Nevados de Chillàn, Chili, 3212 m

Après une quinzaine de jours de calme de nouvelles émissions de cendres ont pu être observées hier en cours de journée, malgré la présence de quelques nuages sur le massif. Ces émissions ce sont déroulées en deux phases, espacées d'environ une heure et demie. La première, vers 15h35 (TU), fut assez intense et génératrice d'un panache de cendres bien chargé pendant une dizaine de minutes. Le vent, fort sur le massif, a emporté les cendres en direction du sud-sud-est et c'est donc la webcam d'Andarivel, postée au sud-ouest, qui était la mieux placée pour en saisir l'ampleur.

Une production de cendres soutenue le 01 avril. Image: SERNAGEOMIN

La seconde se déroule donc vers 16h55 (TU) et génère moins de cendres. C'est la webcam située à Portezuelo, au nord du cône actif, qui a pu la capturer le mieux, car les nuages ne masquaient pas la vue sur ce versant au moment où elle s'est produite.

Une seconde phase d'émissions de cendres, plus faible, détectée par les webcams. Image: SERNAGOMIN

A cela il faut ajouter que ces émissions de cendres à répétition ont progressivement, mais profondément, modifié la morphologie du sommet du cône actif (nommé Arau). Au départ, lorsque les premières manifestations de la crise en cours (janvier 2016) se sont produites, elles ont ouvert plusieurs petits cratères situés sur le haut versant du cône Arau, en contrebas du cratère principal. Mais ces manifestations a répétition, parfois assez intenses pour projeter des gros fragments arrachés au fond du cratère, ont fini par recreuser le sommet à tel point que tous ces évents semblent n'en former désormais plus qu'un.

Changement de morphologie en une année. Images: SERNAGEOMIN

Or depuis plusieurs jours maintenant on peut constater la présence, au niveau d'un évent en particulier, d'une lueur persistante. Elle est présente presque en permanence, même si il lui arrive de s'atténuer et disparaitre de temps à autres. Il s'agit d'un évent où du dégazage intense se produit et la lueur, visible uniquement de nuit, marque la présence d'infrarouges assez intenses pour pouvoir être détectés par le capteur d'une des webcams. Ceci implique que le gaz qui s'échappe de cet évent est à une température assez élevée.

Le gaz qui s'échappe de l'un des évents permet de le localiser de jour. La nuit ce sont les hautes temépratures de ce gaz qui permettent de le faire. Images: SERNAGEOMIN,  nuit du 30 au 31 mars

L’apparition de cette lueur pose question, mais n'est pas obligatoirement un signe précurseur d'une activité éruptive stricto sensu, c'est-à-dire libérant un magma neuf*. En effet le système hydrothermal de l'édifice est instable car porté à plus haute température par la mise en place d'une petite quantité de magma. Par ailleurs les émissions de cendres à répétition et la circulation de ces fluides surchauffés dans les conduits de l'édifice, peuvent permettre à ce que des fluides de plus en plus chauds, extraits de zones de plus en plus profondes du système hydrothermal arrivent en surface: lorsqu'il arrivent, ils se vaporisent (décompression) et sont à haute température donc rayonnent des infrarouges.
Il y aura peut-être plus d’informations dans le prochain rapport du SERNAGEOMIN.


* pour le moment rien n'indique que l'activité soit autre que phréatique, mais des résultats d'analyses de cendres permettraient d'être sûr.