11 mai 2016

Un point sur l'activité des volcans Sinabung et Ruapehu

Sinabung, Indonésie, 2460 m

Les phénomènes (aléas)
Rien ne vient perturber ou modifier l'activité éruptive, débutée en 2013, qui continue d'animer ce volcan. Le magma qui arrive au sommet, toujours plutôt visqueux, continue de former la petite galette de lave qui occupe le cratère sommital. Et celle-ci, vu le manque de place, continue de déborder, un peu, sur les pentes de l'édifice et plus particulièrement sur le versant est.

Ce débordement se manifeste essentiellement par des avalanches de blocs, produits par l’effritement de la masse de lave qui déborde, justement. Parfois ces décrochements sont assez volumineux pour donner des écoulements pyroclastiques mais ils restent rares et surtout de taille modeste.

Avalanche de blocs sur le versant est du Sinabung. Image: ¨PVMBG

La présence de cette galette continue de gêner le dégazage de la masse de magma qui remonte par les fractures qui alimentent l'éruption ("cheminée"). Des surpressions se mettent en place et se libèrent sous la forme d'explosions modérées, assez peu fréquentes...mais parfois très jolies néanmoins. Les panaches ainsi formés s'élèvent jusqu'à 1500-2000m au-dessus de l'édifice et sont rapidement dispersés.

Belle explosion au matin du 10 mai. Images: PVMBG; Gif: Culture Volcan


Une autre explosion au matin du 11 mai. Images: PVMBG

En résumé: l'activité éruptive reste mixte, extrusive (émission de lave visqueuse)/explosive, plutôt modérée mais continue et relativement stable dans le temps vue de l'extérieur.

Les conséquences

L'activité éruptive décrite ci-dessus ne pose pas directement des problèmes aux populations alentours dans le sens où elle n’impacte plus ou très peu des zones habitées ou exploitées pour l'agriculture. Elle empêche par contre les personnes évacuées de retourner habiter dans les zones toujours trop dangereuses pour être occupée et créé les conditions pour que d'autres phénomènes, potentiellement très dangereux, puisent se former. Je veux parler évidemment des lahars, coulées de boue qui se forment lorsque les cendres se gorgent d'eau et dévalent les pentes de l'édifice. Avec la particularité de pouvoir se former sur n'importe quel versant de l'édifice, y compris les versant qui n'ont jamais été touchés par les avalanches de blocs ou les écoulements pyroclastiques, pourvu que l'activité y ait déposé une quantité suffisamment importante de cendres. De tels lahars ont fait leur apparition ces derniers jours suite à des épisodes pluvieux produit par une série d'orages qui sont passés sur la zone. L'un d'entre eux s'est formé dans la rivière qui passe près du village de Kuta Mbaro, au pied du versant ouest du Sinabung, entrainant la mort d'au moins deux personnes et en blessant 4 autres. Aujourd'hui les recherches se poursuivent dans le dépôt de lahars pour voir si d'autres victimes ne sont pas à déplorer...

Sources: PVMBG; BNPB; PResse Indonésienne

Ruapehu, Nouvelle-Zélande, 2797 m

Un nouveau bulletin a été publié aujourd'hui par le Geonet, en charge de la surveillance des phénomènes volcaniques entre autres. Vous vous souvenez qu'il y a peu le volcan avait montré les signes d'une activité légèrement supérieure à la normale, avec l’apparition d'un essaim de secousses sismiques, plutôt rare sur ce volcan, et l'augmentation plutôt marquée de la température du lac d'acide qui remplit le cratère sommital.
Depuis lors l'essaim de secousses s'est apaisé mais l'activité sismique ne s'est pas pour autant stabilisée. Le bulletin nous indique en effet que le trémor, vibration produite par les mouvements des fluides dans les fractures ouvertes dans et sous l'édifice, a continué mais en étant un peu plus important. En surface la température du lac a continué d'augmenter, avec certaines mesures à 46 °C, et une augmentation de 1°C environ en deux jours ce qui, vu le volume du lac à chauffer, correspond à une énergie calorifique très importante.
Le plus important reste toutefois la modification de la composition des gaz qui sont émis. Les mesures effectuées le 10 mai ont en effet montré que plus de CO2 et plus de SO2 sont libérés actuellement. Or tous deux sont des gaz magmatiques, et leur augmentation pourrait tout autant signifier:
- soit que l'essaim de secousses enregistré fin avril correspond à la mise en place d'un petit volume de magma, ce qui libère plus de fluides, plus riches en CO2 et SO2, et plus chauds
- soit que les fluides libérés par le magma déjà en place, sont libéré en plus grande quantité qu'auparavant, sans que ce magma ne se soit déplacé. Suite par exemple à un épisode de fracturations qui permet à plus de fluides de circuler.


La surface du lac est donc plus chaude, ce qui s'accompagne d'une légère évaporation dont le Geonet disait qu'elle n'était pas visuellement différentes de ce qui se passe habituellement. Et pour relativiser l'importance de cette évaporation, les volcanologues ont eu la bonne idée de publier un image d'archive datant d'avril 68: effectivement la différence est claire.

L'évaporation de la surface du lac, le 08 mai 2016 .Image: Geonet

L'évaporation de la surface du lac en avril 1968. Image: geonet

Pour le moment le Geonoet n'a publié aucune hypothèse concernant ces modifications de l'activité, mais constate que le niveau actuel de l'activité va au-delà de ce qui est définit pour le niveau 1. La décision a donc été prise aujourd'hui d'élever le niveau d'alerte volcanique à 2, c'est-à-dire une période de perturbation ("unrest") importante susceptible de conduire à un épisode éruptif ou a une activité phréatique/hydrothermale. Ce changement s'accompagne du passage du niveau d'alerte aviation au jaune, en raison de la possibilité accrue qu'une activité génératrice de cendres puisse avoir lieu.
Les autorités ont évidemment très fortement déconseillé à toute personne de pénétrer dans la zone de dangers, qui fait environ 2 km de diamètres atour du cratère. Il serait logique de préciser de ne pas s'approcher non plus des rivières qui descendent du volcan, en particulier celle qui est directement alimentée par le lac sur le versant sud-est car si une activité importante se produit une partie du lac peu se déverser rapidement et être à l'origine d'un épisode de crue et de lahars.

La situation est donc à suivre de près.

Source: Geonet

5 commentaires:

  1. Bonjour, avez-vous une idée de la taille actuelle de la "petite" galette se trouvant au sommet du Sinabung ? En juillet 2015, je suis allée faire des mesures en compagnie des volcanologues, au pied du volcan. Ils avaient estimé un volume de 2 millions de m3 !

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    1. allez au pied du sinabung c'est un peu beaucoup risqué non? pourquoi on n'utilises pas de drone sur ce volcan pour voir le sommet?

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    2. Bonjour Nath. Difficile d'estimer pour moi le volume, et donc de comparer avec votre donnée, car les seules données disponibles relativement fréquemment sont les images d'une webcam située trop loin et dont la résolution n'est pas terrible. Mais je n'ai pas l'impression que le volume est fondamentalement changé depuis 2015.

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    3. pardon : "ait" fondamentalement changé.

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  2. Nous sommes restés juste le temps des mesures. Des villages comme Sigarang Garang ont bien été évacués (de là, le dôme de lave est impressionnant). Par contre, des Indonésiens sont retournés habiter dans le village de Kutatengah, à quelques km du cratère. Ils en ont assez de "vivre" dans les centres d'évacuation.

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